Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a fait l'an dernier une tournée des 11 centres hospitaliers où l'encombrement et l'attente aux urgences étaient les plus problématiques. À chaque endroit, le Dr Bolduc a proposé des solutions. Depuis, le ministre scrute quotidiennement les statistiques sur les urgences et fait pression, personnellement, sur les hôpitaux à problèmes. Or, malgré ces soins intensifs, la situation s'est détériorée dans plusieurs des hôpitaux du «club des 11». C'est ce que révélait hier la journaliste Jocelyne Richer, de La Presse Canadienne, sur la base des plus récentes statistiques gouvernementales.

Yves Bolduc pourra se consoler en songeant au fait qu'il est le neuvième ministre de la Santé du Québec à se casser les dents sur ce dossier, depuis Mme Thérèse Lavoie-Roux. En novembre 1986, il y a donc 24 ans, quelques mois après que la ministre eut mis en place une série de mesures devant désengorger les urgences, La Presse titrait: «Le drame des urgences continue»...

Tout ce qui marche mal dans le système de santé - première ligne déficiente, attentes interminables en chirurgie, soins inadéquats pour les personnes âgées - se répercute sur les urgences. Si, malgré les plans d'action lancés par les Marc-Yvan Côté, Jean Rochon, Pauline Marois, Philippe Couillard et autres, les choses ne se sont pas améliorées, ce n'est pas faute d'argent. Depuis 2000, les dépenses du gouvernement du Québec dans le système de santé ont augmenté de plus de 7 milliards. Il faudra bien finir par se rendre à l'évidence: il ne sert à rien, comme l'écrivait hier Joseph Facal dans le Journal de Montréal, de «faire encore plus de ce qui ne marche pas».

Le journaliste André Picard, qui couvre la santé depuis plusieurs années pour le Globe and Mail, soulignait hier combien les intervenants du système de santé sont allergiques à toute réforme d'envergure. Pourtant, écrit M. Picard, «les pays européens ont fait ce qu'Ottawa et les provinces savent qu'ils devraient faire: adopter un mélange pragmatique d'éléments publics et privés autant dans le financement que dans la livraison de services, tout en restant fidèle à nos valeurs.»

Les gouvernements provinciaux se préparent à une partie de bras de fer avec le fédéral à l'occasion du renouvellement de l'accord sur le financement de la santé. Ils voudraient qu'Ottawa s'engage à accroître de 6% par année ses transferts pour la santé, comme il le fait depuis près de 10 ans. Ottawa devrait refuser d'être aussi généreux et, du même souffle, accepter de modifier la Loi canadienne sur la santé afin de donner aux provinces plus de marge de manoeuvre pour transformer le financement et la gestion du système.

C'est la chose à faire... mais le gouvernement fédéral ne bougera pas. Pourquoi? L'analyse d'André Picard est juste: «Le caractère sacré du système public de santé et la rhétorique de ceux que le statu quo avantage ont provoqué une aversion politique à toute réforme.»