Le bouclier antimissile, qui fut l'un des projets chéris de George W. Bush en matière de défense, passe à la trappe. Hier, Barack Obama a officié à un enterrement de première classe de la portion européenne de ce système. Un système coûteux, complexe, non éprouvé. Et qui était parvenu à braquer la Russie avant même d'être déployé en Pologne et en République tchèque, ce qui était prévu pour 2018.

L'ex-président, en effet, n'avait pu convaincre Moscou que l'initiative était essentiellement destinée à intercepter d'éventuels missiles iraniens à longue portée et munis d'une tête nucléaire. L'actuel président, lui, affirme qu'il vaut mieux déployer plus tôt, dès 2011, des intercepteurs mobiles éprouvés, les SM-3, contre une menace iranienne que l'on évalue aujourd'hui différemment. L'Iran s'intéresse plutôt aux engins à courte et moyenne portée qui ne menacent pas l'Amérique, plaide ainsi Obama. Et un rapport des services de renseignement américains (judicieusement...) coulé au Newsweek, mercredi, soutient que l'Iran ne se donnera pas l'arme nucléaire dans un avenir prévisible.

 

Bref, face à cela, le président des États-Unis croit qu'il peut se débrouiller pour l'instant avec du beau, bon, pas cher. Quitte à voir venir plus tard.

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À la lumière du 11 septembre 2001, le commun des mortels entretenait déjà des doutes sur l'utilité d'un système de défense peu fait pour stopper... des hommes armés d'exactos, image emblématique de la menace réelle du XXIe siècle. De sorte qu'il ne se trouvera personne - nul contribuable américain, en particulier! - pour critiquer cette décision.

Ailleurs, cependant, les choses sont un peu différentes.

La «nouvelle Europe» que célébrait l'ex-secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, n'accepte pas facilement ce qu'elle voit comme une dangereuse concession faite aux Russes, les oppresseurs d'hier. Les Polonais et les Tchèques, par exemple, tiennent à une présence américaine sur leur sol et, à Washington, exercent des pressions en conséquence. Même la «vieille Europe» estimera sans doute utile de s'interroger sur la nouvelle brasse géopolitique que la décision de Barack Obama peut amener.

Car, de fait, Moscou accueille l'annonce avec plaisir.

Et il s'agira maintenant de savoir lequel de deux effets possibles l'affaire aura sur les politiques du duo Poutine-Medvedev. Ou bien une assurance accrue vis-à-vis Washington, comme le craignent John McCain et les républicains. Ou bien un réchauffement des relations qui aiderait à circonscrire les Iraniens, de facto alliés de Moscou.

On le saura rapidement.

Barack Obama et le président Dmitri Medvedev se rencontrent, la semaine prochaine, parallèlement à l'assemblée générale de l'ONU et à la réunion du G20. Et, le 1er octobre, les Iraniens viendront défendre leur programme nucléaire devant le Conseil de sécurité de l'ONU.

Le coup de dé de Barack Obama, qui est un geste d'ouverture, aura, espérons-le, des suites intéressantes.