«Il est nécessaire avant tout que l'Église ne détourne jamais son regard de l'héritage sacré de vérité qu'elle a reçu des anciens. Mais il faut aussi qu'elle se tourne vers les temps présents.»     - Jean XXIII, à l'ouverture de Vatican II, le 11 octobre 1962.    

Les 115 cardinaux réunis en conclave à compter d'aujourd'hui ne feront pas qu'élire le successeur de Benoît XVI. Par leur choix, ils détermineront si l'Église de Rome a un avenir en Europe de l'Ouest et en Amérique du Nord.

Sur ces continents, le catholicisme subit un déclin constant depuis des décennies, déclin que même le concile Vatican II n'a pu freiner.

Les pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI ont ramené les conservateurs au pouvoir. Ils ont cru qu'un ancrage plus solide dans la tradition consoliderait les assises de la religion catholique. C'est le contraire qui s'est passé. Le fossé entre ce que dit l'Église et ce que pensent les habitants de ces pays, y compris les catholiques, n'a jamais été aussi grand.

Le sondage CROP publié récemment par La Presse indique que 88% des catholiques du Québec souhaitent l'élection d'un pape plus libéral. Une enquête d'opinion réalisée aux États-Unis pour le New York Times révèle une tendance semblable.

Le catholicisme a besoin d'un pape moderne. Il ne s'agit pas seulement de savoir ce qu'est Twitter. Un pape pour le monde d'aujourd'hui sera déterminé à transformer l'Église, dans sa gouvernance, dans sa manière de communiquer et dans son message. Les vaticanistes doutent qu'un tel homme se trouve parmi les cardinaux actuels. Cependant, le pontificat de Jean XXIII (1958-1963) a montré que l'accession au trône de saint Pierre fait parfois le réformateur.

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Les changements doivent être profonds. Ils exigent une prise de conscience de la situation, prise de conscience qu'a le mieux exprimée l'an dernier, lors d'une ultime interview, feu le cardinal Martini: «L'Église a 200 ans de retard. Mais pourquoi ne se secoue-t-elle pas?»

Rome doit mettre à jour son enseignement sur la sexualité, le couple et la place des femmes. Ces questions ne sont pas les plus fondamentales, mais ce sont celles qui ont fait le plus de tort au catholicisme.

L'Église, à commencer par Benoît XVI, a maintes fois exprimé ses regrets pour les sévices sexuels commis par des prêtres. Toutefois, elle donne encore l'impression de protéger les coupables et ceux qui ont oeuvré à étouffer le scandale. Le prochain pape doit afficher en cette matière une fermeté exemplaire.

De façon générale, l'Église doit s'ouvrir au débat, à ce que le curé Pierre Murray appelle «un vrai dialogue» avec les prêtres, les fidèles et la société. Comme nous l'a dit en entrevue le séminariste Jonathan Guilbault, l'Église ne peut plus se voir comme «une espèce de bergerie où il y a des brebis bêlantes nourries par les prêtres».

Il est loin d'être certain que même une évolution aussi radicale pourra stopper la régression du catholicisme en Occident. Ce qui est sûr, par contre, c'est que sans de tels changements, le déclin est inexorable.