Le Parti québécois est favorable à la tenue d'un référendum sur la souveraineté, ou sur d'autres sujets, qui serait déclenché par une pétition, signée par un certain pourcentage de la population adulte (par exemple 15%), comme suggéré par Bernard Drainville. Que pensez-vous de cette idée de référendums d'initiative populaire adoptée au conseil national du PQ? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.

Robert Asselin

Directeur associé de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales à l'Université d'Ottawa.



FAUSSE PERCEPTION DE DÉMOCRATIE



La résolution adoptée en fin de semaine par le PQ, on l'aura compris, s'inscrit dans un populisme électoraliste d'un parti qui tente désespérément de renverser sa chute latente. Elle donne l'impression de vouloir inclure davantage le citoyen dans la prise de décision, ce qui en soit est salutaire du point de vue des principes, mais, dans sa mise en oeuvre, elle est pernicieuse et intellectuellement fallacieuse. Elle mine le fondement même de notre système politique, la démocratie représentative, et introduit une fausse perception de démocratie directe.  Ce que le PQ semble en effet affirmer par la bande, c'est que les élus ne sont plus en mesure d'exercer les mandats populaires que nous leur confions. C'est une certaine forme d'abdication des responsabilités fondamentales d'un élu : représenter les citoyens, prendre des décisions en leur nom et en être imputable devant eux.  Ainsi, il suffirait que quelques centaines de milliers de Québécois signent un document pour relancer le Québec dans un processus référendaire sur l'indépendance, un geste pourtant grave et solennel, pendant que l'Assemblée nationale serait reléguée au statut de figurant.  Une démocratie ne se gère pas à coup de sautes d'humeur ou d'impulsions du moment. Il y a eu une raison pour laquelle nous avons des institutions démocratiques, et c'est justement pour éviter la souveraineté instantanée.

Robert Asselin

Antonin-Xavier Fournier

Professeur de science politique au cégep de Sherbrooke.



UNE INITIATIVE INTÉRESSANTE

L'idée de pouvoir tenir des référendums d'initiative populaire (RIP) est certainement rafraîchissante dans le contexte politique actuel. Surtout, elle permettra au Québec de sortir le «concept référendaire» de l'éternel contentieux national sur la souveraineté. En effet, au Québec et au Canada, malheureusement, le mot référendum est associé à la crise et à la division. On peut penser ici, bien sûr, aux deux référendums sur la souveraineté de 1980 et 1995, mais aussi au plébiscite de 1942 sur la conscription. Pourtant, dans beaucoup d'autres régimes démocratiques, le référendum est plutôt un moyen privilégié pour consulter la population sur des enjeux de société jugés importants. Par exemple, aux États-Unis, en Suisse ou en France, la population est appelée régulièrement à se prononcer elle-même sur les grandes réformes proposées par les gouvernements. Comment ne pas voir là un remède contre le cynisme ambiant et un moyen de réconcilier les citoyens et les gouvernants? Seule ombre au tableau, le RIP est peu compatible avec notre régime parlementaire d'inspiration britannique dont le fondement repose sur la souveraineté absolue du parlement. Dans ce contexte, il sera difficile de permettre véritablement aux citoyens de contraindre le gouvernement à adopter une loi d'initiative populaire puisque cette dernière pourrait alors être invalidée par les tribunaux.

Louis Bernard

Consultant et ancien haut fonctionnaire au gouvernement du Québec. 



UNE HÂTE INTEMPESTIVE



Tout le mouvement en faveur d'un référendum d'initiative populaire provient d'un groupe d'indépendantistes pressés, qui souhaitent en découdre le plus tôt possible avec les forces du statu quo fédéraliste. Si ce n'était de cette question de la souveraineté nationale, à peu près personne au Québec ne discuterait de ce sujet. Même les tenants d'une démocratie de participation sont d'ailleurs plutôt réticents sur cette question. Et avec raison, car l'expérience vécue aux États-Unis d'une telle procédure montre que, plus souvent qu'autrement, les résultats favorisent surtout les tenants d'une droite conservatrice qui s'oppose à tout progrès social et à toute augmentation de la charge fiscale. Si les indépendantistes espèrent ainsi pouvoir, éventuellement, tirer partie d'une conjoncture particulièrement favorable à l'indépendance, pourquoi les fédéralistes refuseraient-ils de profiter d'une conjoncture qui serait particulièrement favorable au maintient du statu quo constitutionnel pour déclencher un référendum dans le but d'«écraser» toute velléité d'indépendance future? Pourquoi donner aux adversaires un pouvoir d'initiative dont on a, à l'heure actuelle,  l'exercice exclusif? Ce serait la pire gaffe que pourrait faire le mouvement souverainiste. Il n'est donc pas surprenant que Pauline Marois, tout en acceptant du bout des lèvres la proposition faite au Conseil national du PQ, y a mis des réserves qui en limitent fortement la portée. C'est sagesse de sa part.


Philippe Faucher

Professeur au département de science politique et chercheur associé au Centre d'études et recherches internationales de l'Université de Montréal.



JEU DE DUPES



C'est en prétendant à la probité la plus candide que le conseil national du Parti québécois a décidé d'inclure dans son programme un projet autorisant la tenue de référendums d'initiative populaire.  Venant du PQ, toute mention de référendum doit est comprise comme un appel à l'indépendance. Aussitôt, parce que la confiance est au plus bas, les opposants à l'option voient dans la proposition une nouvelle incarnation du célèbre « piège à homards ». Évoquer la possibilité de la tenue de référendums «d'initiative populaire» est un bel exemple du malaise entretenu, qualifié de cynisme, par une partie de la classe politique. En effet, qui oserait s'attaquer un projet visant à un surcroît de démocratie, alors que l'apathie, la désinvolture et le désintérêt sont la norme? Dans les faits, ce genre d'initiative n'a rien de populaire car elle vient d'une minorité. Sous couvert de permettre au peuple de s'exprimer, elle ouvre la porte aux discours démagogiques, aux manipulations populistes, vide de sens les engagements électoraux et mine la légitimité de la représentation partisane. Il est malheureux que le débat nécessaire sur l'amélioration de la qualité de la  vie démocratie soit ainsi détourné à des fins partisanes.

Philippe Faucher

Jana Havrankova

Endocrinologue.



ARME À DEUX TRANCHANTS



Même si le référendum d'initiative populaire pourrait viser de nombreux sujets, il est clair que pour les péquistes, l'enjeu principal concerne la séparation du Québec. Par le passé, le gouvernement péquiste désirait garder le contrôle du calendrier pour déclencher le référendum «au moment opportun» afin de maximiser les chances de le gagner. Avec un soutien à l'indépendance du Québec qui se situe autour de 40% dans la population, il suffirait qu'un événement heurtant les Québécois se produise sur la scène fédérale - et il n'en manque pas!  - pour s'en trouver 15% qui réclameraient le référendum sur l'indépendance. C'est là que le problème se posera. Si les Québécois optent pour la souveraineté dans un moment particulièrement tendu dans les relations fédérales-provinciales, ils risquent de le regretter ensuite. Si l'option souverainiste était rejetée, cette déroute s'ajouterait à la liste des échecs déchirants. Avec ou sans référendum d'initiative populaire, et ce, dès maintenant, les partisans de l'indépendance doivent expliquer à la population les avantages et les inconvénients de cette option, sans conteste légitime, mais dont les tenants et les aboutissants restent flous.

Jana Havrankova

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale.



PARLER D'AUTRE CHOSE À TOUT PRIX!



Qui s'étonnera du fait que le PQ veuille parler d'autre chose que des profondes divisions qui agitent ce parti depuis longtemps ou encore du leadership de son chef? Il y a moins de 10 jours, plusieurs membres de cette formation attaquaient Pauline Marois à coups de marteau-piqueur pour, le lendemain, la qualifier de «dame de béton»! Seul le Parti québécois est capable de telles circonvolutions. Mme Marois est en fait la victime de son propre parti et il faut bien reconnaître qu'elle fait preuve d'une grande résistance. Mais se trouvait-elle en fin de semaine dans une position solide et confortable pour s'opposer aux résolutions concoctées par Bernard Drainville, celui-là même qui prédisait la disparition du PQ il y a quinze jours? La réponse est non. Les résolutions sur des réformes politiques majeures et, malheureusement improvisées, pour lesquelles Mme Marois n'a jamais été très enthousiaste, ont été le prix à payer pour acheter une paix relative dans les rangs de sa formation. Peu importe que les Québécois n'aient aucun appétit pour la création d'une Chambre des régions, pour le vote à 16 ans ou pour des référendums d'initiative populaire, toutes propositions conçues d'abord et avant tout pour soutenir l'option de sortir du Canada, l'important était, pour le moment, de faire oublier les psychodrames internes.

Nestor Turcotte

Retraité de l'enseignement collégial.



CONTRADICTION



Le programme officiel du PQ exige que ce soit le gouvernement péquiste qui déclenche un référendum, au moment jugé opportun, sur l'indépendance du Québec. Il y a donc une contradiction entre la proposition Drainville adoptée au dernier Conseil national en l'absence de Pauline Marois et le programme du parti. Est-ce que ce sont  les citoyens qui vont exiger la tenue d'un référendum sur l'indépendance du Québec ou le gouvernement qui va décider du moment venu de procéder à la consultation populaire? Le PQ promet de changer, une fois au pouvoir, sa propre loi référendaire, votée par le gouvernement Lévesque. Il ne faut donc pas trop s'en faire avec cette proposition Drainville.  Elle risque de ne pas être mise en pratique par le parti qui la propose. Car, cela suppose que le PQ prenne le pouvoir au prochain scrutin, ce qui est loin d'être certain. Le gouvernement actuel pourrait, s'il le veut, changer la loi référendaire actuelle et l'adapter pour la prochaine élection. Par exemple, Jean Charest pourrait modifier la loi référendaire du gouvernement de René Lévesque, devancer ainsi le PQ, et faire du prochain scrutin une élection référendaire. Il pourrait aller décrocher un OUI sur la nécessité de réaliser le Plan Nord, et, en même temps, demander à la population de l'élire, pour réaliser ce plan. Un premier OUI devant nécessairement entraîner un second. Tout comme le «oui» à la nationalisation de l'électricité a propulsé les libéraux au pouvoir en 1962. Cette nouvelle démarche du PQ s'inscrit dans la «gouvernance souverainiste» de Pauline Marois. Les référendums populaires pourraient  habituer les gens à dire des petits «oui» circonstantiels, en attendant de prononcer le grand «oui» sur l'indépendance. Jean-Martin Aussant, qui a quitté le PQ, a le mérite d'être clair sur les futurs gestes à poser en vue de l'indépendance du Québec. On peut être ou ne pas être en désaccord avec sa thèse, mais, celle-ci ne couche pas dans le lit de l'ambiguïté...

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE NESTOR TURCOTTE

Nestor Turcotte.

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.



POURQUOI PAS UNE OPTION DE DESTITUTION?



Il semble que le PQ soit à court d'idées et tente de séduire l'électorat à tout prix. En quoi l'nstauration du droit de vote à 16 ans changera t-il la situation politique du Québec et la perception générale des jeunes envers les politiciens? Les jeunes, comme la plupart d'entre nous, sont désabusés, méfiants et cyniques face à la classe politique. De plus, la majorité n'est-elle pas reconnue par le législateur et atteinte à 18 ans au Québec? La proposition de pouvoir déclencher un référendum avec l'appui de 15% de la population me semble bonne. Pour autant que l'on y inclut une option de destitution du gouvernement en place. Autrement dit, 15% de la population pourrait décider de tenir une consultation populaire sur l'avenir du gouvernement élu qui ne tient pas ses promesses électorales ou qui gouverne de façon à mettre en péril le bien commun. Si 50%+1 votent en faveur de la destitution, le gouvernement sera dissous et des élections seront tenues dans les trois mois suivants. Cette possibilité mettrait fin selon moi au cynisme et à la méfiance que nous entretenons envers nos dirigeants politiques. Les élus se verraient ainsi forcés d'êtres plus conciliants et surtout plus transparents envers leurs commettants sinon nous leur montrerons la porte. Cela dit, le PQ n'est pas au pouvoir pour l'instant et nous n'avons aucun pouvoir décisionnel face aux propositions adoptées par les militants péquistes qui demeurent hypothétiques.

Caroline Moreno

Écrivain et comédienne.



DU GLAÇAGE SANS  GÂTEAU



Un référendum n'est pas un projet de société, ni le seul moyen d'accéder au rang  de pays. Le Parti québécois ne sait plus quoi inventer pour se refaire une  crédibilité électorale qu'il a perdue de façon sans doute irrémédiable en lavant son linge sale en public et en faisant de l'indépendance du Québec un  boulet à traîner. Les députés qui ont tourné le dos au parti après y avoir siégé contribuent à renforcer, chez les électeurs, le sentiment d'avoir été  bernés. La pente sera difficile à remonter surtout avec des épines plein les pieds.

Mélanie Dugré

Avocate.



L'ÉNERGIE DU DÉSESPOIR



Je suis ambivalente et perplexe devant cette proposition qui, d'emblée, semble attrayante. En effet, il s'agirait d'une belle opportunité d'accorder au peuple droit de parole sur les enjeux qui lui tiennent à coeur et un pouvoir décisionnel, ou l'apparence d'un tel pouvoir, sur l'avenir du Québec. Mais une fois le charme initial dissipé, il faut se questionner sur les motivations qui ont incité le Parti québécois à déposer ce projet sur la table. En tête de liste, je ne peux voir que l'ardent désir d'attirer de nouveaux électeurs que cette proposition originale séduira. En ce sens, la suggestion laisse une impression d'énergie du désespoir qui sied bien mal au PQ. La volte-face de Pauline Marois, férocement opposée à cette idée en 2008, est également troublante. Ses explications à ce sujet sont laconiques et peu convaincantes, tout comme les paramètres et les coûts qui seraient associés à une telle mesure. Bref, des détails fondamentaux sont passés sous silence. Je pense que ce dont les Québécois ont besoin, ce n'est pas tant de tenir des référendums d'initiative populaire mais de sentir que ceux à qui ils confient la tâche de diriger le Québec forment un gouvernement solide et confiant qui assume ses responsabilités avec compétence et intégrité.





Mélanie Dugré

François Bonnardel

Député de Shefford à l'Assemblée nationale.



LE PQ DÉCONNECTÉ DE LA RÉALITÉ



L'idée de tenir des référendums d'initiative populaire peut être attirante à première vue, à condition qu'elle serve la démocratie citoyenne et non pas à des visées politiques purement partisanes. Or, Pauline Marois a elle-même laissé entendre cette fin de semaine qu'un référendum d'initiative populaire sous un gouvernement du Parti québécois signifierait un référendum sur la souveraineté du Québec. Il s'agit là d'une volte-face importante pour Mme Marois, car elle passe d'une stratégie de «gouvernance souverainiste» à la tenue de référendums en série comme le réclamait depuis longtemps le SPQ libre. Nous avons également constaté au cours des derniers jours à quel point l'opposition officielle à l'Assemblée nationale est déconnectée des besoins et des préoccupations des citoyens. Le Parti québécois demeure le même vieux parti incapable de se renouveler tant il est obsédé par la question référendaire. Malheureusement pour lui, les priorités des Québécois sont ailleurs. Ils ne veulent plus entendre parler de référendums, mais bien de solutions concrètes pour redresser nos systèmes de santé et d'éducation, de même que notre économie et nos finances publiques. Dorénavant, les choses auront le mérite d'être claires: un gouvernement péquiste plongerait le Québec dans une campagne référendaire perpétuelle. Ce n'est pas la démocratie qui serait mieux servie, mais bien la base radicale du Parti québécois.

photo archives La Voix de l'Est

François Bonnardel