Même si leur tenue a coûté 14,5 milliards de dollars aux Britanniques, qui sont embourbés dans une autre récession, les Jeux olympiques en valent-ils la chandelle malgré tout? Comptez-vous suivre les compétitions? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec.



UNE BOUFFÉE D'AIR FRAIS

La devise olympique proposée par le baron de Coubertin n'a jamais été aussi vraie, notamment en ce qui concerne les coûts astronomiques que les jeux d'été de Londres auront coûté à terme, 14,5 milliards de dollars. La démesure aux Jeux olympiques, on nous y a habitués depuis qu'ils se tiennent. Mais qu'importe, on ne veut et on ne peut pas manquer ce grand rendez-vous réunissant la très grande majorité des pays dont les athlètes de haut niveau défendront les couleurs. Même les difficultés économiques et les flirts que nous avons eus ces derniers temps avec la récession ne viendront à bout des JO. Ils sont une bouffée d'air frais alors que 20 jours durant je serai, comme bien d'autres d'ailleurs, rivé à mon écran plasma.  Je m'émerveillerai des performances de ces athlètes qui ont sacrifié bien des choses pour avoir l'insigne honneur de représenter leur pays, même si je me demanderai jusqu'à quel point les Jeux de Londres 2012 sont propres. Autant de compétitions relevées dans de nombreuses disciplines en si peu de temps. Des records seront battus et les acteurs de ces Jeux soulèveront les foules par leurs exploits hors du commun. Ils nous feront sauter de joie et nous partagerons leurs peines. Oui, ces Jeux en valent la chandelle. Ils sont la fierté du pays hôte vers qui la planète entière convergera. Ils constituent un hymne à l'espoir pour tous les peuples de la terre.

Jean Gouin

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques.



UNE FORMULE À REVOIR



Les Jeux olympiques sont aujourd'hui bien loin des idéaux de Pierre de Coubertin. Ils sont dorénavant entachés par le dopage d'athlètes, la politique, les scandales, les menaces terroristes et... les dépassements de coûts! C'est un bien triste constat qui, malheureusement, porte ombrage à tous ces véritables exploits humains qui soulèvent des nations entières. Le principe même des jeux en est un noble, mais il faut sérieusement se questionner à savoir si cette fête vaut les 14 milliards investis. Bien que plusieurs infrastructures continuent d'exister après les jeux, elles sont souvent démesurées par rapport aux besoins de la population locale. Les jeux entraînent aussi des dépenses qui ne rapportent rien. Pensons aux milliards investis pour la sécurité. Considérant l'état dans lequel se trouvent les finances mondiales, il est peut-être venu temps de revoir et de réorienter la façon d'organiser les jeux. Les athlètes méritent d'avoir un forum où ils peuvent faire leurs exploits, mais cela doit-il coûter 14 milliards de dollars pour y arriver? En attendant de répondre à cette question: allez Canada!

Denis Boucher

Mélanie Dugré

Avocate.



LA MAGIE OLYMPIQUE



En constatant le gouffre financier que représente l'aventure des Jeux olympiques pour les villes qui se lancent dans la course, on peut légitimement se questionner sur la nature profonde de la motivation qui anime les villes hôtesses. Accueillir les Jeux olympiques semble représenter l'ultime fantasme, comme le prouve si bien Québec qui, depuis plus d'une décennie, s'évertue à redessiner ses montagnes dans l'espoir que le CIO lui accordera les Jeux d'hiver. Si le contexte économique, le moral des Britanniques, les scandales financiers et le dopage pourraient certes jeter une ombre sur les Jeux, il n'en demeure pas moins que pour nombre d'athlètes, les deux prochaines semaines représentent la concrétisation d'un rêve qu'ils ont nourri depuis l'enfance et pour lequel ils ont fait de coûteux et douloureux sacrifices. C'est le moment de saluer les années d'entraînement, les petits matins passés à la piscine, au gym ou à vélo, les blessures et les échecs, les défis de la conciliation sport-études et l'indéfectible appui des familles de ces athlètes. Les Jeux olympiques sont l'occasion de redonner au sport amateur ses lettres de noblesses et nous devons à nos athlètes, entre deux discours électoraux, d'être aux premières loges pour les applaudir et leur témoigner notre fierté.

Mélanie Dugré

Jana Havrankova

Médecin endocrinologue.



AMBIVALENCE



Admirer la souplesse des gymnastes, la vitesse des sprinteurs, la force des rameurs, l'endurance des marathoniens demeure une source de plaisir et de fierté. Tout ce que l'humain peut accomplir s'il y met de la détermination, du temps et de l'énergie! Par contre, ce plaisir est amoindri par la question : ces performances, sont-elles le fruit du dopage? Qui s'est drogué sans que l'on puisse détecter la nouvelle substance dopante? Par ailleurs, les coûts des Jeux sont devenus extravagants. Certains stades, construits à grands frais, se trouvent plus ou moins à l'abandon : Montréal, Pékin, Athènes. Les dépenses associées à la sécurité explosent : aucun pays ne veut passer à l'histoire comme celui où les athlètes ou les spectateurs ont été fauchés par un commando terroriste. Aussi, la marchandisation prend une dimension excessive : à Londres, McDonald s'autoproclame le monarque absolu de la patate frite en défendant aux autres concessions d'en vendre (sauf pour les fish and chips). Pendant les JO de l'Antiquité, les guerres s'arrêtaient : aujourd'hui, personne ne songe à rappeler cela aux combattants syriens. Je rêve des Jeux sans menace de violence, sans marchands agressifs, pour et par les athlètes non dopés, dans un monde pacifié. En attendant ce miracle, je regarderai les Jeux de Londres.

Jana Havrankova

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.



TROP DE COMMANDITES ET DE POLITIQUE



Les Jeux olympiques ne sont plus ce qu'ils étaient. Les proportions médiatiques et politiques entourant les JO ont pris une telle ampleur que la discipline sportive n'est plus à l'avant-plan. Société de consommation oblige, les JO dépendent de gros commanditaires afin d'en financer l'organisation. Les Britanniques auraient de quoi être fiers, certes. Mais en ces temps économiquement difficiles pour eux, une telle dépense est-elle justifiable? Près de 15 milliards $ auront été dépensés par la Grande-Bretagne pour les JO. Je doute fort que les retombées économiques pour ce pays du Commonwealth soient aussi ou plus élevées que cette dépense astronomique. Combien d'années les Britanniques mettront-ils à rembourser cette somme? Comme la plupart des gouvernements de la planète, les élus britanniques demandent à leurs concitoyens de se serrer la ceinture afin de voir un jour la lumière au bout du tunnel et sortir de ce marasme économique. Les futurs pays hôtes des JO devraient faire pression sur le Comité international olympique afin que les JO redeviennent, comme à leur tout début, apolitiques et ne nécessitant pas des millliards de dollars pour exister. Après tout, nos jeunes athlètes ne demandent qu'à performer dans une compétition sportive internationale de haut calibre et non pas faire partie intégrante de ce gigantesque spéctacle médiatique que sont devenus les jeux modernes.

Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow associé au CIRANO.



UN GROS PARTY TROP CHER



À 14,5 milliards $, la présentation des Jeux olympiques est beaucoup trop dispendieuse.  C'est encore plus le cas dans le contexte de la crise financière, de la récession, de la montée du chômage et de compressions budgétaires drastiques.   Ce «gros party» serait également trop cher dans le contexte économique d'avant la crise financière. Même en tenant compte du fait que de nombreuses infrastructures (d'une valeur de près de 10 milliards $) mises en place pour les jeux continueront d'être utilisées.  Une meilleure répartition à travers le pays de ce montant d'investissement en infrastructures collectives générerait une augmentation plus grande du bien-être collectif, d'autant plus que la région de Londres était et est relativement très prospère.  Londres n'avait pas besoin de prendre en charge l'organisation des Jeux olympiques de 2012 pour s'affirmer  ou pour se faire reconnaître comme une des grandes métropoles du monde.   Au fil des décennies, l'organisation des jeux olympiques est devenue un projet public qui est d'une trop grande envergure et d'un coût astronomique, qui implique une hausse importante de l'endettement public et qui résulte en une baisse du bien-être collectif.

Jean-Pierre Aubry

Adrien Pouliot

Président et chef de la direction de Draco Capital.



RENTABLES



Si on veut dire, par « en valoir la chandelle », être financièrement rentables, la réponse est affirmative.  Rappelons que les Jeux de Los Angeles en 1984, que le commissaire du comité organisateur Peter Ueberroth a gérés comme une entreprise privée, ont été les Jeux olympiques ayant connu le plus grand succès commercial (250 millions $ de profits sans un seul sou de subvention du gouvernement), un exploit surtout après le désastre financier de Montréal. Ceux de Seoul, gérés par l'État, ont rapporté 300 millions $ de profits.  Ceux de Londres, promet le maire de Londres, seront rentables.  C'est bien possible.  Quoique je me méfie toujours de la comptabilité d'un politicien.  Et quand un politicien me dit qu'un projet est « rentable », je ne peux m'empêcher de penser aux études savantes de consultants calculant les retombées directes et indirectes, question de justifier « l'investissement » (lire : la dépense) étatique en question.  C'est encore une fois ce que déplorait l'économiste français Bastiat : on voit le stade, les compétitions, les touristes, les athlètes qui gagnent des médailles pour gonfler notre fierté... mais on ne voit pas ce que ces 14,5 milliards $ auraient produit si on les avait laissés entre les mains des productifs contribuables...

Adrien Pouliot

Francine Laplante

Femme d'affaires.



DÉMESURÉS, MAIS SACRÉS



Dans le contexte économique mondial actuel, aucun pays n'a véritablement les moyens de se payer des Jeux olympiques. Leurs coûts astronomiques et démesurés (on parle quand même de 14 milliards de dollars pour Londres!) peuvent certainement être remis en question, mais il s'agit d'un autre débat... Peut-on faire les choses différemment tout en respectant la devise olympique (plus vite, plus haut, plus fort) qui est la véritable raison des Jeux, c'est-à-dire la performance des athlètes? Je crois que oui, mais que la volonté mondiale n'y est pas. Chaque pays veut faire plus gros et plus beau que le précédent, et l'orgueil coûte cher! Une chose est certaine, les Jeux sont sacrés dans ma famille : nous suivons les compétitions, nous analysons les résultats, nous lisons le parcours des athlètes, nous sommes fiers de nos Canadiens et nous profitons de cette occasion pour enseigner à nos enfants le dépassement, le courage, la persévérance et l'accomplissement.

Caroline Moreno

Écrivain et comédienne.



JEU DE MAUX!



Les  Jeux olympiques sont une occasion de voir à l'oeuvre des athlètes de haut  niveau et de partager avec eux des moments de grandes émotions. Bien  sûr, un tel événement génère d'intéressantes retombées économiques. Cependant,  lorsque la facture de pays hôte s'élève à plusieurs milliards de dollars, un  partage des coûts serait peut-être souhaitable ou, à tout le moins, une  évaluation plus réaliste des dépenses et de leurs sources de financement. Dans  le cas de Londres, la facture initiale a triplé, ce qui a fait dire à la  ministre Tessa Jowell  que si son  gouvernement «avait  su ce qu'il savait maintenant»,  il n'aurait «certainement  pas» été candidat pour accueillir les Jeux. Une  reconversion des sites doit également être prise en compte afin de  rentabiliser leur construction. Pourquoi, à titre d'exemple, dépenser des  millions de dollars pour un stade qui servira à abriter, l'espace de quelques  jours, un salon de l'habitation?

Caroline Moreno