«Un projet digne des Bérets blancs pour retourner les femmes à la maison.» Ainsi réagissait un dirigeant de la CSN à l'annonce par le gouvernement Charest d'une hausse du tarif des garderies de 5$ à 7$. En cet automne 2003, le syndicaliste était loin d'être le seul à prévoir que, confrontées à cette augmentation, plusieurs Québécoises choisiraient de quitter leur emploi.

Rien de tel ne s'est produit: la proportion de mères sur le marché du travail a continué d'augmenter. Le pourcentage des enfants de moins de 5 ans fréquentant les services de garde a également grimpé, de 44% en 2003 à 54% aujourd'hui.

La hausse du tarif annoncée par le gouvernement Couillard suscite les mêmes prévisions apocalyptiques. L'inquiétude est telle que le Conseil du statut de la femme a publié un avis en un temps record, quatre jours seulement après la conférence de presse du premier ministre. Selon le Conseil, «quand le coût de la garde gruge une part importante du revenu de l'un des deux conjoints, il peut être tentant pour le couple de décider que l'un des parents, celui qui a le revenu moindre, restera à la maison pour prendre soin des enfants».

Bien sûr, les services de garde doivent rester accessibles au plus grand nombre de façon à permettre aux femmes de la province de conserver leur place au sein de la main-d'oeuvre. Cependant, l'accessibilité ne se résume pas à l'aspect financier; il faut aussi qu'il y ait un nombre suffisant de places. Or, si l'État continue à payer 85% des coûts du réseau de garderies subventionnées, il n'aura pas les moyens de créer les milliers de places additionnelles requises.

Les hausses annoncées rendront-elles hors de prix les garderies subventionnées? Pour la moitié des familles, le coût net (après la déduction fédérale) sera égal ou moindre que ce qu'elles paient aujourd'hui. Pour les autres, l'impact ne représentera qu'une petite partie de leur revenu: moins de 1% par enfant pour les familles gagnant entre 75 000 et 100 000$, moins de 2% pour celles gagnant plus de 100 000$.

Comme la contribution additionnelle sera calculée lors de la préparation de la déclaration de revenus, bien des parents trouveront salée la note à acquitter d'un seul coup. Les ajustements seront douloureux.

Aujourd'hui, des milliers de parents québécois paient 36$ et plus par jour (avant la déduction fédérale) pour une place dans une garderie non subventionnée. Cela montre l'importance que les Québécoises accordent à leur participation au marché du travail.

En comparaison, les femmes dont un enfant fréquente une garderie subventionnée jouissent d'une situation enviable. Et elles mettraient leur carrière en suspens pour éviter une dépense supplémentaire qui, dans la plupart des cas, serait de l'ordre de quelques centaines de dollars? Cela nous semble très improbable.