la soudaineté de la conversion fédéraliste de Maria Mourani en a étonné plusieurs, à juste titre. Est-ce le fait du caractère bouillant de la députée d'Ahuntsic? Son cheminement était-il amorcé avant même la présentation du projet de charte de la laïcité?

Quoi qu'il en soit, dans la lettre qu'elle a publiée hier, Mme Mourani expose ce qui est considéré, depuis toujours, comme l'un des grands avantages de la formule fédérale: l'existence de deux niveaux de gouvernement, chacun jouissant de sa propre légitimité démocratique, protège les citoyens contre les abus de l'un ou de l'autre. «Si les droits des citoyens sont violés par un gouvernement, ils peuvent faire appel à l'autre pour obtenir justice», expliquait Alexander Hamilton, un des pères de la fédération américaine.

Les Québécois ont de tout temps fait appel au gouvernement fédéral ou à leur gouvernement provincial pour contrecarrer les politiques malavisées de l'autre niveau. Ce fut notamment vrai en matière de droits fondamentaux.

Les Québécois ont toujours été très attachés à la Charte canadienne des droits et libertés. Celle-ci a notamment l'avantage sur son équivalent québécois d'être enchâssée dans la Constitution, et donc à l'abri de l'opportunisme politicien. Comme le souligne Mme Mourani, dans le dossier des signes religieux, «le Parti québécois fait la démonstration que (la Charte québécoise) est à la merci d'un parti politique qui, tout en ayant obtenu moins de 40% de voix aux élections, disposerait de la majorité des élus à l'Assemblée nationale.» Cela étant, pour les membres des minorités dont les droits sont menacés, la Charte canadienne est le seul bouclier sûr.

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Si le texte signé par Maria Mourani est révélateur, celui du discours prononcé dimanche dernier par la première ministre, à la World Policy Conference de Monaco, l'est également. Mme Marois avait été invitée à expliquer pourquoi, dans le monde d'aujourd'hui, des petits États veulent obtenir leur indépendance politique. Or, au lieu d'expliquer le projet indépendantiste, elle a exposé comment le Québec avait réussi à développer un modèle économique, social et culturel «sans pareil en Amérique». Un État fort, des programmes sociaux généreux, une des économies les plus prospères du monde, des relations internationales distinctes: telles sont les caractéristiques qu'a vantées la première ministre.

La chef du Parti québécois a même souligné: «Dans les domaines de sa compétence, le Québec est aussi autonome que l'État fédéral dans les siens. La culture, la santé, l'éducation, l'économie, l'agriculture, l'immigration et l'environnement, pour ne nommer que celles-là, sont ainsi des responsabilités exclusives ou partagées par les deux ordres de gouvernement.»

En somme, la première ministre a livré là une démonstration éclatante de la capacité du Québec de se développer à sa manière au sein de la fédération canadienne. Pas étonnant qu'à la suite de ce discours, un membre de l'auditoire ait demandé à Mme Marois pourquoi elle voulait «détruire le Canada?»...