Les libéraux de Michael Ignatieff ont toutes les raisons de laisser passer le budget déposé hier par Jim Flaherty. En effet, le gouvernement de Stephen Harper a présenté un budget... libéral. Aux poubelles le laisser-faire!

Ottawa prévoit dépenser quelque 40 milliards en deux ans pour sortir le pays de la récession. Allégements fiscaux pour la classe moyenne, aide aux démunis, amélioration de l'assurance-emploi, investissements massifs dans les infrastructures, aide à la construction résidentielle, financement de la rénovation des logements sociaux, tout y passe. Les libéraux n'auraient pas fait les choses autrement.

Ce n'est évidemment pas de gaieté de coeur que les conservateurs ont emprunté cette voie. Après avoir frôlé la mort politique en décembre, après avoir vu la crise économique s'aggraver au cours des dernières semaines, ils n'avaient plus le choix. D'autant plus que, comme l'a souligné le ministre dans son discours, une intervention énergique de l'État faisait l'objet d'un «large consensus» dans la population.

Cette intervention se fait au prix de l'équilibre budgétaire. Pour la première fois en 12 ans, Ottawa se retrouve dans le rouge, et ce, pour au moins cinq ans. Au bout de cette période, sa dette aura augmenté de 85 milliards. Heureusement, la dette publique canadienne reste bien en deçà de celle des autres pays du G8. Donc, rien de trop préoccupant... pourvu qu'on en sorte.

Comme le souhaitaient les économistes, les projets d'infrastructures représentent une part importante du plan de relance, 12 milliards. L'autre gros morceau vise à stimuler les dépenses des consommateurs ; il s'agit d'une panoplie de mesures fiscales relativement modestes mais qui, au total, représentent un manque à gagner de 6 à 7 milliards par année pour le gouvernement.

Quand Ottawa annonce qu'il a des milliards à dépenser et qu'il veut les débourser rapidement, le potentiel de dérapage est énorme. Souhaitons que les contrôles nécessaires soient mis en place pour empêcher les abus et assurer que ces milliards auront un impact maximal sur l'économie.

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En ce qui a trait aux questions qui intéressent plus particulièrement les Québécois, le budget confirme que le Québec recevra l'an prochain 327 millions de plus que cette année au titre de la péréquation. En cinq ans, ces transferts fédéraux au Québec auront augmenté de 3,5 milliards, un bond de 74%. Jean Charest aura beau déchirer toute sa garde-robe, il ne pourra dissiper l'impression désagréable que dans ce dossier, la province se comporte en enfant gâté.

Pour ce qui est du projet d'une commission nationale des valeurs mobilières, M. Flaherty persiste et signe. Toutefois, les provinces récalcitrantes, notamment le Québec, pourront faire bande à part. Le gouvernement québécois serait mal venu de grimper dans les rideaux alors que le fédéral adopte en la matière l'approche asymétrique dont M. Charest a été le plus ardent promoteur.

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La récession s'aggrave, l'heure n'est pas aux joutes partisanes. Si ce budget est défait en Chambre, l'intervention gouvernementale sera reportée de plusieurs semaines, sinon de quelques mois. Le pays ne peut pas se permettre un tel retard.