Dans une affaire aussi compliquée et politisée que la controverse sur les dépenses du sénateur Mike Duffy, il est facile de se perdre ou de sauter précipitamment aux conclusions. Essayons d'y voir plus clair.

La question la plus importante porte sur le rôle de Stephen Harper: que savait-il des négociations entre le sénateur Duffy, des membres du cabinet du premier ministre (CPM) et d'autres sénateurs conservateurs, négociations visant à mettre un terme à l'affaire?

Les plus récentes informations sont contenues dans un affidavit déposé par un enquêteur de la GRC. Sur le rôle de M. Harper dans les échanges entre son bureau et M. Duffy, le policier écrit: «Je n'ai vu aucune preuve indiquant que le premier ministre était personnellement impliqué dans les détails de ces questions.» Il ajoute, au sujet d'un éventuel paiement à

M. Duffy par le Parti conservateur ou par son chef de cabinet, Nigel Wright: «Je ne dispose pas de preuves démontrant que le premier ministre était impliqué dans le remboursement d'argent au sénateur Duffy ou à son avocat.»

Voilà des affirmations qui ne sont pas loin de disculper

M. Harper.

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Il reste tout de même deux zones d'ombre. Elles sont produites par des courriels écrits par M. Wright, cités par l'enquêteur. Les premiers sont datés du 22 février 2013. Les parties sont proches d'une entente: M. Duffy rembourserait le Sénat pour les sommes incorrectement perçues et le Parti conservateur lui enverrait un chèque au même montant. M. Wright précise à ses collaborateurs du CPM que le rôle du Parti sera gardé secret. 

Autrement dit, la population apprendra que M. Duffy a remboursé l'argent, mais ignorera que le sénateur a été immédiatement indemnisé. «Je veux parler au PM avant que le tout soit considéré comme final», écrit le chef de cabinet. Moins d'une heure plus tard, M. Wright fait savoir: «Nous avons le feu vert du PM.»

Question 1: Le 22 février, M. Harper a-t-il approuvé un arrangement en vertu duquel le Parti conservateur compenserait secrètement Mike Duffy pour les milliers de dollars qu'il aurait remboursés au Sénat?

Le 14 mai 2013, des journalistes apprennent que c'est finalement Nigel Wright lui-même qui a payé plus de 90 000 dollars au sénateur Duffy. Aux attachés de presse du premier ministre qui se demandent quoi dire aux reporters, M. Wright écrit: «Le PM sait, en termes généraux seulement, que j'ai personnellement aidé Duffy alors que j'essayais de le convaincre de rembourser ses dépenses.» Ce passage semble contredire les démentis apportés depuis par MM. Wright et Harper.

Question 2: Quels «termes généraux» connaissait le premier ministre de l'aide «personnelle» apportée à M. Duffy par son chef de cabinet?

Tant que M. Harper n'aura pas répondu clairement à ces deux questions, un doute subsistera.