Il y a 40 ans, en juillet 1969, plus de 600 millions de personnes ont vu à la télé la première marche lunaire, le célèbre «petit pas» de Neil Armstrong. Hier, on prévoyait qu'un milliard de téléspectateurs et internautes dans le monde allaient se joindre à la célébration donnée, à Los Angeles, à la mémoire de Michael Jackson. Jackson, le magicien du «moonwalk». Jackson, l'homme «dont Dieu avait encore plus besoin que nous», a dit Stevie Wonder.

Dieu, en effet, avait peut-être besoin d'un demi-dieu à ses côtés dans le firmament...

Car ce qui s'est produit à Los Angeles et dans le monde, hier, déborde considérablement de la dimension ordinaire de la culture pop - laquelle ne craint pourtant ni l'esbroufe ni la démesure.

Un million et demi de fans ont réclamé l'un des 17 500 sièges du Staples Center... des places «gratuites» qui ont atteint 5000 $US chez les revendeurs. Le centre-ville de Los Angeles a été bouclé: on y attendait un quart de million de personnes. Avant que la cérémonie ne débute, une véritable escadrille d'hélicoptères survolait le site, avalant la fumée des générateurs couplés aux innombrables antennes satellites des télés du monde entier accourues sur les lieux; un bon «point de vue» pour les caméras se louait 10 000 $ pour la journée. Une cinquantaine de cinémas aux États-Unis, sans doute bien davantage dans le monde, projetaient la cérémonie en direct - dont le Lyric Theatre de Londres, où est donnée depuis janvier la comédie musicale Thriller Live, un hommage scénique à Michael Jackson. Sur le web, les quotidiens Le Monde, El Pais, Times, Wall Street Journal, Der Spiegel et Beijing News, dont aucun n'est réputé pour sa délinquante frivolité, offraient en page d'accueil la retransmission...

«Finies, les larmes! Nous allons voir le roi! Alleluia!» a chanté le choeur gospel chargé d'ouvrir la célébration.

Après une spectaculaire veille funèbre qui aura duré 12 jours, il est difficile de remettre l'«affaire» Michael Jackson à plat, pour ainsi dire.

Côté face, l'artiste Jackson est en lui-même inclassable. En termes pratiques, le génie qu'on lui reconnaît le plus volontiers, c'est celui de la danse... oui, la marche lunaire. Et aussi: le génie de «sentir» la musique; et de bien s'entourer; et de travailler dur. Côté pile, on trouve un homme dont la caractéristique première était d'être mal dans sa peau, on l'a déjà dit ici. Et cet homme s'est détruit, comme tant d'autres qui ont explosé lorsque propulsés dans la stratosphère des célébrités et des demi-dieux.

De fait, Brooke Shields a évoqué, non pas la puissance du roi de la pop, mais la fragilité du Petit Prince, celui de Saint-Exupéry. Peut-être est-ce cette fragilité, notre lot à tous, qu'auront saluée, hier, même ceux que Michael Jackson laisse plus ou moins indifférents.