Le Québec a connu en 2010 le meilleur bilan routier en 60 ans, avec «seulement» 487 décès causés par des accidents de voiture. Toutefois, un quart de ces victimes avaient entre 15 et 24 ans. Selon vous, quelles mesures devraient être prises pour diminuer la mortalité routière chez les jeunes? Faudrait-il hausser l'âge donnant droit au permis de conduire? Les jeunes d'aujourd'hui sont-ils plus téméraires que ceux d'autrefois?

LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS. MAXIMUM DE 150 MOTS.

Léo Bureau-Blouin

Président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)

MISER SUR L'EXPÉRIENCE PLUTÔT QUE L'ÂGE

Dans la plupart des accidents de la route, ce n'est pas l'âge du conducteur qui est en cause, mais son expérience. Nous devrions donc renforcer les mesures de sécurité pour les conducteurs ayant peu d'expérience de conduite qu'ils aient 19, 25 ou 30 ans. L'instauration de la tolérance zéro sur une plus longue période pour les conducteurs ayant peu d'expérience serait une avenue intéressante. Nous pourrions ainsi diminuer les accidents de la route non seulement chez les jeunes, mais également dans toutes les tranches d'âge de la population québécoise. Certains proposent parfois de hausser l'âge donnant droit au permis de conduire. Ce n'est pas une solution sensée. Pourquoi pénaliser des milliers de jeunes conducteurs responsables pour quelques exceptions? Il faut responsabiliser les nouveaux conducteurs dès leur jeune âge, plutôt que les réprimer constamment. D'ailleurs, les différentes tournées de sensibilisation et de prévention de la SAAQ ont fait leur effet sur les jeunes du Québec. Malgré qu'un travail constant soit nécessaire, ceux-ci sont de plus en plus responsables face à l'alcool et à la témérité lorsqu'on les compare aux générations précédentes. Nous n'entendons plus d'histoires folles comme celles que nos parents et grands-parents nous racontaient...

Gaétan Frigon

Président exécutif, Publipage

C'ÉTAIT PIRE AUTREFOIS

Les jeunes d'aujourd'hui sont loin d'être aussi téméraires sur les routes que les jeunes de ma génération pouvaient l'être dans mon temps. En fait, dans les années 50 et 60, le nombre de décès sur les routes du Québec dépassait presque toujours les 2000 par année en comparaison à moins de 500 l'an dernier. Il n'y avait alors peu ou pas de lois régissant l'alcool au volant et les vitesses excessives. Quant aux automobiles, il n'y avait pas de ceintures de sécurité ou de sacs gonflables. Jamais dans ma jeunesse je n'ai entendu parler de sécurité routière. Aujourd'hui, il reste peut-être seulement à mieux éduquer les jeunes, car le reste a déjà été fait: sanctions très sévères pour l'alcool au volant et tolérance zéro pour les moins de 21 ans, amendes élevées pour les grands excès de vitesse, pas de cellulaire au volant, etc. Malheureusement, les jeunes entre 15 et 24 ans vont toujours représenter un fort pourcentage du total de victimes. Mais on ne peut tout de même pas les empêcher de conduire pour autant. Et hausser l'âge nécessaire pour avoir un permis de conduire n'y changera rien.

Jean-Claude Hébert

Avocat

18 ANS, MINIMUM!

L'immaturité d'un segment important de jeunes conducteurs oblige notre société et, en son nom, le gouvernement à faire un calcul de proportionnalité entre les risques encourus par les usagers de la voie publique et les avantages conférés aux titulaires d'un permis de conduire. À cet égard, le poids des avantages et des inconvénients pèse lourdement en faveur de la sécurité de la communauté. Puisque l'octroi d'un permis de conduire est un privilège et non un droit, la prudence commande que l'âge minimal soit fixé à 18 ans. Avant l'âge de la majorité, l'utilisation d'un véhicule motorisé relève essentiellement de l'amusement, par opposition à l'usage utilitaire. L'exigence de sécurité collective prime la satisfaction personnelle.

Mélanie Dugré

Avocate

MIROIR, MIROIR, QUI EST LE PLUS TÉMÉRAIRE?

Avec leurs manoeuvres périlleuses, les jeunes cowboys de la route me narguent quotidiennement. Dans le rétroviseur, je regarde mes trois lionceaux sur la banquette arrière et mon coeur de mère redoute le jour où eux et leurs copains auront un volant entre les mains.

Nous avons tous été jeunes, enivrés par la grisante sensation d'être invincibles, animés d'un puissant désir de déjouer le destin. Mais ce petit jeu semble avoir pris d'inattendues proportions où les frontières de la témérité sont constamment repoussées. Existe-t-il des solutions pour ralentir cette spirale infernale et quelles sont-elles? Une fois l'idée de la cage de verre éliminée, je persiste à croire, guidée par mon autorité maternelle, qu'un peu de répression, notamment en imposant des sanctions plus sévères lors d'infractions, refroidirait certaines ardeurs. Mais est-ce que de telles mesures donneraient des résultats probants? Je l'ignore. Toutefois, l'outil le plus puissant pour lutter contre la mortalité routière et le manque de civisme sur la route demeurera toujours l'exemple que nous, parents, offrons à nos enfants. Il est bien tentant de blâmer la violence dans les jeux vidéo et autres bibittes modernes, mais avant tout s'impose un examen de conscience de notre propre comportement de conducteurs.

Pierre-Oliver Pineau

Professeur à HEC-Montréal

TAXER LES VOITURES

Les accidents ne sont qu'une des facettes du problème multidimensionnel que représente le trio auto-pétrole-étalement urbain. Les autres sont la congestion, le smog, les émissions de GES et la réduction de l'activité physique, contribuant à plusieurs maladies chroniques alourdissant la facture du système de santé. En plus, évidemment, il y a les 30 milliards de dépenses personnelles directes en transport que les Québécois assument chaque année, auxquelles s'ajoutent les investissements annuels des gouvernements dans les infrastructures routières (8 milliards en 2009). La diminution de la mortalité routière chez les jeunes doit s'intégrer à un plan global de changement de notre approche à la mobilité. Cela doit passer par une taxation des voitures et de l'essence qui reflète mieux leur coût réel total, une augmentation de l'offre d'alternatives (covoiturage, transports en commun et actif) et par une refonte progressive de l'urbanisme, pour favoriser des villes plus compactes. Dans ce nouvel environnement, la mobilité sera accrue et coûtera moins cher, autant aux individus qu'à la société. Cela permettra aux jeunes de dépenser leur argent ailleurs que dans une voiture, une bonne nouvelle pour quiconque se soucie de son portefeuille, et de sa sécurité.

Francine Laplante

Femme d'affaires

RÉPÉTER, RÉPÉTER!

«Les gouttes d'eau, une à une, finissent par percer les rochers.» Pour bien faire passer un message, il n'y a pas cent mille solutions, il faut répéter, répéter et encore répéter! C'est à nous parents, grands-parents, oncles, tantes, voisins et amis à sensibiliser nos jeunes, à leur rappeler que la vitesse tue, à leur dire chaque fois qu'ils prennent le volant qu'ils doivent être prudents et bien leur faire comprendre que c'est tolérance zéro et si nécessaire d'appliquer les conséquences reliées aux actes, sans avoir peur d'exercer notre autorité parentale. Nous devons prendre notre rôle au sérieux et ne pas avoir peur d'être redondants. Je ne crois pas que le fait de hausser l'âge donnant droit au permis de conduire soit une solution, nous priverions les jeunes qui sont sérieux au détriment des insouciants!

Guy Ferland

Enseignant en philosophie au collège Lionel-Groulx

RAPIDES ET DANGEREUX

Les jeunes conducteurs sont-ils trop téméraires, rapides et dangereux comme dans les films? Plus de 25% des victimes de la route l'an dernier étaient âgés de moins de 25 ans. Pourtant, les jeunes ne conduisent pas plus mal qu'avant lorsqu'on dénombrait un plus grand nombre de victimes. Mais, on sait depuis quelques années que la zone du cerveau responsable d'aptitudes complexes telles que s'organiser, contrôler ses impulsions, prendre conscience des conséquences de chaque acte, se projeter dans l'avenir, etc., continue de se développer jusqu'après 20 ans. Faudrait-il alors retarder l'âge donnant droit au permis de conduire à 21 ans? Les coûts socio-économiques d'une telle mesure sont-ils trop exorbitants pour qu'on puisse seulement l'envisager? Pensons à tous ces jeunes qui doivent prendre l'auto pour aller à l'école et au travail. Sans aller jusqu'à cette extrémité, il faudrait à tout le moins mettre en application les mesures destinées aux jeunes conducteurs comme celle du zéro alcool pour les moins de 21 ans et celle de l'accès graduel à des points d'inaptitude jusqu'à 25 ans. Il y aurait ainsi moins de «tasse-toi mononcle» sur les routes et moins de victimes chez les jeunes.

Jean-Marie De Koninck

Président de la Table québécoise de la sécurité routière

ÉDUQUER ET RESPONSABILISER

D'entrée de jeu, il important de comprendre que le phénomène de la surreprésentation des jeunes dans les accidents de la route n'est pas propre au Québec. En effet, dans la plupart des pays qui tiennent des statistiques sur les accidents de la route, on constate que les jeunes de 16 à 24 ans détiennent environ 10% des permis de conduire alors qu'ils sont impliqués dans environ 25% des accidents avec blessés. Néanmoins, les membres de la Table québécoise de la sécurité routière croient que certaines mesures législatives pourront permettre de diminuer la surreprésentation des jeunes dans les accidents de la route. C'est ainsi que la Table a proposé de limiter dans le temps le nombre de points d'inaptitude auquel le nouveau détenteur d'un permis de conduire aura accès: ainsi, à compter de juin 2011, le jeune conducteur verra sa banque de points d'inaptitude limitée à 4 points au moment où il obtient son permis probatoire, alors que cette banque augmentera graduellement jusqu'à 15 points, cette limite supérieure étant atteinte seulement lorsqu'il sera âgé de 25 ans. Par ailleurs, au-delà des mesures législatives, il est important de faire confiance à l'intelligence des jeunes en allant les rencontrer sur leur terrain. En particulier, comme le milieu scolaire constitue un lieu privilégié pour développer des actions d'information et d'éducation en matière de sécurité routière, il serait important d'y organiser des activités susceptibles de préparer les jeunes pour les nouvelles responsabilités qu'ils devront éventuellement assumer comme conducteurs de véhicules motorisés.

François Bonnardel

Député de Shefford (ADQ)

AUGMENTER LA PRÉSENCE POLICIÈRE

Nous pouvons tous nous réjouir de la constante amélioration du bilan routier ces dernières années, qui démontre une tendance à la baisse très encourageante du nombre de morts sur les routes, malgré la forte augmentation du nombre de véhicules en circulation. Le bon travail de nos policiers et la responsabilisation des citoyens sont des facteurs importants qui expliquent ce progrès. Cependant, nous nous devons de faire un constat responsable de la situation: il n'existe aucune recette miracle pour améliorer le bilan routier. Hausser l'âge du droit au permis de conduire ne ferait que déplacer le problème et causerait bien des ennuis aux jeunes des régions qui n'ont pas accès à des services de transports en commun adaptés à leurs besoins. Bien entendu, ce sont d'abord les jeunes conducteurs qui doivent être sensibilisés aux risques que comportent l'alcool au volant et la vitesse excessive, et des conséquences graves que ces crimes engendrent pour eux comme pour les autres usagers de la route. Il est d'ailleurs reconnu que c'est la crainte de se faire prendre qui contribue le plus à sensibiliser les automobilistes à des comportements routiers sécuritaires. En augmentant la présence policière sur nos routes, en faisant plus de barrages routiers pour prévenir et punir l'alcool au volant, nous contribuerons à responsabiliser nos jeunes conducteurs.

Michel Pigeon

Député de Charlesbourg (PLQ)

MIEUX ENCADRER LES JEUNES

Le bilan routier s'améliore au Québec (et aussi à plusieurs autres endroits dans le monde). Il faut s'en féliciter. Mais les jeunes conducteurs sont proportionnellement plus à risque. Pourquoi? Et que devons-nous faire? On pourrait disserter longtemps sur les causes du phénomène et faire de nombreuses études, mais c'est un fait que, dans toutes les activités humaines, la conscience des risques encourus est généralement plus faible chez les jeunes. La réponse au problème doit comporter deux volets. D'une part, il faut faire plus d'efforts d'éducation pour que les jeunes mesurent mieux les risques liés à certains comportements et surtout comprennent que, sur la route, ils ont entre leurs mains la vie des autres. D'autre part, il faudrait probablement songer à mieux encadrer les jeunes conducteurs. À ce sujet, plusieurs électeurs de ma circonscription de Charlesbourg sont d'avis que les jeunes de moins de 18 ans ne devraient pas avoir accès à la conduite automobile. Même des élèves de sixième année, voyant que les jeunes conducteurs avaient plus d'accidents, m'ont récemment indiqué par écrit que l'âge requis pour obtenir le permis de conduire devrait être rehaussé à 18 ans. Je ne m'opposerais sûrement pas à une telle mesure.

Alain Vadeboncoeur

L'auteur est médecin



BRAVO!



Comme dans plusieurs domaines en prévention ou en médecine, nous réussissons souvent de bons coups. La diminution de la mortalité routière est un exemple qui confirme l'efficacité au moins partielle des mesures prises depuis plusieurs années dans le domaine de la prévention routière. Non seulement y a-t-il au Québec de moins en moins d'accidents, mais ils sont moins mortels qu'avant et leurs conséquences sont aussi moins graves. Alors merci à l'amélioration de la sécurité des véhicules, mais il apparaît que nous avons accompli de grandes choses en traumatologie, autant en prévention qu'en traitement, les données confirmant que la mortalité pour les accidentés les plus graves s'est largement améliorée depuis vingt ans, alors que se mettait graduellement en place le réseau de traumatologie. En parallèle, les politiques de tolérance zéro face à l'usage de l'alcool au volant pour les jeunes, les peines plus sévères pour la conduite en état d'ébriété et les campagnes visant à sensibiliser aux dangers de la conduite imprudente paraissent donc avoir porté fruit. Néanmoins, il reste du chemin à faire : il faut notamment trouver des stratégies plus efficaces pour sensibiliser les adolescents, apparemment un peu imperméables aux images de catastrophes qu'on leur sert. Bien entendu, trop de jeunes meurent encore stupidement sur la route; mais peut-on d'abord se féliciter? Si nous ne vivrons jamais dans un monde parfait, il demeure que l'amélioration constatée est signe que nous sommes sur la bonne voix et que ces actions valent la peine d'être menées, même s'il faut continuer nos efforts. Il vaut la peine de souligner ces réussites de notre système de santé et de tous ceux qui travaillent depuis vingt à l'amélioration des soins et de la prévention routière au Québec. Bien des gens vous doivent la vie.