Quarante ans après Give Peace a Chance, pas de chance: il n'y a pas la paix... Sur le long terme, du gourdin à l'atome, la violence diminue bel et bien dans le monde. Mais ça n'arrange rien pour les Irakiens ou les Soudanais.

John Lennon aurait-il raté son entreprise, lui qui est mort violemment une douzaine d'années après avoir viré vers ce militantisme qui l'a ensuite presque entièrement absorbé? Or, davantage que l'ex-Beatle à la Rickenbacker, le Lennon militant n'est-il pas l'objet du mythe construit autour de lui?

 

Yoko Ono parle encore de paix, bien sûr. Et elle endosse l'exposition Imagine / La ballade pour la paix de John et Yoko, en cours au Musée des beaux-arts de Montréal. Mais ce n'est plus pareil, chacun le voit bien. Son discours est un prêche plus ou moins ésotérique qui a un parfum d'encens, un son de sitar et des lueurs d'aura... rien pour réduire au silence une kalachnikov.

Yvon Deschamps pourrait certainement demander: les chansons pour la paix, qu'ossa donne?

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII

En un sens: rien.

Il arrive beaucoup de choses au réel lorsqu'il passe dans le tordeur de l'expression artistique. Ce qui sort à l'autre bout est surtout de la beauté, et les Beatles en ont produit en quantité stupéfiante. Mais, du même tordeur, l'aspect politique de la réalité, lui, émerge dépenaillé, squelettique, simplifié jusqu'à n'être plus qu'une caricature inutilisable dans le réel: l'art, la chanson en particulier, s'étouffe avec cette sorte de complexité! Or, la paix, c'est de la politique. Le tordeur de l'art n'a jamais rendu un plan de paix israélo-palestinienne. Ou un traité de réduction des armes stratégiques.

Le patriarche de la protest song moderne, Bob Dylan, a toujours pris la précaution de se définir d'abord comme musicien.

Au surplus, l'état naturel de l'homme est l'état de guerre, parce qu'il a toujours eu et aura toujours des intérêts. C'est la civilisation qui construit la paix - ou pas. Facile à vérifier. Avant d'être éduqués, c'est-à-dire «civilisés», les enfants ne connaissent naturellement que leurs intérêts et la manière forte de les défendre. Confiez-leur les rênes du pouvoir (comme l'ont béatement suggéré beaucoup de... chansons) et, en 20 minutes, vous obtiendrez la guerre nucléaire totale et mondiale!

De fait, la chanson pour la paix ne fleurit que dans une société arrivée à un point de civilisation où cette paix existe déjà. La guerre y est alors perçue par les masses comme une anomalie à éradiquer, y compris lorsqu'elle est portée par cette société-là dans d'autres.

En ce sens, Give Peace a Chance n'aura finalement pas été inutile. Cette chanson et les autres sont des briques ajoutées à un édifice en construction, celui d'une civilisation plus parfaite qui sera un jour (ou pas) l'ultime antidote à la guerre.

Une autre brique dans le mur, a-t-on aussi chanté.