Comme c'est devenu courant depuis 2001, les médias ont redoublé de zèle dans l'appel à la prudence à la suite du massacre de Fort Hood, il y a six jours. La lugubre embuscade a tué 13 personnes et en a blessé une quarantaine d'autres, en majorité des frères et soeurs d'armes du tireur, le major Nidal Malik Hasan. Celui-ci est un psychiatre militaire d'origine palestinienne et de confession musulmane.

Or, ses motivations ne sont pas claires, pas plus que certains épisodes de sa vie. Et cette incertitude est effrayante.

 

«Nous n'avons pas toutes les réponses. Mais nous savons ceci: le carnage n'a rien à voir avec les autres musulmans servant dans l'armée. (...) Si nous agissons comme si l'islam était le problème, vous pouvez être sûr que l'islam deviendra le problème», a prévenu le Los Angeles Times, reflétant l'opinion la plus répandue.

Hier, parlant à la cérémonie en l'honneur des victimes, le président Barack Obama y est allé avec grande prudence. «Il est difficile de saisir la logique tordue qui a mené à cette tragédie. Mais ce que nous savons, c'est qu'aucune foi religieuse ne justifie ces actes meurtriers et lâches», a-t-il dit.

Ce que le président des États-Unis sait sans doute fort bien, aussi, c'est que l'événement est un véritable désastre pour les militaires, en particulier musulmans.

Sur un effectif total de 1,4 million de soldats, les musulmans seraient officiellement 3500... mais peut-être aussi 10 000 ou 20 000. On ne sait pas au juste, en effet, parce que les militaires ne sont pas obligés de révéler leur affiliation religieuse. Quant à lui, le Pentagone n'a jamais caché qu'il accueillerait volontiers un nombre beaucoup plus grand de musulmans, utiles à la fois pour la propagande domestique et dans les zones de combat.

Or, la tuerie de Fort Hood bousille tout.

D'abord, elle rappelle cruellement d'autres incidents impliquant des soldats musulmans, dont celui de 2003 qui avait fait deux morts et 14 blessés au Koweït.

Ensuite, quelle que soit la bonne volonté des uns et des autres, elle instillera un climat de suspicion dans un milieu très particulier, est-il besoin de le dire; un milieu où tout le monde est armé et où la confiance réciproque est essentielle.

Enfin, on n'aurait pu inventer pire publicité pour une campagne de recrutement auprès de la population musulmane américaine...

Il importe donc de savoir. De déterminer les motivations du tireur, certes, mais aussi ce que l'état-major connaissait de lui avant le drame. De savoir si ces informations étaient négatives ou même inquiétantes (certains le soupçonnent). Et, le cas échéant, pourquoi rien n'a été fait avant que 13 personnes ne meurent.