Les marchés boursiers ont littéralement sauté de joie après la publication par le Trésor américain des modalités de son plan de rachat des actifs toxiques des institutions financières.

Les indices américains ont bondi de quelque 7%, le TSX de 5%. C'est tout un contraste avec la chute de 5% qu'avait provoquée il y a un mois la première annonce du secrétaire au Trésor, Tim Geithner, jugée beaucoup trop vague.

 

Ce sursaut de confiance des investisseurs est difficile à comprendre. En effet, s'il comporte plusieurs précisions, le plan présenté hier est conforme aux grandes lignes annoncées en février. Surtout, la réussite des mesures annoncées reste très incertaine.

S'il fonctionne, le plan Geithner permettra aux banques de recommencer à prêter et assurera la relance de l'économie américaine. Mais c'est un gros si.

Selon les explications fournies par le secrétaire, le gouvernement s'associera à des investisseurs privés pour acheter les actifs toxiques détenus par les institutions financières. Il s'agit de prêts hypothécaires ou de titres adossés à de tels prêts, actifs qui ont perdu toute leur valeur à la suite de l'éclatement de la bulle immobilière. Les fonds privés et Washington investiront à parts égales dans l'achat de ces actifs. Le reste des sommes requises viendra de prêts versés ou garantis par le gouvernement. Ce partenariat public-privé doit permettre de libérer les bilans des banques d'entre 500 milliards et 1000 milliards d'actifs toxiques.

Selon l'administration Obama, l'approche public-privé comporte plusieurs avantages. Elle fait assumer une partie des risques au secteur privé. Si les produits acquis par le biais du programme prennent de la valeur, le gouvernement recueillera la moitié des profits. Enfin, comme les actifs seront vendus aux plus offrants, leur prix sera déterminé par le marché plutôt que par des négociations entre les banques et l'État.

Déjà, des investisseurs ont manifesté leur intérêt. Cependant, le scepticisme reste grand. Le chroniqueur du New York Times et Prix Nobel d'économie, Paul Krugman, estime qu'il s'agit d'une «supercherie financière». Selon lui, les règles du marché ne joueront pas du tout puisque le risque des investisseurs est nul: si les actifs perdent de la valeur, le privé n'aura pas à rembourser les prêts consentis ou garantis par Washington.

Même chez ceux qui voient le plan d'un bon oeil, on s'interroge. Si les actifs en question ont un bon potentiel à long terme, ceux qui les détiennent voudront-ils les vendre à bas prix?

S'ajoute une autre complication. Des représentants d'acheteurs potentiels ont fait savoir qu'il était hors de question que le gouvernement encadre la rémunération de leurs employés. La Maison-Blanche insiste d'ailleurs pour dire que ces firmes n'ont rien de commun avec l'assureur AIG. Déjà furieuse, l'opinion acceptera-t-elle de faire cette distinction?

Il faudra sans doute plusieurs mois avant que l'on sache si le plan Geithner aura permis de rouvrir les vannes du crédit bancaire. Pour quelque temps encore, les mauvaises nouvelles économiques risquent d'être plus nombreuses que les bonnes.

apratte@lapresse.ca