Le chef de la CAQ, François Legault,  est dans l'embarras à la suite d'une phrase écrite sur Twitter. Jean Charest et Pauline Marois se demandent s'ils devraient être actifs sur ce média social, où les messages ne doivent pas faire plus de 140 caractères. Selon vous, les chefs de parti devraient-ils participer aux discussions sur Twitter pendant la campagne électorale? Quels avantages et désavantages voyez-vous à ce nouveau média?

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de L'Idée fédérale.

Twitter ou ne pas twitter?

Twitter va-t-il devenir le mode d'expression par excellence de nos politiciens? Serait-ce la fin des discours soporifiques, des visites de centres d'achats, des mises en scène de garderies ou des assemblées paquetées dans des salles surchauffées? Plus besoin d'imprimer des programmes devant la faible faculté de lire ce qui dépasse désormais la longueur d'un twit. Pourquoi s'embarrasser de nuances sur des questions complexes? Si la dictature du 140 caractères exige l'esprit de synthèse, elle peut toutefois déboucher sur la bourde malheureuse, l'expression trop vite cliquée ou encore la boutade en forme d'injure, comme ce fut le cas de ce ministre fédéral il y a peu, trop pressé de gratifier le vice-premier ministre de l'Alberta  d'une insulte l'apparentant à un endroit du corps où le soleil ne brille jamais. L'enthousiasme du chef de la CAQ pour les gazouillis donne l'impression qu'il vient de découvrir le téléphone! On a pu récemment constater qu'après deux heures de cet exercice sur le thème des frais de scolarité avec Martine Desjardins de la FEUQ, le débat n'a pas avancé d'une coche. L'échange fut rapidement récupéré comme un événement médiatique dans une période creuse de l'actualité. On comprend la frilosité des partis politiques à encourager 125 candidats à twitter spontanément tout ce qui leur passe par la tête et qui risque de faire dérailler une campagne. Il faudra pourtant vivre avec!

Louis Bernard

Consultant.



Communiquer ou informer?

Twitter est un excellent moyen de communication pour transmettre des messages brefs, susciter la mobilisation ou faire connaître une réaction spontanée. Mais il ne convient absolument pas à la transmission d'informations politiques le moindrement complexes.  Déjà, le « clip de 10 secondes » qui sévit à la télévision a le fâcheux effet de ramener la politique à une guerre de slogans. Il ne faudrait pas favoriser davantage cette tendance simplificatrice. Bien sûr que les partis politiques, par leur équipe de communications, doivent être en mesure d'utiliser Twitter pour les fins où il peut être utile: convocation de ralliement, tournée du chef, sondages, ou bien pour faire le lien avec les autres moyens d'information sur le programme électoral ou le contenu de la campagne. Mais pas pour forcer le ou la chef à exprimer quotidiennement sa pensée en 140 caractères. Les militants, surtout les jeunes, voudront sans doute utiliser Twitter pour parler politique et les partis voudront conséquemment se tenir au courant de ce qui se passe dans cette sphère de la communication électronique. Mais je ne vois pas l'utilité d'une présence constante du chef ou de la chef du parti sur ce média. J'y vois même des dangers.


Mélanie Dugré

Avocate.

Engin explosif

Les médias sociaux font désormais partie de notre paysage et il serait vain de nier leur pertinence et leur utilité. Les politiciens ont donc tout intérêt à se mettre à la page au plan technologique et à s'adapter à cette nouvelle réalité qui colore et pimente les activités de notre société. La résistance des politiciens face à cet outil méconnu s'explique néanmoins. Reconnus pour leur langue de bois et leurs interminables discours sans saveur, ils se voient remettre entre les mains un engin hautement explosif, susceptible de leur causer bien des ennuis s'il n'est pas manié avec soin et prudence. En revanche, pour nous, électeurs, il s'agit d'une chance unique qui nous est offerte de connaître les candidats sous un autre jour et de découvrir leur réaction en temps réel. L'idée n'est évidemment pas d'envahir la planète Twitter et de devenir omniprésent à en donner la nausée. La multiplication des gazouillis deviendrait ingérable et indigeste, diluerait l'essence du propos et affaiblirait rapidement l'intérêt des abonnés. Les sujets sur lesquels les candidats s'exprimeront devront être judicieusement choisis et il faudra que les messages soient intelligents, percutants et concis. Politiciens, réveillez donc le côté techno qui dort en vous et relevez le défi des gazouillis!

Mélanie Dugré

Jana Havrankova

Médecin endocrinologue.

Gare aux raccourcis périlleux!

« Déclencher les élections au mois d'août, alors que les gens sont en vacances, s'avère manipulateur et indigne d'un démocrate. » Ne possédant pas de compte Twitter, je voulais tester s'il était possible d'exprimer une pensée complète concernant un sujet politique en 140 caractères. Oui, c'est faisable : la phrase ne comporte que 129 caractères, espaces compris! Toutefois, aborder un thème plus complexe peut s'avérer dangereux : François Legault y a goûté en affirmant que les femmes sont moins préoccupées par le salaire que les hommes lors du choix d'une profession. Cette opinion est soutenue par l'OCDE, mais le gazouillis ne permettait pas cette précision. C'est là que se situe le péril du Twitter : débattre des sujets complexes exige plus de 140 caractères. En se limitant aux énoncés simples, sinon simplistes, et aux slogans, les politiciens risquent d'appauvrir l'image de la pensée politique, déjà malmenée de nos jours. Par contre, Twitter peut se montrer utile pour des informations factuelles : l'heure et le lieu d'une tournée ou d'une réunion, par exemple. Les politiciens, sauront-ils utiliser le Twitter avec discernement? Les abonnés, sauront-ils, voudront-ils jouer au jeu de 140 caractères avec les politiciens?

Jana Havrankova

Jean Gouin

Directeur général, Fédération des médecins résidents du Québec.

La superficialité en 140 caractères

Le message en 140 caractères se doit d'être superficiel, car il ne permet pas un débat de fond et engendre la plupart du temps de l'incompréhension et des erreurs d'interprétation. C'est mon opinion et la phrase ne respecte pas le nombre de caractères (154 espaces non compris) requis pour un tweet. Par ailleurs, l'utilisation des médias sociaux en politique a fait ses preuves et les chefs de partis politiques auraient grand intérêt à en faire usage lors de la prochaine campagne électorale.  Ils sont un véhicule de premier ordre pour les ralliements politiques, pour une information courte et précise, pour une référence à un discours ou un document de fond. Mais Twitter pour échanger sur des questions fondamentales est une perte de temps que ne peuvent se permettre les chefs qui seront en campagne électorale. Déléguer cette tâche risque de faire dévier le message que veut faire passer un parti et aucun des chefs ne veut se retrouver dans l'eau chaude en pleine campagne. Monsieur Legault en sait quelque chose et cela lui servira sûrement de leçon.  De plus, ce ne sont pas tous les Québécois qui peuvent se targuer d'être branchés. Les chefs de partis sont conscients que la bonne vieille méthode de la poignée de main est davantage gage de succès en campagne électorale que le tweet. Celui-ci est un accessoire à ne pas négliger cependant.

Jean Gouin

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques.

Un terrain glissant

Un des conseils que je prodigue à mes clients est que le pire ennemi de la communication est le manque de préparation. ! Le caractère spontané de Twitter, qui est à la base du grand succès de ce média social, peut aussi s'avérer un terrain particulièrement glissant comme l'a rapidement constaté monsieur Legault. Ces 140 petits caractères peuvent devenir autant d'épines dans le pied pour quiconque a la gâchette facile avec le bouton « envoyer ». Les gens qui utilisent Twitter, pas seulement les politiciens, devraient se rappeler de la vieille expression qu'il faut toujours se tourner la langue sept fois avant de parler. À la sauce moderne, on pourrait dire qu'il se faut se tourner les doigts sept fois avant de twitter. Bien qu'on ne puisse absolument pas nier l'engouement et l'utilité de Twitter dans le monde des communications, on peut quand même se questionner quant à sa valeur entre les mains d'un politicien. Le fait de côtoyer des politiciens sur Twitter fera-t-il en sorte d'intéresser plus de citoyens à la politique, à rehausser la qualité des débats ou à augmenter le taux de participation aux élections? Je suis loin d'en être convaincu. Les médias sociaux sont comme les vêtements. Ce n'est pas parce que c'est à la mode que ça va bien à tout le monde.

Denis Boucher

Jean-Martin Aussant

Chef d'Option nationale.



Incontournable et délicat

(1/2) Twitter sera certainement incontournable pour @OptionNationale dans la campagne qui approche #PolQC #AssNat #OpNat #Qc2012

(2/2) L'inconvénient est qu'il est difficile d'élaborer une idée en 140 caractères. Il faudra faire preuve de discernement @FrancoisLegault

Jean-Martin Aussant

Francine Laplante

Femme d'affaires et mère de cinq enfants.

La beauté du direct

La beauté de Twitter, c'est que l'on ne peut pas passer par Paris pour se rendre à Québec. Alors vive Twitter et son côté direct, qui permet d'exprimer clairement ses idées, ses opinions, ses valeurs... Donnez-moi l'heure juste, sans détour ni velours, sans essayer de m'endormir avec de grandes phrases ou de grandes théories! Ouf! Peut-être trop beau pour être vrai? J'ai de la difficulté à croire que cela est possible et pourtant c'est bien de notre temps! Plus j'y pense et plus je crois que l'étau se resserre sur nos politiciens : maintenant, ils vont devoir jouer la carte de la transparence, et ce, sans JOKER!