Un couronnement et une crucifixion. C'est le bilan québécois du 62e Festival international du film de Cannes qui s'est achevé, dimanche. Le couronnement est celui du jeune cinéaste-prodige Xavier Dolan, auteur et réalisateur de J'ai tué ma mère, gratifié de trois prix dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs.

Le crucifié est le président et chef de la direction de la SODEC (Société de développement des entreprises culturelles), Jean-Guy Chaput, qui n'est plus certain d'avoir encore un job, lundi prochain.

 

Dans deux jours, le conseil d'administration de la SODEC devrait en effet statuer sur son sort, en sachant que le premier ministre Jean Charest et la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, ont tous deux remis en question sa légitimité. Le mandat de Jean-Guy Chaput, entré à la SODEC en 2004, se termine au début d'octobre; aucun président de l'organisme n'a assumé plus d'un mandat.

Hier, Chaput s'est montré abasourdi par le reniement gouvernemental et le tumulte public déclenchés au Québec, pendant qu'il se trouvait à Cannes, par ses frais de représentation culturelle à l'étranger.

Et, de fait, le tapage a été comparable à celui qui avait accueilli, il y a quelques mois, les coupes du gouvernement Harper dans les subventions aux... frais de représentation culturelle à l'étranger.

Il y a des chances pour que la «chambre à 1300 piastres», celle que Jean-Guy Chaput occupait dans un hôtel cannois, devienne un des grands artefacts folkloriques du Québec, au même titre que l'or de Séraphin ou, par contraste, les sandwiches au savon de la petite Aurore.

L'image est irrésistible, en effet. Surtout lorsqu'on sait que, par contraste, les milieux culturels comptent leurs sous.

C'est l'un des postes de dépense noté par le rapport du vérificateur général, lequel fait aussi état de déboursés mal attribués dans les colonnes comptables, de barèmes dépassés, de notes insuffisamment documentées et, globalement, d'un manque de «souci d'économie». Le rapport est modéré, loin du réquisitoire assassin. Hier, Jean-Guy Chaput a relevé et expliqué chacun de ces points, de manière qui paraît satisfaisante. On ne peut ici entrer dans le détail, ni juger à la pièce.

Maintenant, voici.

Chaput est un vieux routier de la logistique financière de la culture qui, avant de fréquenter Cannes, a surtout officié à Hochelaga-Maisonneuve autour de CIBL, des gens de théâtre, des pionniers de la fête du jazz. Graduant à la SODEC, il a eu à travailler dans une tout autre arène, où le Québec est minuscule (avec la totalité du budget de la SODEC, 72 millions $, on ne parvient plus à tourner un seul film à Hollywood...), mais doit tout de même donner le change.

Chaput, de fait connu pour son côté épicurien, a-t-il vraiment abusé? Ou y a-t-il dans tout cela un acharnement suspect, nourri à la fois par de byzantines rivalités étatico-bureaucratiques et par l'hystérie ordinaire des médias?

C'est la question à 1300 piastres.