«Les autorités inquiètes du manque d'inquiétude.» Rien ne saurait mieux, que ce titre de La Presse, décrire le flottement de l'opinion publique face à la pandémie appréhendée de grippe A(H1N1) ainsi qu'au vaccin supposé en limiter la propagation. Écartelés entre deux maux (vaut-il mieux mourir de la grippe ou du vaccin?), les gens tentent de choisir le moindre, au grand désespoir des autorités dont la responsabilité est de prévoir le pire.

Car on se trouve dans une situation plutôt inédite: celle de deux campagnes de peur qui se neutralisent mutuellement. De sorte que le ministre de la Santé du Québec, Yves Bolduc, a raison de dire que l'on devra redoubler d'efforts «afin de donner la meilleure information possible».

 

Car ça n'a pas été fait.

Et, comble de malheur, la dissémination sur internet de diverses théories du complot a atteint une proportion... virale, pour ainsi dire.

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Il est probable qu'une partie de l'affaire s'est jouée aux premiers moments de la pandémie appréhendée. C'était le 11 juin dernier lorsque, donnant de terrorisants bulletins quotidiens, l'Organisation mondiale de la santé a établi un niveau maximal d'alerte. Cela a amené des prédictions cataclysmiques, des comparaisons redoutables avec la grippe espagnole de 1918 et une panoplie d'informations contradictoires.

Le hic, c'est que la menace ne s'est pas matérialisée!

Le scepticisme s'est donc tout de suite installé, alimenté par la méfiance croissante des gens à l'endroit des autorités, toutes les autorités; et par l'anti-campagne des complots, ceux-ci impliquant dans les pires cas les suspects habituels, organismes internationaux, grosses entreprises et autres CIA...

Dès ce moment, il aurait fallu tenir compte aussi d'une caractéristique nouvelle de l'opinion publique: la peur fait de moins en moins peur.

Depuis un demi-siècle, les gens ont en effet survécu à de nombreux épisodes de grande terreur virtuelle. La guerre nucléaire totale. La surpopulation. L'épuisement des ressources. La famine mondiale. La disparition de la couche d'ozone. Le refroidissement de la planète. Le bogue de l'an 2000. Le terrorisme post-11 septembre. Et bientôt, qui sait, le réchauffement de la planète. (À l'Université d'Oxford, un psychologue réclame des autorités qu'elles «rehaussent le niveau de peur» associée au climat, le niveau actuel ne parvenant plus à terroriser le public!)

Bref, on ne combattra pas la grippe par la peur.

Il faudra livrer des informations froidement factuelles sur la pandémie (ou son absence) ainsi que sur le vaccin, dont beaucoup de gens se méfient pour des raisons peut-être légitimes, n'ayant en tout cas rien à voir avec d'ésotériques théories du complot.

En somme, il faudra surtout inoculer à la société de bonnes doses de calme et de vérité.