D'un côté: une poignée de jeunes hommes un peu illuminés, rêveurs de «révolution» et de «libération», ces mots qui émoustillent alors le monde entier. En 1970, en effet, quelle nation n'a pas sa faction révolutionnaire ou son front de libération? Alors, pourquoi pas nous? Surtout que l'idée d'indépendance existe bel et bien, de sorte qu'il s'agit de la faire advenir par la violence, voilà tout. Comme au XVIIIe siècle, celui des exaltantes révolutions. Ou comme dans le tiers-monde au XXe, le siècle des nobles libérations.

D'un côté: une poignée de jeunes hommes un peu illuminés, rêveurs de «révolution» et de «libération», ces mots qui émoustillent alors le monde entier. En 1970, en effet, quelle nation n'a pas sa faction révolutionnaire ou son front de libération? Alors, pourquoi pas nous? Surtout que l'idée d'indépendance existe bel et bien, de sorte qu'il s'agit de la faire advenir par la violence, voilà tout. Comme au XVIIIe siècle, celui des exaltantes révolutions. Ou comme dans le tiers-monde au XXe, le siècle des nobles libérations.

De ce côté, donc, se trouvent les affabulateurs romantiques.

De l'autre: un État bicéphale qui parachute au Québec 12 500 soldats, emprisonne 465 citoyens innocents et perquisitionne 10 000 foyers. Pourquoi suspendre ainsi la démocratie? Il fallait une démonstration de force, disent ceux qui se souviennent des 3000 apprentis révolutionnaires scandant «FLQ! FLQ!» au centre Paul-Sauvé. Pas du tout, répliquent d'autres. Déployer l'armée fut un geste, soit d'intimidation à l'endroit du Québec tout entier, soit de panique face à un FLQ présumé beaucoup plus puissant qu'il ne l'était réellement.

Bref, ont agi de ce côté les prudents, les calculateurs ou les effrayés, au choix.

Entre les deux, une population d'abord indifférente, puis intriguée lorsque Gaétan Montreuil lit à la télé le fameux manifeste. Mais le bon peuple est instantanément horrifié quand on découvre le corps du ministre Pierre Laporte. Huit jours plus tard, Jean Drapeau remporte la totalité des 53 sièges du conseil municipal. L'appui à la ligne dure, dont Drapeau est une icône, se situe alors à 86%.

La «révolution» et la «libération», s'il y faut des cadavres, les prolétaires québécois n'en veulent pas.

* * *

En 2010, la crise d'Octobre fascine toujours les élites - fouineurs de faits enfouis, penseurs de crises, révélateurs médiatiques et révolutionnaires recyclés. Showtime! Le «téléthon» que planifiaient à l'époque les felquistes, c'est aujourd'hui qu'il a lieu.

Pourquoi?

La nostalgie, d'abord. Octobre 1970 fut une période sombre, mais intense: soyons francs, plusieurs se régalent toujours de ces fugitifs frissons de la révolte...

D'autres, ensuite, comme les truthers aux États-Unis, restent en quête d'une vérité définitive ou disent en révéler des parcelles. Sur la mort de Laporte. Sur ce que savaient ou ne savaient pas les différents corps de police. Sur le grenouillage politique entre les deux capitales ainsi qu'à l'intérieur même de l'une et de l'autre.

Cette introspection nationale est nécessaire: le fait est que nous ne savons pas tout. Mais elle ne doit pas conduire à mythifier la crise d'Octobre. Car, essentiellement, celle-ci est une blessure déparant notre révolution, la vraie, celle que l'Histoire a qualifiée de tranquille.