Voici le troisième texte d'une série de quatre proposant une réflexion moderne sur ce qu'on appelait autrefois les sept péchés capitaux.

Considérer aujourd'hui la gourmandise comme un péché capital peut prêter à rire - pourtant, on meurt beaucoup des excès de table... De plus, une fois apprêtée à la moderne, la gourmandise est très actuelle: c'est un appétit glouton pour toutes choses, un appétit qui dépasse les besoins, même en comptant large.

 

Définie ainsi, la gourmandise apparaît comme le principal moteur de la consommation boulimique qui caractérise les sociétés riches.

Elle n'est donc pas étrangère à la crise économique actuelle. Si un fort taux de croissance, largement fondé sur la consommation, est indispensable au bon roulement de l'économie, le crédit, lui, est vital pour la consommation - et donc pour la santé du taux de croissance. C'est le cercle vicieux: en cas de pénurie de l'un des ingrédients, la société se retrouve avec de terribles maux de ventre! Aux États-Unis, c'est le crédit qui s'est fait rare, ce qui a déclenché la réaction en chaîne que l'on sait.

Mais même à l'époque de sa splendeur, la consommation effrénée avait déjà entraîné une dépendance - intenable à long terme - au pétrole, aux produits manufacturés et aux capitaux étrangers. L'État fédéral lui-même a un estomac sans fond: Washington voit se constituer cette année un déficit de 1000 milliards $US!

D'ailleurs, la crise ne semble convaincre personne des vertus de la frugalité. Au début de la période des emplettes de Noël, un employé d'une succursale de la chaîne Wal-Mart, à Long Island, a été piétiné à mort lors d'un véritable stampede de consommateurs boulimiques. Ici, l'intensité du magasinage des Fêtes a aussi démenti la crise!

Car, chez nous aussi, les statistiques de la gourmandise sont accablantes. Les consommateurs canadiens croulent actuellement sous une dette supérieure à 1260 milliards $CAN (maison, voiture et carte de crédit). En clair, chacun, homme, femme, enfant, bébé, vieillard, doit peu ou prou 40 000$! Et c'est sans compter la dette de l'État!

Il y a pire que le péché. Et c'est le péché à crédit.

Le petit démon de la gourmandise incite donc à une consommation dépassant largement les besoins.

Mais celui de l'envie chuchote à l'oreille que même le confort ne suffit pas... si le voisin est encore plus confortable. Le principe est connu: « La mienne est plus grosse que la tienne»! Plus grosse maison, ou voiture, ou télé, ou machine-à-couper-les carottes-en-rondelles.

C'est le second étage de la fusée de la consommation, qui poursuit en dépit de tout sa course folle vers le ciel. Là où (comme, en vérité, le disent les Écritures... comptables) n'iront ni les gourmands ni les envieux.