Comment entrevoyez-vous la forte possibilité, selon le dernier sondage CROP, qu'un gouvernement minoritaire soit élu aux prochaines élections au Québec ? Serait-ce préférable ou non à l'élection d'un autre gouvernement majoritaire ? D'après vous, quel chef de parti serait susceptible d'accomplir le meilleur travail à la tête d'un gouvernement minoritaire?

LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.



Antonin-Xavier Fournier

Professeur de science politique au cégep de Sherbrooke

CRISE PERMANENTE

Les gouvernements minoritaires, longtemps associés à des pays dont le système politique diffère du nôtre, sont devenus chose courante depuis quelques années. On peut penser bien sûr aux différents gouvernements minoritaires sur la scène fédérale entre 2004 et 2011, mais aussi à la brève expérience au Québec en 2007. Contrairement à la croyance populaire, les gouvernements minoritaires ne sont pas nécessairement moins productifs. En général, ces gouvernements peuvent, à l'instar des gouvernements majoritaires, adopter de grandes réformes de l'État et se montrer relativement efficaces comme ce fut le cas dans les années 1960 et 1970 avec les premiers ministres Pearson et Trudeau. En ce sens, il est sans doute prématuré d'affirmer que les gouvernements minoritaires paralysent l'appareil de l'État.

Malheureusement, d'un point de vue partisan, la situation est complètement différente. En effet, en période minoritaire, les partis politiques sont obsédés par les stratégies partisanes et par les sondages d'opinion de sorte que le parlement se retrouve dans une situation de crise permanente. Devant une telle situation, il est sans doute plus sage de confier le pouvoir à un homme ou une femme d'expérience plutôt qu'à un nouveau venu dont les réformes ont peu de chance d'être adoptées à l'intérieur d'un gouvernement minoritaire.

Mélanie Dugré

Avocate

PLUS GRANDE L'IMPUTABILITÉ

Il y a deux côtés à la médaille d'un gouvernement minoritaire. D'une part, les décideurs sont surveillés de façon plus étroite par les partis d'opposition et ils ont les coudées moins franches pour légiférer au gré de leurs humeurs et lubies. En contrepartie toutefois, le processus décisionnel se trouve souvent alourdi et les partis adverses tombent parfois dans le piège de s'objecter aux divers projets gouvernementaux pour le vulgaire plaisir de faire de l'obstruction sans se questionner réellement sur leur potentiel bien-fondé. En ce sens, l'efficacité du système, déjà douteuse par moments, est nettement ralentie. Néanmoins, lorsqu'on regarde le confort et l'aisance avec lesquels les libéraux de Jean Charest jouissent de leurs pouvoirs, j'ai l'impression qu'un gouvernement minoritaire pourrait nous rendre quelques services, ne serait-ce que remettre l'imputabilité au menu du jour. Quant à savoir qui serait apte à prendre les rênes d'un tel gouvernement, mon instinct me porte à croire que la CAQ a encore quelques croûtes à manger avant d'avoir les reins assez solides pour le rôle.

Dans la mesure où le Parti québécois a terminé de laver son linge sale et semble avoir trouvé réponses à ses questions existentielles, il pourrait représenter une option envisageable.

Mélanie Dugré

Pierre Simard

Professeur à l'ÉNAP

GESTION À LA PETITE SEMAINE

Six mois en politique, c'est une éternité. Il y a quelques semaines, les sondages prédisaient une quasi-disparition du PQ. Ce matin, ils sont en tête des sondages. Le vote des Québécois serait-il volatile? Même si la situation est susceptible d'évoluer considérablement d'ici l'élection, on ne peut ignorer la possibilité qu'un partage du vote entre le PLQ, le PQ et la CAQ conduise à un gouvernement minoritaire. Est-ce souhaitable? Pas sûr! Un gouvernement minoritaire est une situation transitoire et a tendance à favoriser une gestion à court terme des affaires publiques. Parce que l'opposition peut le renverser à tout moment, il aura tendance à gérer à la petite semaine. La plupart du temps, il reportera à plus tard les décisions difficiles pour se préoccuper d'enjeux à court terme. Des enjeux visibles et populaires qui lui permettront de se positionner pour une élection pouvant survenir à tout moment. C'est comme si on était constamment en campagne électorale. Alors que le vrai défi de notre prochain gouvernement sera de jongler avec des finances publiques fragiles et un inévitable vieillissement de la population, le Québec n'a pas besoin d'un gouvernement cherchant constamment à acheter les votes des électeurs en vue de sa réélection.

Pierre Simard

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques

SYNONYME DE PARALYSIE

L'humeur des électeurs semble passablement changeante par les temps qui courent et je serais surpris qu'une des trois formations politiques susceptibles de prendre le pouvoir se fassent des idées à la suite de ce sondage. Mais espérons que le temps venu, les électeurs iront majoritairement vers un parti ou un autre, car les gouvernements minoritaires sont souvent synonymes de paralysie. Ce que le sondage nous donne comme certitude est que la prochaine élection sera chaudement débattue et que les différents partis devront offrir aux citoyens une vision claire de la façon dont ils entendent gouverner le Québec. La campagne officieuse à laquelle nous assistons depuis quelques mois nous a permis d'avoir un avant-goût mais nous sommes encore loin de programmes bien arrêtés sur lesquels les Québécois pourront se former une opinion définitive. Il faut aussi souhaiter que les Québécois se donnent la peine de se renseigner au sujet des programmes de chaque parti et que l'envie de voter devienne contagieuse!

Denis Boucher

Marc Simard

Collège François-Xavier-Garneau

LA PESTE, LE CHOLÉRA ET LE VIRUS ÉBOLA

Si par bêtise ou par goût du risque, le premier ministre Charest se hasardait à déclencher des élections dans les mois à venir, le Québec se retrouverait avec un gouvernement minoritaire. Non seulement parce que la répartition régionale du vote mène droit vers un blocage, mais aussi parce qu'aucun des trois chefs ni des trois partis ne suscite la ferveur populaire. Le Parti libéral apparaît usé à la corde malgré quelques décisions récentes qui lui ont accordé un certain répit, mais n'ont pas augmenté sa cote (commission Charbonneau, réforme de la CCQ, loi contre l'intimidation). Son chef, Jean Charest, patauge depuis plusieurs mois dans les bas-fonds de l'impopularité et nul devin ne le voit remonter la pente. En fait, son parti ne ferait ni mieux ni pire avec un autre chef, encore que la ministre du Travail, Lise Thériault, une bagarreuse populiste, pourrait réussir à incarner un certain changement. La résurrection de Pauline Marois et la remontée du PQ en ont surpris plus d'un, mais son ascension s'arrêtera là pour plusieurs raisons, dont la haine que lui vouent les souverainistes pressés, sa conversion au radicalisme de gauche, qui lui aliène la classe moyenne, les propositions ridicules de son parti, comme le vote à 16 ans, et son personnage hargneux et vindicatif. Enfin, François Legault et la coalition caquiste n'auront réussi à incarner le changement que tant qu'ils n'avaient pas sauté dans l'arène. Écartelée entre sa droite et sa gauche et prisonnière de la vision managériale de son chef (en santé et en éducation, notamment), la CAQ est vouée à péricliter jusqu'aux scores de l'ADQ qu'elle a avalée.

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'idée fédérale

GOUVERNEMENT MINORITAIRE EN VUE

Le dernier sondage CROP nous apprend  essentiellement deux choses. L'électorat québécois est encore très volatil et la baisse de la CAQ profite davantage au PQ. Normal, la CAQ a jusqu'ici recruté ses appuis surtout chez les électeurs péquistes déçus des querelles internes et du faible leadership de Mme Marois. Les querelles s'étant dissipées, du moins pour le moment, et le leadership de la chef du PQ s'étant raffermi, les brebis rentrent au bercail. Quant à la CAQ de François Legault, elle projette l'image d'une équipe rafistolée au gré de l'arrivée des transfuges, souffre d'un manque de cohérence et de l'absence d'une vision  crédible pour le développement du Québec. Elle en récolte les fruits. Compte tenu du programme du PQ, essentiellement tourné vers la gouvernance souverainiste, plus ce parti remontera, plus on se rapprochera encore une fois d'une élection de type référendaire. L'impopularité du gouvernement Harper au Québec pourrait encourager de nombreux électeurs à considérer un appui au PQ comme l'antidote à des politiques  conservatrices à l'opposé des valeurs québécoises.  Le PLQ doit pour sa part s'inquiéter d'un taux d'insatisfaction toujours élevé et d'un appui trop faible chez les francophones. Toutefois la résilience du premier ministre Charest, la priorité qu'il accorde à l'économie et à l'emploi pourraient réserver des surprises le jour du vrai sondage. Si les choses devaient en rester là, il y a une seule certitude et c'est celle d'hériter d'un gouvernement minoritaire.

Léo Bureau-Blouin

Président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)

À L'ÉCOUTE DE LA POPULATION 

Les derniers sondages qui confirment la stagnation du Parti libéral dans les intentions de vote devraient refroidir les ardeurs électorales de Jean Charest. Cependant, si des élections avaient lieu aujourd'hui, il y aurait fort à parier que ce gouvernement nouvellement formé serait minoritaire. Doit-on s'en inquiéter ? Je ne crois pas. Minoritaire ou non, nous avons besoin d'un gouvernement qui est à l'écoute de la population. L'insatisfaction à l'égard du gouvernement Charest provient principalement de la fermeture de celui-ci à l'égard des demandes des citoyens. On peut penser à la commission d'enquête sur la construction, la hausse des droits de scolarité à l'université, les gaz de schiste ou encore la taxe santé. En somme, peu importe le parti, vivement un gouvernement à l'écoute de la population, vivement un gouvernement qui cesse d'alourdir sans cesse le fardeau de la classe moyenne.

Photothèque Le Soleil, Carl Thériault

Le président de la Fédération étudiante collégiale du Québec, Léo Bureau-Blouin.

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec

PEU IMPORTE LE CHEF

En politique, tout se peut et même son contraire. Pauline Marois, la dame de béton, le prouve de façon éloquente ces jours-ci, ce que je n'aurais pas cru possible, vu la façon dont le Parti québécois a l'habitude de traiter ses chefs. Pour ce qui est de François Legault, tant et aussi longtemps que son parti ressemblera à une courtepointe (amalgame de députés de toutes les couleurs), son avenir ne sera pas facile, car ils sont plusieurs à vouloir contrôler le message. Le chef de la CAQ a intérêt à se trouver des candidats dans toutes les circonscriptions le plus tôt possible et ainsi démontrer qu'il est fin prêt pour des élections. Quant au premier ministre, celui-ci en a vu d'autres et semble avoir encore plusieurs vies à son actif. Il a un net avantage sur ses adversaires, c'est lui qui déclenche les élections et qui, en plus, contrôle le message au départ. Actuellement, Mme Marois remet au-devant de la scène la souveraineté. Je ne suis pas à l'aise avec cette priorité, car nous vivons une période économique difficile. M. Legault est plus cru dans son message et suscite la crainte chez beaucoup de Québécois qui l'associent davantage à M. Harper. Enfin, M. Charest table sur son Plan nord que je crois mal ficelé. S'il y avait des élections demain matin, un gouvernement minoritaire me siérait, peu importe le chef. Après, on verra.

Jean Gouin

Jana Havrankova

Médecin endocrinologue

SONDAGE NON FIABLE

Comment peut-on commenter sérieusement un sondage effectué auprès de 1000 internautes qui se sont recrutés eux-mêmes? Même la maison de sondage nous avertit : « Étant donné le caractère non probabiliste de l'échantillon, le calcul de la marge d'erreur ne s'applique pas ». Un tel échantillon aurait une marge d'erreur de 3% s'il était effectué par téléphone. Comme l'enquête a été réalisée en ligne, on ne peut accepter une telle extrapolation. Bien entendu, selon les tendances politiques de chacun, on se réjouira ou on se désolera des résultats de ce sondage, même s'il manque de fiabilité. La partie est loin d'être terminée : les politiciens le savent. Gouvernement majoritaire ou minoritaire? À défaut d'une représentation proportionnelle, je crois qu'un gouvernement minoritaire serait préférable pour qu'une multitude d'opinions puisse être entendue et prise en compte. Nous n'avons qu'à analyser les faits et les méfaits de nos deux gouvernements majoritaires actuels, fédéral et provincial, pour devenir méfiants des « gouvernements stables » et des « mains sur le volant ». Le futur premier ministre devrait être quelqu'un qui écoutera les autres politiciens qu'ils soient de son parti ou des partis adverses. Toutefois, j'ignore qui est cette personne.

Nestor Turcotte

Retraité de l'enseignement collégial

MAJORITAIRE

Le Québec doit sortir de l'entonnoir de la morosité, du climat de suspicion qui l'étrangle depuis plusieurs années. Pour faire place nette, il devra innover, ouvrir de nouveaux chantiers, paver la voie à de l'inédit. Le modèle québécois doit être secoué, révisé, mis à jour. Il faut donc placer à la tête de l'État québécois un gouvernementmajoritaire, fort, avec un plan élaboré, directionnel, sans équivoque. Chaque parti en lice doit bien se positionner face à l'électorat. Le PLQ semble vouloir présenter un PLAN : un plan pour le Nord, soit, mais il ne doit pas oublier un Plan pour le Sud. Le PQ veut remettre l'indépendance à l'avant-scène. Selon moi, l'indépendance devrait occuper toute la scène avec un plan détaillé sur ce que serait le pays du Québec : autrement dit, il faut qu'il cesse de dire qu'il veut le faire et nous dire comment il va le faire. Après tout, n'est-ce pas sa raison d'être? Pour le moment, sa «gouvernance souverainiste» n'est qu'un jeu de mots. Et je n'en ai que faire ! La CAQ, pour l'instant, est un parti qui se structure autour de quatre priorités. Son congrès de fondation permettra sans doute d'ajouter des éléments qui clarifieront ses orientations de base. Pour le moment, ses positions sont insuffisantes. Québec solidaire ne prend pas son envol. Il reste stable. L'arrivée d'Option nationale pourrait venir mêler les cartes et occuper le terrain que le PQ ne veut pas clairement prendre : la voie de l'indépendance. A suivre. Les programmes seront donc déterminants pour le prochain scrutin. Il est souhaitable qu'ils soient clairs, précis, et bien ciblés. Et dire surtout, où on prendra l'argent pour réaliser les «plans» proposés. Oui, il faut un gouvernementmajoritaire. Fortement majoritaire. Mais pas majoritaire sur n'importe quoi!  Je suis toujours dans l'expectative sur les moyens à prendre. Mais pour opérer un véritable changement, loin des voies cosmétiques habituelles, il faudra un chef qui veut donner un sérieux coup de barre. J'attends le timonier...

Nestor Turcotte

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires

UN GOUVERNEMENT MINORITAIRE DU PLQ

Il y a fort a parier que les résultats  de ce sondage ont fait grenouiller les stratèges du PLQ. Jean Charest qui ne commente jamais ces pourcentages devra, selon moi, repousser le scrutin qu'il avait, semble t-il prévu pour le printemps prochain.  Voilà justement l'un des nombreux problèmes qui pourrait aisément être réglé si nous avions un mode d'élections à date fixe. Les électeurs et contribuables en seraient avantagés car le premier ministre n'aurait plus la marge de manoeuvre nécéssaire afin «d'acheter» des votes avec de belles promesses financées a même notre argent. Cela dit, peu importe la date de scrutin instaurée par M Charest, si les intentions de votes demeurent les mêmes, nous aurons droit à un gouvernement minoritaire. Libéral ou péquiste? S'il n'y a pas d'autres issues possible, ma préférence serai d'avoir un gouvernement minoritaire du PLQ. Ainsi Jean Charest n'aurait d'autres choix que de récolter l'appui des élus de l'opposition officielle, formée par les élus du PQ. Ainsi  les libéraux, fervents du baillon, n'auraient plus la latitude nécessaire pour gouverner à la petite semaine, comme ils le font depuis 2003. Le PQ et Mme Marois pourraient ainsi faire leurs preuves et tenter de devenir le prochain gouvernement du Québec. Hélas, tout cela n'est qu'hypothétique, car en politique les opinions changent à une vitesse grand V et l'électeur méfiant et cynique comme je le suis devenu est incapable de croire en ces hommes et femmes qui nous prennent pour dupes en nous promettant mer et monde afin d'aller chercher un vote. Les mots transparence et imputabilité devraient désormais figurer à l'article un de tout programme électoral. Mais encore faut-il que les partis respectent leurs propres écrits!

Guy Ferland

Professeur de philosophie au collège Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse

CONDUIRE À UNE MAIN SUR LE VOLANT

Un gouvernement minoritaire n'est jamais facile à diriger et est peu propice pour entreprendre de grandes réformes. Mais il est clair que si la tendance se maintient, le parti qui prendra le pouvoir à l'Assemblée nationale sera minoritaire. Dans ce contexte, Pauline Marois devient la chef la mieux placée pour exercer un mandat à la tête du gouvernement. Le programme du parti de François Legault est trop radical pour que ce dernier soit en mesure de faire des concessions aux partis de l'opposition s'il prenait le pouvoir. De son côté, Jean Charest est depuis trop longtemps en poste comme premier ministre et conduit trop fermement la province pour laisser une seule main sur le volant. Pauline Marois, qui a traversé la tempête à plus d'une occasion et qui a su faire des concessions importantes depuis qu'elle dirige le PQ, peut facilement prendre des passagers dans son véhicule et discuter avec eux tout en regardant la route devant elle. De plus, elle démontre depuis quelque temps une fermeté et une ouverture d'esprit qui sont les marques d'un dirigeant capable de négocier avec des adversaires coriaces tout en les respectant. Même si l'image de Mme Marois a du mal à passer auprès de l'électorat, elle devient la candidate idéale pour diriger un gouvernement minoritaire à Québec.