On ne peut qu'applaudir le président du Collège des médecins du Québec, Yves Lamontagne, qui a dénoncé hier la tactique employée par les médecins spécialistes dans le dossier des tests du cancer du sein. «J'ai beaucoup de difficultés quand on essaie de pousser des dossiers en prenant les patients en otages», a dit le Dr Lamontagne. S'il faut parfois «gueuler» pour faire bouger le gouvernement, convient-il, on doit à tout prix éviter de se servir des malades. C'est le point de vue que nous avons toujours défendu dans cette page.

La Fédération des médecins spécialistes (FMSQ) et l'Association des pathologistes ont choisi d'exposer le problème de la variabilité des tests d'analyse du cancer du sein par le biais des médias. C'est un choix légitime, mais qui comporte des risques. Lorsqu'on adopte une telle stratégie, on doit s'assurer que l'information fournie aux médias est rigoureuse, complète et susceptible d'être bien comprise par les journalistes et par le grand public. Or, ces précautions n'ont pas été prises. L'auteur de l'étude pilote ayant suscité tant d'émoi, le Dr Louis Gaboury, aurait dû insister sur le caractère exploratoire de ses travaux et sur les dangers d'en extrapoler des conclusions générales. Au contraire, il a parlé de situation «explosive», évoqué le scandale survenu à Terre-Neuve et soutenu que «des centaines» de patientes ont pu recevoir un traitement inapproprié. Or, son étude ne permet pas de tirer des conclusions aussi inquiétantes. Tout au plus indique-t-elle la nécessité d'une recherche plus exhaustive.

 

Le Dr Gaboury accuse le ministère de la Santé de ne pas avoir réagi à la présentation de son étude en avril. Peut-être y a-t-il faute. On s'étonne toutefois que le résumé de l'étude présenté au congrès de l'Association des pathologistes ne fasse aucune mention de la gravité potentielle de la situation. En guise de conclusion, on lit seulement qu'«une majorité des participants sont ravis qu'un tel projet ait été réalisé au Québec».

Suivant sa mauvaise habitude, le président de la FMSQ, Gaétan Barrette, s'est empressé de jeter de l'huile sur le feu. Il a notamment déclaré que le problème de variabilité décelé par le Dr Gaboury s'étendait à tous les cancers. L'Institut national de santé publique et le Collège des médecins ont catégoriquement rejeté cette thèse.

Si les médecins spécialistes impliqués ont manqué à leur devoir en faisant fi de l'anxiété des patientes, le ministre de la Santé n'a pas géré cette crise avec l'assurance nécessaire. C'était certes une bonne chose de prendre le problème à bras-le-corps et de multiplier les points de presse. Malheureusement, les déclarations de M. Bolduc ont le plus souvent accru la confusion. Sa sortie de dimanche contre le Dr Barrette était déplacée; les patientes n'ont que faire de guéguerres politico-syndicales.

Souhaitons que la sage intervention de M. Lamontagne serve d'exemple à toutes les parties. Utiliser les malades pour faire de la politique ou du corporatisme est inadmissible du point de vue moral comme du point de vue professionnel. On ne devrait pas avoir à le rappeler à des médecins.

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