La dernière région au monde où on s'attendrait à voir se profiler une nouvelle course aux armements est certainement l'Amérique latine. Elle a d'autres chats à fouetter. Elle n'est pas excessivement riche. Et, surtout, on y trouve peu de conflits territoriaux, ou tribaux, ou religieux, ou quasi mafieux, qui expliqueraient des achats massifs de quincaillerie militaire.

Pourtant, c'est bel et bien ce qui se produit.

Au moins deux États latino-américains, le Brésil et le Venezuela, font actuellement des emplettes d'une ampleur inédite. Et si le Brésil n'a pas d'agenda axé sur l'offensive, le gouvernement d'Hugo Chavez, lui, inquiète par son prosélytisme et ses attitudes belliqueuses, notamment à l'endroit de la Colombie. Ce dernier État (qui, lui, combat les cartels de la drogue et les FARC) ainsi que le Chili affichent également des dépenses importantes en équipements militaires.

 

Chez les vendeurs, la France est le plus important fournisseur d'armes et de technologies connexes en raison du carnet de commandes (sous-marins, dont l'un à propulsion nucléaire, hélicoptères, chasseurs) du Brésil de Lula da Silva. Celui-ci a investi 24,6 milliards$US dans l'armement en 2008.

Sinon, les États-Unis vendent à la Colombie; la Russie équipe le Venezuela.

L'inquiétude, donc, naît surtout du magasinage de Chavez dans les boutiques russes, où il aura dépensé plus de 6,6 milliards - portés sur carte de crédit moscovite - lorsque ses emplettes seront complétées. À ce moment, le Venezuela se sera fait livrer des sous-marins, des hélicoptères, des chasseurs, des chars, des transports blindés, des missiles de courte portée, des systèmes de DCA et, bien sûr, des kalachnikovs.

Le président vénézuélien travaille en outre sur des échanges de technologie nucléaire (à des fins civiles, bien entendu) avec son homologue iranien, Mahmoud Ahmadinejad.

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Certes, on peut estimer que celui qui se voit comme le Castro du XXIe siècle a le droit de collectionner ces jouets: il est loin d'être le seul, ni le plus boulimique, à cultiver cette passion. Mais Chavez ne cherche pas à dissimuler que sa politique intérieure, le réarmement de son pays, l'utilisation politique de son pétrole ainsi que le jeu d'alliances qu'il développe (avec la Russie, l'Iran, la Syrie, la Lybie, le Bélarus) sont expressément destinés à se construire une position de «leader mondial» et à «briser l'hégémonie impériale en Amérique».

Vaste programme, bien sûr, qui peut faire sourire.

Néanmoins, Hugo Chavez augmente bel et bien, et de façon systématique, sa capacité de nuire. Nuire en Colombie, où il s'oppose violemment à la présence américaine. Nuire en brouillant le jeu diplomatique au niveau international, surtout par rapport à l'Iran.

L'Histoire enseigne qu'il vaut mieux prendre au sérieux les chefs d'État qui se donnent des missions. Et qui s'arment en conséquence.