La désignation du béluga du Saint-Laurent comme «espèce en voie de disparition» s'ajoute aux nombreuses difficultés que connaît TransCanada pour faire accepter par la population québécoise son projet d'oléoduc Énergie Est. Au cours des derniers mois, TransCanada a multiplié les faux pas, alors qu'elle devait au contraire réussir un parcours sans faute pour convaincre des citoyens méfiants.

La décision du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada n'aurait pas dû surprendre le promoteur d'Énergie Est. Bien que le béluga jouisse déjà d'une certaine protection, la population a continué de diminuer. À la suite de la désignation, Pêches et Océans Canada a fait savoir qu'un décret sera adopté pour protéger l'«habitat essentiel» du mammifère blanc. Au beau milieu de cet habitat se trouve Cacouna, où TransCanada souhaitait construire un terminal. Là, le pétrole venant de l'Ouest canadien aurait été chargé dans des navires, puis exporté.

On comprenait mal pourquoi la compagnie avait choisi cet emplacement; c'était courtiser les ennuis. Aujourd'hui, TransCanada paie le prix de son erreur; elle doit jeter ses plans à la poubelle.

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Plusieurs espèrent que cet écueil sonne le glas d'Énergie Est. Pour notre part, nous souhaitons qu'il puisse survivre sous une forme modifiée. Il est curieux d'entendre des gens minimiser l'impact de ce projet de plus de 3 milliards, sous prétexte que la plupart des emplois créés dureront «seulement» le temps de la construction. N'est-ce pas la nature même de tous les projets d'infrastructures? Pourtant, on ne cesse d'en réclamer davantage des gouvernements, dans l'espoir de stimuler ainsi l'économie.

L'emplacement le plus logique pour le terminal pétrolier est Lévis, mais les élus locaux s'y opposent. L'autre site possible se trouve à Baie-des-Sables, près de Matane. Cependant, il faudrait prolonger le pipeline d'une centaine de kilomètres, au coût de 460 millions.

Autre option: laisser tomber le terminal sur le Saint-Laurent. L'oléoduc traverserait tout simplement le Québec pour se rendre à la raffinerie de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick. Des 3,2 milliards d'investissements prévus au Québec à l'origine, il resterait tout de même 2,5 milliards. De plus, avantage non négligeable à long terme, les deux raffineries de la province gagneraient une source additionnelle d'approvisionnement en pétrole canadien et américain.

Si ce dernier scénario est choisi, la capacité de l'oléoduc, qu'on prévoyait de 1,1 million de barils par jour, devra être revue à la baisse. En effet, la raffinerie de Saint-Jean ne peut traiter plus de 300 000 barils par jour.

Quelles que soient les modifications apportées à Énergie Est, les écologistes continueront de s'y opposer, au nom de la lutte aux changements climatiques. Cependant, leurs arguments sur cet aspect de la question sont moins convaincants que lorsqu'ils invoquaient le sort des bélugas.