Les signaux s'accumulent indiquant que des élections générales seront déclenchées au Québec en août, pour un vote en septembre. Quel devrait être, selon vous, le principal sujet discuté pendant cette campagne? Le conflit étudiant? L'intégrité de nos gouvernants? La situation économique? L'état de notre système de santé? VOS COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.

Adrien Pouliot

Président de Draco Capital Inc., société d'investissement privée

LE TRIANGLE D'OR

Quels que soient les thèmes de la campagne, on ne voudra certainement pas, dans notre Québec d'orthodoxie socialiste néo-soviétique, avoir un débat sur le rôle de l'État. Depuis les années 1970, la taille du Léviathan québécois a pris des proportions gargantuesques. Pour s'alimenter, l'ogre étatique doit consommer la moitié de tout ce qui est produit au Québec. Et qui voudrait arrêter ce « party »?  L'État emploie près d'un million de Québécois et distribue des nananes à une énorme proportion de la population sous forme de subventions, de contrats juteux, de monopoles, etc. Pendant que 40% des contribuables ne paient pas d'impôt et n'ont donc aucun intérêt à changer le statu quo, la classe moyenne qui paie ses impôts et élève sa famille sans rien demander à l'État n'a ni le temps ni l'intérêt pour neutraliser le triangle d'or « politicien-bureaucrate-groupe d'intérêt ». Dans cette relation incestueuse, chacun bénéficie de l'autre, soit en donnant des bonbons étatiques en échange de votes (politiciens) ou en échange d'un emploi peu exigeant avec sécurité d'emploi blindée et retraite dorée (bureaucrates) ou en vendant des votes contre des faveurs de l'État pour s'enrichir (groupes d'intérêt)? Voilà la source de l'immobilisme québécois qui nous enlise et dont nous ne parlerons pas aux prochaines élections.

Adrien Pouliot

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de L'Idée fédérale

IT'S ECONOMY ! STUPID !

L'économie demeure la mère de tous les enjeux, au Québec comme aux États-Unis ou en France.  Stupid pour paraphraser James Carville, ancien conseiller de Bill Clinton. Les prochaines élections générales québécoises n'y échapperont pas, peu importe les partis en présence. De la vitalité de l'économie découlent la création d'emplois, l'équilibre des finances publiques, la réduction de notre dette, la capacité de nous offrir des services et l'enrichissement individuel et collectif. La lancinante question des droits de scolarité présente aussi un aspect économique qu'on le reconnaisse ou pas. On ne pourra continuer longtemps d'offrir la facture la plus basse en Amérique du Nord pour l'obtention d'un diplôme d'études postsecondaires de qualité sans créer de la richesse. Même la question de la souveraineté qui est l'option centrale du PQ revêt un caractère éminemment économique. La gouvernance souverainiste avec ce qu'elle suppose comme ordre de priorités serait-elle propice à la nécessaire et urgente recherche de prospérité? On peut difficilement imaginer des élections de promesses compte tenu de la faible marge de manoeuvre des gouvernements pour engager de nouvelles dépenses ou augmenter les impôts et les taxes. Au-delà de l'économie, la question de la légitimité de nos élus à faire des choix et de la responsabilité individuelle dans le fonctionnement des institutions démocratiques devrait également être à l'ordre du jour.

Richard Vigneault

Raymond Gravel

Prêtre, diocèse de Joliette

DES ÉLECTIONS... ET ÇA PRESSE!

Tout d'abord, je trouve très désagréable ce petit jeu de Jean Charest autour du déclenchement des élections. Ça donne l'impression que le premier ministre se fait une sorte de fierté d'être celui qui va donner le coup d'envoi à la campagne électorale. Il serait grand temps qu'on ait des élections à date fixe pour éviter cet enfantillage de mauvais goût. Maintenant, pour les prochaines élections, j'ose espérer que les chefs des différents partis feront une campagne honnête, qui fait appel à l'intelligence des citoyens. Tous les sujets doivent être abordés : le conflit étudiant, la corruption et la collusion, le système de santé, la pauvreté et la dignité des personnes vulnérables. De plus, le futur gouvernement québécois devra prendre une distance et être très critique des politiques fédérales de Stephen Harper en ce qui concerne l'environnement et la criminalité. Je souhaite de tout coeur qu'on arrête de promettre mer et monde aux gens, afin d'obtenir leur vote. Comme la devise du Québec est « Je me souviens », j'espère que les Québécois se souviendront lorsqu'ils déposeront leur bulletin de vote dans les urnes. Que Charest déclenche des élections au plus vite, et ça presse!

Raymond Gravel

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques

ENCOURAGER LES DÉBATS DE FOND

La dernière chose dont le Québec a besoin est d'élections « référendaires ». La liste des enjeux cruciaux est bien trop longue pour que l'on en laisse un seul monopoliser les prochaines élections. En ce sens, la question des droits de scolarité est un sujet parmi tant d'autres. Certes, il faut aborder cette question, mais elle ne mérite pas d'escamoter les questions économiques, l'environnement, la santé et bien d'autres dossiers dont les répercussions sont plus profondes sur l'ensemble de la population. On peut souhaiter, sinon rêver que nous aurons droit à une campagne où de véritables débats de fond auront lieu. Des élections où les partis nous présenteront l'orientation qu'ils souhaitent donner à la province à long terme, afin d'accroître notre prospérité collective pour que, finalement, nous arrêtions d'endetter les générations futures. Espérons aussi que la population pourra retrouver dans les médias des reportages permettant de se faire une idée, plutôt que de réduire la campagne à des incidents comme celui de l'autobus de campagne qui tombe en panne, du candidat qui trébuche en montant au podium ou du lapsus pendant un discours. N'oublions pas que les électeurs auront aussi un rôle dans cette campagne; celui de se donner la peine d'aller voter et ainsi participer pleinement à l'exercice de la démocratie.

Denis Boucher

François Bonnardel

Député de Shefford

SORTIR LE QUÉBEC DE SON IMMOBILISME

Il est inévitable que la prochaine campagne électorale portera sur le triste bilan d'un gouvernement libéral usé par neuf années au pouvoir, au cours desquelles les scandales de corruption et de mauvaise gestion se sont accumulés. Rarement a-t-on vu un gouvernement ébranlé par tant de dérives éthiques. Au-delà des questions d'intégrité, d'autres problèmes demeurent entiers et la prochaine campagne électorale sera l'occasion d'en débattre. Il faut améliorer le bilan économique du Québec, qui est médiocre si on le compare au reste du Canada. Notre système de santé ne répond pas aux besoins de tous les Québécois, et deux millions d'entre eux n'ont toujours pas de médecin de famille. Notre taux de décrochage demeure alarmant dans certaines régions et nos universités sont sous-financées. Face aux deux vieux partis incapables de proposer des solutions courageuses à ces problèmes criants qui empêchent le Québec d'avancer, la Coalition avenir Québec offrira aux citoyens une solution de rechange solide et crédible. Lors des prochaines élections, les Québécois pourront voter pour une offre de changement qui sortira le Québec de son immobilisme.

François Bonnardel

Caroline Moreno

Écrivain et comédienne



LES MÊMES RITOURNELLES

Sans surprise, Charest jouera les fier-à-bras tandis que Marois misera sur l'intégrité de sa formation. Le duo Khadir-David promettra l'égalité sociale par opposition aux caquistes qui défendront une vision pyramidale de la société où les riches occupent le haut et les pauvres, le bas. Quant à Option nationale, elle sera traitée comme quantité négligeable par les médias. Les électeurs auront droit aux mêmes ritournelles. Seul un débat sur l'indépendance pourrait redonner un sens à cet exercice auquel plus personne ne croit d'autant plus qu'une division des votes favorise la réélection du Parti libéral dont la population affirme vouloir se libérer. Car, qu'il s'agisse de la crise étudiante, du Plan Nord, de la vente de l'île d'Anticosti, des redevances minières, de la régression du français, c'est de la réappropriation du Québec par les Québécois dont il est question. Cet enjeu sera, bien entendu et malheureusement, éclipsé au profit de discussions sur les «vraies affaires».

Caroline Moreno

Jana Havrankova

Médecin endocrinologue

PAS DE CASSEROLES NI DE SLOGANS, S.V.P.!

Le son des casseroles ne devrait pas rendre sourds les politiciens et la population aux appels à une discussion franche, chiffrée, argumentée du financement des universités, incluant les droits de scolarité. Il ne s'agit pas d'une négociation réservée aux étudiants et aux politiciens : elle concerne la société tout entière. La même rigueur devrait s'imposer pour le débat sur les enjeux économiques. Quel développement du Nord québécois devrions-nous envisager dans le respect de l'environnement et des visées économiques en nous souvenant que la nature constitue une richesse économique inestimable dans un monde de plus en plus bétonné? Quels investissements encourager pour diminuer notre dépendance aux énergies fossiles? L'état de notre système d'enseignement, avec le décrochage toujours non réglé, devrait recevoir une attention aussi soutenue que l'enseignement postsecondaire. Le ministre de la Santé actuel (et un éventuel ministre aspirant) devra nous informer comment ils fourniront des médecins de famille à tous les Québécois, comment ils assureront l'approvisionnement en médicaments génériques, comment ils s'y prendront pour informatiser - enfin - le réseau. A-t-on besoin de plus d'immigrants? Comment les intégrer et les franciser? Nous, les citoyens, exigeons de nos politiciens des faits et de la rigueur! Refusons des slogans creux ou des attaques personnelles!

Jana Havrankova

Mélanie Dugré

Avocate



LES VALEURS D'ABORD

J'ai souvent l'impression que nos élus marchent sur des sables mouvants et que la structure du haut de laquelle le gouvernement est appelé à nous diriger menace de s'écrouler à tout moment tellement les intempéries et les secousses sismiques ont fragilisé ses fondations. Le spectre d'une campagne électorale nous invite à un exercice d'introspection et nous offre l'occasion d'une réflexion sur les dossiers qui devraient être priorisés, mais aussi sur les principes que nous souhaitons voir guider cette campagne et notre éventuel gouvernement. Intégrité, transparence et responsabilité sont devenues des incontournables sans lesquels le gouvernement ne pourra gagner l'appui et le respect de la population. Les candidats devront nous convaincre que leurs intérêts personnels sont étrangers à leur démarche, qu'ils ne cachent pas dans leur placard des squelettes dignes de scandales et qu'ils auront le courage de prendre des décisions pour le bien-être collectif et surtout, de les assumer sans tenter de s'esquiver ou de blâmer autrui pour les conséquences. La première étape de ce processus électoral qui s'annonce consiste donc à solidifier nos assises; il sera d'autant moins pénible par la suite d'affronter les difficiles enjeux, touchant notamment l'économie, la santé et l'éducation, qui se pointent à l'horizon.

Mélanie Dugré

Michel Kelly-Gagnon

Président et directeur général de l'Institut économique de Montréal

LA DETTE DEVRAIT ÊTRE L'ENJEU CENTRAL

Les promesses électorales coûtent de l'argent qu'on emprunte la plupart du temps. La dette du Québec devrait être l'un des thèmes clés de la prochaine campagne électorale parce qu'elle représente en quelque sorte toutes les promesses qu'on n'a pas encore fini de payer. Certes, les partis politiques promettent de revenir au déficit zéro. Pourtant, cela est loin d'être suffisant puisque le déficit zéro n'est pas synonyme d'endettement zéro, aussi paradoxal que cela puisse paraître. Entre 1999 et 2009, dix années de déficit zéro, la dette du Québec a bondi de 48 milliards de dollars! Même sans déficit, on emprunte pour construire des routes et des bâtiments gouvernementaux, ou renflouer les régimes de retraite des fonctionnaires, etc. S'endetter pour investir dans des actifs, en soi, c'est normal. Encore faut-il pouvoir objectivement se payer les infrastructures en question. Par exemple, s'acheter maison a Westmount sous prétexte que cela constitue un actif qui a de la valeur n'est pas un argument valable si l'on est par la suite incapable d'assumer les mensualités hypothécaires. Et concrètement, les deux tiers de la dette du Québec ont servi à payer l'épicerie. Il n'est pas réaliste de penser qu'on va réduire la dette du Québec en termes absolus, dans les quatre ou cinq prochaines années. Mais au moins, il faut espérer une discussion sérieuse et un plan crédible pour ralentir l'hémorragie.

Michel Kelly-Gagnon

Jean Gouin

Directeur général, Fédération des médecins résidents du Québec

TROMPE-L'OEIL EN VUE

Monsieur Charest aura toujours le choix de déclencher des élections au moment qu'il jugera opportun pour sa réélection. Il est fort plausible que la fenêtre qui s'ouvre à lui se situe à la fin de la saison estivale et au début de l'automne. Il y a également fort à parier que M. Charest souhaite que les étudiants se remettent à manifester et que les casseurs reprennent du service. À ce moment-là, les sondages pourraient le favoriser et c'est sans aucune réserve qu'il se lancera en campagne électorale avec comme thème principal, la situation économique. Ce thème est englobant et le Québec se doit de trouver des solutions pour faire face à une crise économique planétaire. Il nous faut de l'argent pour que nous puissions nous offrir des services. On ne peut continuer à tout investir dans trois postes budgétaires seulement : l'éducation, la santé et la dette. Alors, quoi de mieux que le Plan Nord comme faire-valoir et comme source de développement et de financement. Le débat sera âpre, car les environnementalistes de tout genre se lanceront dans la bataille, les idées fuseront, les échanges seront acrimonieux et, en fin de compte, l'isoloir se prononcera. Les chances que le Parti libéral du Québec en sorte victorieux sont bonnes. Peut-être pas majoritaire, mais qui sait ce que donnera le jeu des alliances. Pendant ce temps, on aura tous oublié la question de l'intégrité de nos gouvernements, alors que ce thème est à la base de l'assainissement de notre système politique. Et la vie continue...

Jean Gouin

Jean-Pierre Aubry



Économiste

DÉBAT DE FOND SUR LES PROCESSUS DÉMOCRATIQUES

Ces deux dernières années, de nombreux évènements (par exemple, des cas de fraudes dans le secteur des la construction et dans l'attribution de contrats par nos administrations publiques)  ont soulevé des questions quant à la crédibilité et l'intégrité des élus sur la scène provinciale et sur la scène municipale. D'autres évènements (par exemple, des cas où des groupes d'intérêt ont souscrit illégalement à des caisses électorales) ont jeté des doutes sur la qualité  de nos processus électoraux et même sur la légitimité de l'élection de certains élus. Finalement, le conflit étudiant a ébranlé notre système démocratique alors qu'un groupe d'étudiants a rejeté une mesure administrative proposée (l'augmentation des droits de scolarité) par un gouvernement légitimement élu et approuvée par l'Assemblée nationale. Pour mettre de la pression sur le gouvernement actuel, ce groupe a troublé la reddition de services éducatifs et l'ordre public. Aujourd'hui, on ne sait même pas si ce groupe décidera de défier le nouveau gouvernement, si ce dernier décidait de maintenir les mesures administratives du précédent gouvernement. Dans un tel contexte, il me semble important de discuter durant la prochaine campagne électorale de l'état de santé de notre démocratie et de moyens qu'il faudraient prendre pour la protéger et l'améliorer ainsi que pour accroître les processus électoraux et faire en sorte que les Québécois aient une plus grande confiance envers l'intégrité de leurs élus et envers leurs décisions.

Jean-Pierre Aubry