Avons-nous vraiment, franchement ri en regardant la télé, en cette fin de 2011 ? Nous, pas. C'est peut-être parce qu'on en a beaucoup vu des Infoman, des Bye Bye, depuis le temps. Mais un des moments révélateurs de l'édition de fin d'année de Tout le monde en parle (devenue l'émission d'information par excellence à Radio-Canada) a été la présence de Gilles Duceppe.

À la blague, on lui a demandé de jurer qu'il ne prendrait jamais la place de Pauline Marois à la tête du PQ. Comme quelqu'un demandait d'apporter une bible, on l'a plutôt remplacée par un annuaire de téléphone. Et M. Duceppe n'a pas juré. En répondant aux questions qui lui étaient posées, l'ancien chef bloquiste a refait une profession de foi envers l'indépendance du Québec. Personne dans la foule n'a applaudi. Personne non plus n'a relevé par la suite ou contesté cette profession de foi souverainiste. En fait, celle-ci est tombée totalement à plat. Ce sont ces deux incidents, l'annuaire téléphonique à la place de la Bible et la profession de foi souverainiste tombée dans le vide qui sont éloquents.

Ce qu'ils signalent, c'est que le Québec a tellement changé ces récentes années que beaucoup ne s'y reconnaissent pas. La religion ? Marginalisée. La foi en l'indépendance politique ? Passée de mode, comme l'ont démontré la spectaculaire déroute bloquiste du 2 mai dernier et l'implosion du Parti québécois à partir du projet de loi 204 du maire Labeaume en juin dernier.

Ce Québec changé, qui s'apprête, si on en croit les sondages, à se jeter dans les bras du plus récent messie, François Legault, comme il l'a fait avec Jack Layton en mai dernier, ne sait plus où il s'en va. Ses repères historiques séculaires, la religion et la langue, sont très érodés, et rien ne les remplace.

Collectivement, nous nous en allons à toute vitesse vers une destination inconnue sans savoir de quoi nous aurons l'air à notre arrivée, si arrivée il y a.

Cynisme politique ambiant, repères personnels et collectifs égarés dans la poussière du perpétuel changement, industrie triomphante du rire en boîte et de la consommation à outrance, dans un tel contexte, c'est dur, très dur de rire en ce début de 2012.