Avant d'entreprendre ce grand virage à droite que plusieurs réclament, il faudrait peut-être d'abord s'entendre sur l'état des choses au Québec et cesser de brandir des épouvantails de part et d'autre.

Avant d'entreprendre ce grand virage à droite que plusieurs réclament, il faudrait peut-être d'abord s'entendre sur l'état des choses au Québec et cesser de brandir des épouvantails de part et d'autre.

La privatisation? Le Québec est déjà la province où le privé a la plus grande place en éducation et le recours au privé en santé dépasse la moyenne canadienne, avec plus de 30% des dépenses, ce qui est bien davantage que dans des pays comme la France ou la Suède.

La syndicalisation? S'il est vrai que le taux de syndicalisation du Québec dépasse la moyenne canadienne (36,1% contre 29,6%), on y observe aussi une amélioration marquée du climat de travail par rapport aux décennies passées. Dans la fonction publique, les dernières conventions collectives ont été imposées par décret avec des gels de salaires ou, comme cette année, avec des hausses de salaire symboliques, sans oublier le fait qu'un fonctionnaire sur deux n'est pas remplacé à son départ... Dans le secteur privé, le taux de syndicalisation est à peine de 16%. On est loin des syndicats-qui-contrôlent-tout tant décriés dans certains milieux.

Prenons du recul et observons l'exemple des banques canadiennes. Il y a quelques années, libéralisation et fusion faisaient les manchettes, l'argument étant qu'il fallait leur permettre de compétitionner à l'échelle mondiale. Avec la crise financière, on a vu les banques américaines frôler le gouffre et on parle maintenant d'une plus grande réglementation des banques partout dans le monde, le modèle canadien étant celui à suivre. Virage à gauche, donc. Comment expliquer, en outre, le fait que l'économie québécoise ait particulièrement bien résisté à la crise, perdant beaucoup moins d'emplois et nécessitant un moindre recours au déficit qu'ailleurs? N'est-ce pas en partie en raison de son modèle social, justement? Une société qui ne sait pas reconnaître ses propres forces ne peut aller bien loin.

Depuis 1980, le travailleur moyen s'est enrichi au Canada alors qu'il s'est appauvri aux États-Unis, où la tranche de 1% la plus riche de la population draine maintenant 24% de la richesse du pays, contre 9% en 1977. Un modèle à suivre?

En définitive, ce dont le Québec a besoin, en dehors de ce sempiternel débat gauche-droite, n'est-ce pas d'un gouvernement alliant vision et volonté?