Ce matin le soleil est au rendez-vous. C'est une journée qui inspire la joie de vivre. J'ouvre la radio et la voix cassée de Franco Nuovo m'annonce le décès de Michel Chartrand. Par la suite Christiane Charette débute son émission avec un hommage émouvant à ce monument qui vient de nous quitter, on entend une peine réelle dans sa voix. Moi, je viens de brailler comme un bébé. La dernière fois que j'ai connu une telle peine à la mort d'un personnage public, c'était il y a plus de 20 ans au décès de René Levesque.

Au départ de M. Levesque c'est le sentiment de perdre un père qui m'avait habité. La mort de Michel Chartrand me touche surtout parce que cet homme représentait l'humain dans toute sa vulnérabilité, sa colère, sa bonté, son mépris de l'injustice, sa fronde, son goût de vivre et ses bravades devant le danger et la mort.

La perte de Michel Chartrand c'est la perte d'un humaniste et dans cette province ou de nos jours la politique n'inspire que dégoût, la mort d'un tel homme nous rappelle qu'il existe encore des humains pour qui la solidarité, le respect et la défense des moins nantis existe encore. Cet homme ne sera pas remplacé, il y aura bien d'autres défenseurs de la veuve et de l'orphelin à se poindre, mais pour ma génération et celle qui me précède il n'y aura jamais qu'un Michel Chartrand.

Il y a déjà une dizaine d'années lors du Salon du Livre tenu à Sherbrooke, J'ai eu le privilège de discuter seul avec lui pendant une trentaine de minutes. C'est à cette occasion que je reçu le plus bel hommage de ma vie. M.Chartrand m'avait alors appelé mon frère.

Monsieur vous me manquerez vraiment. Merci pour tout.

Jean Chenay, Sherbrooke

Je vous salue, Chartrand!


Puisse la nation du Québec donner de nouveau naissance à des hommes de votre race -hommes ou femmes indistinctement, dont, incidemment, l'individu qui nous fait office de premier ministre depuis une éternité de sept ans constitue proprement la plus dramatique, sinon tragique, des antithèses. Reconnaissance à vous, Michel Chartrand, concitoyen compatriote et Fils de la Liberté de notre temps.

Jean-Luc Gouin

La fin du temps des camarades?

Ce matin, dans ce grand entonnoir médiatique, où tourbillonnent à une vitesse folle toutes sortes d'actualités, une nouvelle est tombée: Michel Chartrand est mort. Aussitôt, je fus submergé par l'émotion et le chagrin, comme si j'avais perdu mon propre père. J'ai admiré cet homme-là, justement parce qu'il avait quelque chose de mon père, physiquement j'entends, quelque chose aussi que j'aurais voulu que mon père ait: de la suite dans les idées. Son bagou n'était ni feint ni esbroufé. Il avait de la difficulté à convaincre, non pas à cause du message qu'il portait en lui naturellement et qu'il aimait vociférer sans vergogne à la tête des puissants de notre landerneau québécois, mais parce qu'il était haï en tant que messager d'une cause qui le dépassait et le transcendait, celle de la dignité de la classe ouvrière. Michel Chartrand mort, c'est une certaine idée de la vie en société qui meurt avec lui. C'est un passé qui s'éteint et qui ne reviendra plus. Un passé, où une toute petite part de moi, militant déçu mais non désespéré, s'y était associée. Un passé de révolutionnaire, debout sur tous les fronts de lutte où la classe ouvrière est malmenée, méprisée, exploitée, empoisonnée, emprisonnée, fusillée. Que penserait-il des éloges funèbres de ceux qui, aujourd'hui, l'ensevelissent sous des tonnes de fleurs, après lui avoir lancé tant de pots? En rêve ou en pensée, que son âme aille rejoindre, là où elle se trouve, sa bien-aimée Simonne.

Denis Christian Morin, Lavaltrie

Cher Michel Chartrand,

J'apprends votre mort et, tout comme le 1er novembre 1987 lorsque René Lévesque nous quittait, je me lève devant mon téléviseur pour toute la durée du bulletin de nouvelles, ma façon de rendre hommage à l'homme de force et de grandeur que vous avez incarné avec une intégrité si absolue!

À mes côtés se tiendrait mon père, je le sens, je le sais. Il m'avait dit la fonderie d'acier où il travaillait. Il m'avait dit, sous les bottines de travail, les semelles de bois de trois pouces d'épaisseur. Il m'avait dit surtout, surtout oui, l'obligation pour les ouvriers d'entrer dans les fours, chauds encore de 400 degrés, pour en refaire le briquetage qui assurerait une nouvelle fournée d'acier liquide la plus rapide possible. Il m'avait dit le feu aux semelles de bois, les yeux qu'on croit se fondre dans l'ardeur du brasier, les hommes qui s'évanouissent parfois, les patrons qui insistent, l'humiliation... comme un pain quotidien!

Et puis, un jour, votre parole, votre indignation, vos cris! Un jour, votre voix! Et dans votre voix, ses mots, les mots de ses souffrances! Dans votre voix, ses mots, les mots qui dénoncent l'écrasante oppression que la compagnie lui impose, à lui et à ses amis de travail! Dans votre voix, les mots qui réclament justice, qui réclament respect! Oui, un jour, à travers vous, voilà mon père comme debout! Permettez-moi d'aller un peu plus loin: un jour, à travers vous, voilà mon père debout comme vous! Jamais je ne l'avais vu aussi grand, croyez-moi. Et plus jamais, je ne l'ai vu à genoux, plus jamais! Votre voix s'était faite comme sa force, comme sa fierté!

Alors, voyez-vous, cher Michel Chartrand, aujourd'hui, au bulletin de nouvelles, je ne puis être que debout! Devant les images de vous qui défilent, je sens, je sais que mon père est tout à côté de moi, debout comme moi, debout comme vous lui avez appris à l'être et comme il a essayé de l'être, à sa façon: debout comme un grand homme simple!

Merci, cher Michel Chartrand, merci pour votre si grand attachement au peuple, merci pour le peuple que vous avez tant défendu, tant respecté, tant aimé!

Michel Bourque, Varennes