Un curieux débat s'est engagé ces jours derniers au sujet du système de santé québécois. Les protagonistes sont deux anciens ministres de la Santé (François Legault, Philippe Couillard), le ministre actuel, Yves Bolduc, et le président de la Fédération des médecins spécialistes, Gaétan Barrette, que plusieurs voient à la Santé dans un éventuel cabinet Legault.

Le tout a commencé par un discours de M. Couillard, la semaine dernière, devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. M. Couillard a alors réfuté certaines des thèses défendues par MM. Legault et Barrette, notamment celle voulant que les médecins de famille ne travaillent pas suffisamment. M. Couillard juge «totalement gratuites» les déclarations faites en ce sens.

Ces propos lui ont valu une réplique cinglante du président de la FMSQ selon qui M. Couillard, durant ces cinq années comme ministre, a été incapable de régler les problèmes du système de santé: «Il est plus facile de commenter la situation du système de santé quand on est consultant pour une firme privée en santé que d'agir lorsqu'on est à la barre de ce ministère.» On pourrait ajouter qu'il est également facile de critiquer tout ce que fait le gouvernement dans ce domaine quand on est président d'un syndicat de médecins...

En début de semaine, le ministre Bolduc a annoncé que tous les Québécois auront un médecin de famille d'ici 2016, ce grâce à l'arrivée sur le marché du travail de dizaines de jeunes médecins et de la création de nouveaux groupes de médecine familiale (GMF). Il est vrai que le nombre d'omnipraticiens est en hausse au Québec: on en compte aujourd'hui 1000 de plus qu'il y a dix ans. Cette tendance se poursuivra au cours des prochaines années, d'où l'optimisme de M. Bolduc. Cependant, le bilan très mitigé du gouvernement libéral comparativement aux promesses faites devrait inciter le ministre à la plus grande des prudences. D'autant que malgré l'augmentation du nombre de médecins, la proportion de Québécois sans médecin de famille n'a pas baissé d'un poil depuis cinq ans (25%).

La Coalition Avenir Québec devrait elle aussi rester circonspecte dans ses engagements en matière de santé. La CAQ propose de modifier la formule de rémunération des omnipraticiens pour les inciter à prendre en charge au moins 1000 patients chacun. Ainsi disparaîtrait la supposée pénurie de médecins de famille. Or, une politique similaire a été adoptée en Ontario il y a cinq ans. Selon un rapport du Vérificateur général de la province publié lundi, la nouvelle formule coûte cher et n'a pas réduit l'attente pour voir un médecin.

En ce qui a trait au système de santé, dont le bon fonctionnement revêt évidemment une grande importance pour les citoyens, les politiciens devraient faire preuve de franchise et de modestie. C'est-à-dire qu'ils devraient admettre que les problèmes sont d'une grande complexité et que personne n'a en main la baguette magique qui permettrait de les régler à court terme.