«En tant que pays souverain, nous prenons nos propres décisions, en nous fondant sur nos propres principes.» - Jean Chrétien, premier ministre du Canada, le 8 avril 2003

Le ministre des Affaires étrangères, John Baird, a assuré hier la Chambre des communes qu'elle sera appelée à voter sur toute participation des Forces armées canadiennes aux combats contre le groupe terroriste État islamique (ÉI). Ces propos sont rassurants, car une telle participation risque d'avoir des conséquences graves pour notre pays. Il est donc essentiel que la question soit soumise au débat.

Le cabinet se penchera probablement cette semaine sur l'opportunité d'envoyer des avions de chasse CF-18 pour bombarder l'ÉI aux côtés des chasseurs américains, anglais et français. Nous nous opposons à une telle politique. Comme nous le disions il y a deux semaines au sujet de l'envoi de militaires canadiens pour conseiller l'armée irakienne, cette stratégie est mal avisée. Pas plus que l'invasion de l'Afghanistan en 2001 n'a fait disparaître Al-Qaïda, les bombardements alliés ne parviendront pas à «détruire» le groupe État islamique, objectif fixé par Washington. Les terroristes peuvent se déplacer, trouver un nouveau refuge et reprendre leurs activités... avec, en prime, des centaines de recrues converties par l'«agression» occidentale.

Bien sûr, l'Occident ne peut rester indifférent à la création d'un «Califat» au Moyen-Orient, d'autant que celui-ci risque de servir de base à des attentats commis contre le monde développé. Il s'agit de savoir si une campagne militaire préviendra de tels attentats. L'histoire des 15 dernières années démontre que non. Il vaut mieux améliorer constamment nos capacités de renseignement et la protection de nos frontières. On doit aussi mener des attaques ciblées contre les leaders et les équipements terroristes. Cependant, tenter d'éradiquer un mouvement terroriste par une guerre classique nous enfoncera inévitablement dans le bourbier politico-religieux qui caractérise cette région.

Compte tenu du mauvais état des relations entre les États-Unis de Barack Obama et le Canada de Stephen Harper, celui-ci peut-il se permettre de rejeter les demandes d'aide de Washington? S'il veut que l'administration Obama donne le feu vert à l'oléoduc Keystone XL, M. Harper ne doit-il pas accepter de participer pleinement à l'opération militaire en Irak et en Syrie?

Le fait que le président tarde tant à approuver le projet de pipeline démontre que les Américains ne songeront pas une seconde aux intérêts du Canada dans ce dossier. Seuls compteront les intérêts des États-Unis et les calculs partisans des démocrates.

Par conséquent, en prenant sa décision, M. Harper devrait avoir uniquement à l'esprit le bien-fondé d'une campagne de bombardements contre le groupe ÉI. Espérons que le premier ministre aura le courage qu'a eu Jean Chrétien en 2003 et annoncera que le Canada n'enverra pas ses appareils à la chasse aux terroristes.