J'ai été mordu deux fois par des chiens, les deux étaient en laisse, et les deux fois la même phrase a précédé la morsure : « Fais-toi-z'en pas, il grogne mais il n'est pas méchant ! »

Le sang des journalistes étant d'une aigreur particulièrement violente, les deux bêtes sont probablement mortes peu de temps après, je n'ai pas pu le vérifier.

Lors d'un jog il y a quelques années, je me suis retrouvé dans la position assez absurde de japper après un chien qui pourchassait mon fils. Le cabot, stupéfait, a déguerpi. Le maître, plutôt que de s'excuser de n'avoir pas attaché son chien, m'a dit de me « calmer » ! J'étais légèrement pompé. D'un autre côté, quiconque se retrouve à côté de son fils au milieu de la voie publique après avoir hurlé longuement en langage chien ne peut pas totalement rejeter ce conseil.

Quoi qu'il en soit, j'ai appris depuis longtemps que pour les propriétaires de chien délinquant, le problème n'est jamais le chien, c'est le mordu, le pourchassé, l'intimidé. « Il a senti que vous aviez peur ! » Ben oui, Chose ! Devant 50 kilos de haine bien tassée qui vous bave sur les pieds, il est toujours conseillé de ne rien ressentir !

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Dans la troublante série de Marie-Claude Malboeuf sur les morsures de pitbull, samedi et dimanche, on apprenait que plus de 20 enfants ont été défigurés par des chiens à Montréal l'été dernier. Pas mordus : défigurés. En un été !

Combien faudra-t-il d'enfants ou d'adultes mutilés, défigurés pour qu'on bannisse les pitbulls ? J'en ai marre d'entendre des défenseurs des chiens nous dire que le problème n'est pas le chien, il est « à l'autre bout de la laisse ».

Pas de farce ? Ben sûr qu'il est à l'autre bout de la laisse ! Et alors ? Raison de plus pour ne pas leur permettre d'en tenir une au bout de laquelle il y a un chien enragé.

Si seulement des gens raisonnables achetaient des kalachnikovs, ça irait beaucoup mieux ! Mais tant qu'on n'aura pas enrayé la crétinerie de la société, mieux vaut ne pas les laisser en vente libre.

Vous me direz, à vue de nez, les crétins sont sans doute surreprésentés parmi les propriétaires de pitbull. C'est possible, mais ça ne change rien. Les données sur la dangerosité de cet animal sont abondantes : il mord plus souvent et quand il mord, il peut vous arracher le visage.

Je me fous de savoir si c'est parce que le maître l'a mal élevé. Ou s'il a été rendu fou de rage parce qu'un passant a eu l'imprudence de marcher en état de frayeur.

Je me fous de savoir que la vaste majorité des pitbulls sont fins, fins, fins, c'est pas mêlant, tu leur mets des grandes oreilles, on jurerait un bébé lapin, tu les peintures en jaune, on dirait un poussin duveteux.

Ces bêtes sont tout simplement un problème de sécurité publique dans les villes. Et même quand elles ne mordent pas, elles stressent les humains - ce qui est un des nombreux plaisirs subtils qui viennent avec la possession d'un pitbull.

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Que le lobby des éleveurs de pitbulls proteste, ça va de soi. Que les propriétaires de ces petits choux adorables s'inquiètent, ça se comprend. Mais le président de l'Ordre des vétérinaires vient nous dire que l'interdiction des pitbulls offre un « faux sentiment de sécurité ». Que si une ville l'interdit, on « déplace le problème ».

Ah oui ? En 2004, quatre personnes ont été atrocement mutilées en Ontario. Ça faisait suite à une série d'attaques au fil des ans. La province a adopté une loi qui bannit les pitbulls et chiens apparentés. Ceux qui en possédaient déjà un ont dû le faire stériliser, doivent le tenir en laisse en tout temps et lui mettre une muselière.

Bien sûr, la loi a été contestée devant les tribunaux comme une atteinte aux droits fondamentaux de propriétaires de chiens. Trop vague, trop imprécise : on parle de races aux caractéristiques « substantiellement similaires »... On a eu droit à un débat d'experts. D'un côté, on disait : la plupart des morsures ne viennent pas de pitbulls, la plupart des pitbulls ne mordent pas, il n'y a pas de « preuve scientifique » que la race soit plus dangereuse, etc.

De l'autre, le gouvernement a mis en preuve des attaques graves et a fait entendre des experts sur le caractère imprévisible de l'animal, citant de nombreux cas américains.

À la fin, la loi a été entièrement validée par la Cour d'appel ontarienne. Ce n'est pas à la Cour de résoudre pour de bon la querelle d'experts. Il suffit que la loi ne soit pas arbitraire, qu'elle soit votée pour contrer une appréhension raisonnable de danger. Les tribunaux américains, d'ailleurs, ont très majoritairement maintenu la validité des interdictions de pitbulls.

Comme par hasard, monsieur le président des vétérinaires, voyez-vous ça, le nombre de morsures a chuté considérablement. Incroyable, non ?

En 2004, avant la loi, 168 morsures de pitbull ont été rapportées à Toronto. En 2013, il y en a eu 13. Bien sûr, la population avait diminué considérablement, ceux qui sont restés sont plus vieux, etc. Mais il se trouve qu'il y a eu 155 blessés de moins huit ans plus tard.

Oui, d'autres chiens mordent. Bien sûr, certains voudront contourner la loi. Eh oui, y a des armes qui se vendent sur le marché noir.

Le fait est que l'interdiction, ça sauve des blessés, ça sauve des vies.

Qu'est-ce qu'on attend ?