Un deuxième avion à s'abîmer en mer en quelques semaines vient de causer la mort de 152 de ses 153 passagers et membres d'équipage; seule une adolescente a survécu (photo), projetée hors de la carlingue lors de l'impact puis repêchée dans les eaux de l'océan Indien. On se souvient qu'un appareil d'Air France a connu le même sort au large du Brésil, il y a un mois, la tragédie faisant 228 victimes.

Cette fois, l'appareil perdu est celui du transporteur Yemenia qui, tout récemment, a eu maille à partir avec les autorités françaises responsables de la sécurité aérienne.

 

L'Airbus 310 incriminé, l'un des 12 avions exploités par la firme yéménite, a été interdit d'atterrissage en France en raison de problèmes techniques relevés en 2007. Construit en 1990, il avait accumulé 52 000 heures de vol (ce qui n'est pas dangereux en soi, mais demande un entretien plus strict). De fait, les passagers du vol de lundi étaient partis de Paris ou Marseille sur un A330 avant de changer d'appareil à Sanaa pour voler ensuite vers les Comores à bord de l'A310 en question.

Également, Yemenia a souvent fait l'objet de plaintes de sa clientèle en raison de son service erratique, des conditions d'hygiène déficientes et du «sentiment d'insécurité» (rapporte un client à la chaîne France 24) prévalant à bord de ses avions.

Yemenia était donc sous surveillance, sans toutefois faire partie des 200 compagnies aériennes, en majorité africaines, placées sur la liste noire leur interdisant l'espace aérien européen.

Bien sûr, on ne sait pas encore ce qui s'est produit.

Mais, si toute tragédie aérienne consterne, le moindre soupçon concernant l'éventuelle négligence d'un transporteur en matière de sécurité terrorise littéralement. L'acte de foi et de confiance que chacun fait lorsqu'il monte à bord d'un avion est incompatible avec ce genre de doute et de méfiance.

En Europe, on a tout de suite réagi.

Le commissaire aux Transports de l'Union européenne, Antonio Tajani, a proposé que la liste noire européenne soit désormais mondiale. Mais plusieurs doutent de l'efficacité d'une telle liste: les transporteurs visés sont en général obscurs, ne volent que localement et fréquentent peu les grands aéroports internationaux. Une stratégie alternative consisterait à consentir davantage d'assistance technique aux transporteurs et aux aéroports des pays émergeants, tout en accroissant les contrôles exercés par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).

Bref, le débat est à faire. Et le Canada doit y participer.

Certes, aucun transporteur d'ici ne se trouve sur la liste noire européenne et leur cote de sécurité est élevée. Mais les Canadiens voyagent (de fait, une Canadienne se trouvait à bord du vol 626 de Yemenia). Et, notamment par la grâce de vols de correspondance discrètement sous-traités, ils peuvent se retrouver à voler sous des pavillons plus ou moins obscurs et susceptibles de réserver des surprises.

Si le terme de mondialisation a un sens, c'est bien en matière de sécurité aérienne: personne n'y échappe.

mroy@lapresse.ca