Souhaitez-vous l'élection du cardinal Marc Ouellet comme pape? Serait-elle une source de fierté pour les Québécois, malgré les positions conservatrices de Mgr Ouellet?  Pourrait-elle avoir un impact sur la ferveur religieuse des Québécois ?

Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow associé au CIRANO



FIERTÉ ÉPHÉMÈRE

Il est fort possible que l'élection du cardinal Ouellet comme pape soit une source de fierté à court terme pour les Québécois, comme ce fut le cas pour les Polonais avec la nomination de Jean-Paul II et pour les Allemands avec celle de Benoît XVI.  Est-ce que cette fierté se maintiendra à plus long terme? C'est une toute autre question. Ce sera en fonction de sa contribution durant son pontificat. Personnellement, je ne souhaite pas cette nomination.  Le conservatisme de Mgr Ouellet risque de pousser l'Église catholique dans la mauvaise direction, encore plus loin d'une Église plus humaine et mieux intégrée dans la modernité, et surtout encore plus loin du grand message de base de son Fondateur.  Cet éloignement, c'est l'impression que j'ai eu lors de son passage comme archevêque de Québec.  J'ai surtout noté lors de ce passage la très grande difficulté de Mgr Ouellet à accepter une véritable séparation entre l'Église et l'État, ainsi que son désir de vouloir imposer ses règles morales à tous les citoyens, même à ceux qui ne sont pas catholiques.  Je suis peu optimiste quant à cette nomination d'un nouveau pape; les dirigeants conservateurs ont nommé des cardinaux conservateurs qui éliront à leur tour un pape conservateur, comme ce fut le cas lors du dernier conclave.

Jana Havrankova

Médecin endocrinologue



CONTINUITÉ DU CONSERVATISME

Athée du coeur, agnostique par le raisonnement, je me sens un peu imposteur en me prononçant sur la candidature à la papauté.  Mais puisqu'il y a près de 2 milliards de catholiques sur la planète (sans doute pas tous pratiquants), cette institution continuera d'influencer le monde. Toutefois, les doctrines de l'Église catholique se sont dangereusement éloignées de la vie réelle. Ainsi, le refus de la contraception, le refus du mariage des personnes du même sexe, le refus du mariage des prêtres, le refus de l'ordination des femmes et le refus de l'avortement éloignent l'Église catholique des gens. Marc Ouellet s'est particulièrement « distingué » lorsqu'il a déclaré en 2010 que l'avortement est un crime même si la grossesse a résulté d'un viol. Le cardinal Ouellet constituerait probablement un chaînon de continuité dans le conservatisme de l'Église. J'espérerais un pape plus ouvert et plus à l'écoute de ses ouailles. Par ailleurs, avons-nous vraiment besoin de susciter une ferveur religieuse au Québec alors que le gouvernement s'apprête à présenter une loi sur la laïcité? Les principes chrétiens de l'amour du prochain, du pardon, de la justice, de l'engagement communautaire ne nécessitent pas une religion organisée, encore moins un pape, pour s'exercer.

Photo fournie par Jana Havrankova

Jana Havrankova

Francine Laplante

Femme d'affaires



TROP RADICAL

En regardant les différents reportages hier au sujet de la démission de Benoît XVI, ce qui m'a frappé le plus, c'est l'indécence de la richesse démesurée de l'Église. J'ai vraiment un énorme malaise face à ce que je conçois comme une hypocrisie flagrante des règles dictées par l'Église et celles qui sont appliquées par ses représentants. Ceux qui prônent les valeurs chrétiennes vivent dans une opulence à des millions de kilomètres de la réalité de leurs fidèles! Mais plus directement en lien avec la démission du pape et aux « chances » de Mgr Ouellet d'accéder aux plus hautes fonctions, je dirais qu'il y a des limites à la fierté qu'un peuple peut et doit ressentir face aux accomplissements d'un des siens! Comment être fier d'un homme qui condamne l'avortement même dans les cas de viol, qui rejette toute forme de contraception même quand elle protège contre le SIDA, qui refuse l'homosexualité comme si c'était un simple choix? Je serais fière si cet homme se donnait comme mission de révolutionner l'Église catholique en mettant de l'avant ce qu'il prêche : l'amour de son prochain, le respect, le partage, l'égalité entre les hommes et les femmes, la lutte contre la pauvreté, la guerre contre la pédophilie, etc. D'ailleurs, il va falloir plus que la nomination de Mgr Ouellet pour remplir les églises du Québec! Les Québécois ont encore frais en mémoire ses déclarations radicales et plusieurs, dont je suis, considéreront même dangereux qu'un homme aussi radical soit à la tête de notre communauté religieuse. On s'éloigne au lieu de se rapprocher d'un idéal inspirant!

Pierre Simard

Professeur à l'ÉNAP, à Québec



AYONS LA FOI !

L'avocat de Dieu sur Terre, Benoît XVI, s'est désisté. Le cardinal Marc Ouellet, un Québécois qui a passé une grande partie de sa carrière dans les coulisses du Vatican, est un sérieux prétendant à sa succession. Comme dirait mon voisin : le Québec ne s'peut plus! Après Céline, voilà que c'est Marc qui flirte avec la gloire mondiale. L'élection d'un nouveau pape a toujours été un événement médiatique d'envergure internationale. L'élection d'un des nôtres comme chef de l'État du Vatican constituerait sans doute un élément de fierté pour plusieurs et ne pourrait que stimuler la ferveur religieuse des Québécois, du moins chez les plus âgés. Le pape, qu'on le veuille ou non, reste une figure influente de la politique internationale. Ce matin, les médias du monde entier en font leur une et de nombreux Québécois prient pour le cardinal Ouellet en se croisant les doigts. La municipalité de La Motte en Abitibi deviendra-t-elle un lieu de pèlerinage international? Ayons la Foi! P.S. Après deux jours de papauté, de papabile... pu papable!

Pierre Simard

Raymond Gravel 

Prêtre dans le diocèse de Joliette



UN PAPE PASTEUR

Comme prêtre catholique, je ne veux pas me prononcer sur une quelconque candidature pouvant exercer ce rôle unique dans l'Église catholique : celui de pape. La question qu'il faut se poser est la suivante : quelle sorte de pape avons-nous besoin? Quel rôle peut-il jouer dans l'Église universelle du XXIe siècle? La raison d'être de l'Église catholique, c'est d'incarner le Christ de Pâques dans un monde de plus en plus sécularisé, en perpétuelle évolution, en quête de spiritualité et qui partage des valeurs humaines importantes : l'égalité, la dignité, la fraternité et la liberté. À la relecture des évangiles, il m'apparaît évident que ces valeurs ont toujours été portées par des chrétiens de tous les temps. Le christianisme y a ajouté d'autres valeurs comme le partage, le pardon, l'amour inconditionnel, afin de poursuivre la mission du Christ ressuscité, toujours vivant à travers les femmes et les hommes d'aujourd'hui. C'est pourquoi l'Église demeure encore pertinente si elle sait proposer ces valeurs, et le pape doit être celui qui incarne le mieux le Christ de l'Évangile. Pour l'instant, c'est un homme! Oui! Mais quelqu'un de très humain; un rassembleur, qui a le souci des pauvres, des mal aimés, des blessés de la vie, des petits, afin de sauvegarder leur dignité. Nul besoin d'être théologien ou exégète pour devenir pape. Les meilleurs candidats ne sont pas nécessairement des intellectuels ou des profs universitaires; ce sont des hommes de coeur, qui proviennent de milieux défavorisés, qui ont côtoyé la misère humaine et qui sont capables de reconnaître la présence du Christ dans les réalités nouvelles contemporaines. Le pape devient une sorte de modèle pour tous les chrétiens de la base, les évêques, les prêtres, les religieux(ses), les croyant(e)s  qui travaillent sur le terrain, à la transformation du monde, dans le respect de la diversité et de la pluralité. Si le cardinal Marc Ouellet est choisi par ses pairs pour exercer ce rôle de pasteur pour toute l'Église, il ne peut l'accepter que s'il en a la capacité; sinon, il devrait y renoncer comme son prédécesseur, afin d'assurer la survie de notre Église.

Raymond Gravel