Dans une entrevue accordée à notre collègue Joël-Denis Bellavance, le premier ministre canadien, Stephen Harper, a vanté son bilan en matière de relations fédérales-provinciales. Parce que les conservateurs ont respecté les champs de compétence des provinces et réglé le déséquilibre fiscal, a-t-il soutenu, «personne ne parle de questions constitutionnelles aujourd'hui» et, conséquemment, «l'appui à la souveraineté a beaucoup diminué au Québec».

Dans une entrevue accordée à notre collègue Joël-Denis Bellavance, le premier ministre canadien, Stephen Harper, a vanté son bilan en matière de relations fédérales-provinciales. Parce que les conservateurs ont respecté les champs de compétence des provinces et réglé le déséquilibre fiscal, a-t-il soutenu, «personne ne parle de questions constitutionnelles aujourd'hui» et, conséquemment, «l'appui à la souveraineté a beaucoup diminué au Québec».

Au moment même où M. Harper tenait ses propos, les avocats de son gouvernement fourbissaient leurs armes afin de convaincre les tribunaux d'autoriser la plus grave intrusion fédérale dans les affaires des provinces depuis des décennies. Le sujet ne soulève pas les foules: il s'agit de la loi fédérale créant un régime canadien de réglementation des valeurs mobilières. L'affaire sera entendue la semaine prochaine par la Cour d'appel du Québec et, en avril, par la Cour suprême.

Le commerce des valeurs mobilières est reconnu de compétence provinciale depuis plus d'un siècle. Au fil des décennies, les provinces ont mis en place un système légal et institutionnel complet pour protéger les investisseurs et s'assurer de l'efficacité du marché. Compte tenu de la mobilité croissante des capitaux, les autorités provinciales ont fait un travail colossal pour harmoniser leurs règles et faciliter la tâche des émetteurs et investisseurs oeuvrant à l'échelle du pays, voire du monde.

Cependant, Toronto rêve depuis longtemps d'une réglementation nationale qui lui permettrait de consolider sa mainmise sur l'industrie financière du pays. Le ministre conservateur des Finances, l'Ontarien Jim Flaherty, a adopté la cause et M. Harper, oubliant son «fédéralisme d'ouverture», l'a laissé faire malgré l'opposition d'au moins quatre provinces.

Ottawa justifie cette intervention dans un domaine provincial par son pouvoir constitutionnel de réglementer «les échanges et le commerce» interprovinciaux et internationaux. Le commerce des valeurs mobilières étant aujourd'hui mondialisé et d'une grande complexité, l'action des provinces ne serait plus à la hauteur. Pourtant, Ottawa et ses alliés n'ont jamais réussi à démontrer que le régime national proposé serait plus efficace, bien au contraire.

Surtout, dans un régime fédéral, il faut rechercher un juste milieu entre l'efficacité nationale et le respect de la diversité régionale, un juste milieu censé être garanti par le texte de la Constitution. Comme le souligne l'expert en droit des valeurs mobilières Jeffrey MacIntosh, si la Cour suprême donne le feu vert à Ottawa dans ce dossier, «il en résultera inévitablement un changement fondamental dans l'équilibre des compétences fédérales et provinciales». Un point de vue aussi exprimé, ci-contre, par le juriste Jean Leclair.

À la lumière de ces faits, le pétage de bretelles constitutionnel de M. Harper est particulièrement déplacé.