Devant le tollé suscité par l'annonce de hausses d'impôt rétroactives, le gouvernement Marois a fait savoir hier qu'il se penche sur d'autres façons de compenser l'abolition de la contribution santé. Cependant, sur le fond, l'approche du gouvernement restera la même. «Notre intention de remplacer cette taxe par des montants plus importants payés par des contribuables plus fortunés est ferme», a dit sur toutes les tribunes le ministre des Finances, Nicolas Marceau.

Or, au-delà du volet rétroactif des mesures annoncées, particulièrement détestable, le problème de fond se trouve dans cette approche elle-même, fondée sur l'idée que les «riches» doivent financer une part encore plus grande des coûts des services publics.

Depuis le milieu des années 80, la proportion des Québécois qui ne paient pas d'impôt provincial est passée de 25% à 40%. Pendant ce temps, nous nous sommes donné des programmes sociaux de plus en plus généreux. La population ne veut cependant rien savoir d'un alourdissement de son fardeau fiscal.

Pas question non plus que les utilisateurs d'un service paient davantage (gel des droits de scolarité, gel des tarifs des garderies). Les sommes nécessaires au financement de ces programmes doivent par conséquent venir de la péréquation («faisons payer les autres»), de la dette («achetons maintenant, payez plus tard») et des contribuables aisés («faisons payer les riches»).

Les Québécois plus fortunés conviennent qu'ils doivent payer plus que leur part. Ils le font déjà de bonne grâce: ceux qui gagnent 100 000$ et plus, représentant 4% des contribuables, paient 33% des impôts prélevés par Québec. Toutefois, il y a une limite à ne pas franchir.

«Qu'ils s'en aillent s'ils ne sont pas contents!» entend-on souvent. C'est faire fi de l'immense contribution que ces «riches» apportent au Québec. N'en déplaise au discours populaire, les contribuables aisés ne sont pas des parasites. S'ils ont des revenus élevés, c'est dans la plupart des cas parce qu'ils sont parmi les meilleurs dans leur domaine, que ce soit le génie, la médecine, les arts, l'informatique ou la gestion. Leur travail et leurs talents contribuent puissamment à la prospérité du Québec.

Par leur travail bénévole et leurs dons, ils apportent aussi un soutien inestimable à une foule de bonnes causes. La Fondation du CHUM lançait hier sa campagne de financement. Objectif: 300 millions. On n'y arrivera pas avec des contributions de 50$ ou 100$...

Si le fardeau fiscal qu'on impose à ces gens-là devient excessif, certains investiront leurs efforts et leur argent ailleurs. D'autres partiront. Des étrangers nous bouderont. Graduellement, le Québec s'en trouvera appauvri. Et de moins en moins capable de financer les mesures sociales qui nous sont si chères.