Il y a des nouvelles trop incroyablement bonnes pour être digérées d'un seul coup.

Même en s'excitant, je pense qu'on ne réalise pas ce qu'un chantier de train électrique de 5,5 milliards représente pour Montréal. Et pour le Québec.

C'est non seulement le plus immense projet de transport en commun du Canada, c'est un projet comme on n'en rêvait plus depuis les années 60. Et justement, ce n'est pas un rêve. C'est présenté par un homme dont on n'a probablement pas assez vanté les mérites de gestionnaire, Michael Sabia.

Rappelons simplement qu'après la gouverne désastreuse d'Henri-Paul Rousseau, enfirouapé par les vendeurs de papier commercial, la Caisse de dépôt et placement du Québec était dans le rouge de 25 milliards en 2008. Depuis l'arrivée de M. Sabia, la Caisse a fait fructifier ses actifs - nos actifs - de 130 milliards. À 265 milliards, c'est la 14e au monde.

On n'a donc pas affaire à un aventurier. Les critiques ont plu contre le gouvernement Couillard pour la manière dont il a « investi » 1 milliard US dans Bombardier ; on a plutôt applaudi quand la Caisse a mis 1,5 milliard US dans la division Transport.

Bref, ce projet n'est pas seulement innovateur, créateur d'expertise, riche en possibles retombées ; il est crédible.

Réaction de l'opposition : et l'est de Montréal, dans tout ça ?

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C'est le boulot de l'opposition de mettre de la pression sur le gouvernement, évidemment. C'est le rôle des maires de l'Est et des autres de dire : j'en veux un moi aussi, un train électrique !

Mais comme disait le PDG de la Caisse hier : il ne dirige pas l'AMT ou le ministère des Transports. Il s'est fait donner un double mandat par un gouvernement qui ne sait plus où trouver de l'argent... mais qui doit investir massivement dans les infrastructures.

Quels mandats ? Profiter de la construction du pont Champlain pour proposer un financement de SLR ; et trouver une façon de financer un train entre l'aéroport et le centre-ville.

Quand la Caisse a annoncé son intention d'investir dans les infrastructures au Québec, j'avais plutôt l'impression d'un tordage de bras par un gouvernement désespéré de trouver un peu d'argent. « Investir » dans ce qui est essentiellement une dépense, c'est douteux à première vue...

Eh bien, on dirait que c'est possible. Et la manière de rendre ça possible, c'est précisément de remplacer le système de transport régional par train, de le rendre plus attrayant, plus efficace, et d'en tirer des revenus.

Ce n'est pas à Michael Sabia de dire : écoutez, je trouve que les gens de l'est de Montréal et de Laval sont mal desservis, faudrait faire quelque chose pour eux... La nécessité d'améliorer le réseau vers l'Est demeure. Mais ça n'enlève rien au projet.

Ah, bien sûr, ça enlève peut-être des dollars disponibles à court terme. Mais encore là, si je comprends un peu le montage financier, l'argent du gouvernement du Québec n'est pas une subvention, et ne vient pas grever le budget du gouvernement. Il n'y a pas là d'excuse pour stopper tout autre projet utile.

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On dira qu'un moyen de transport aussi efficace encouragera le développement en périphérie. Mais ce développement a déjà lieu. Et le risque, bien réel, c'est que la banlieue poursuive en accéléré son développement, de plus en plus autonome, en tournant complètement le dos à Montréal, justement à cause des problèmes de transport.

La construction du troisième plus vaste réseau de transport électrique du monde permettra de développer une expertise au moment même où les grandes villes, et en particulier les villes nord-américaines, cherchent des solutions propres et intelligentes.

On n'aura pas tout réglé dans le transport à Montréal, c'est entendu. Mais on aura réellement changé de siècle.

Ça fait changement des superbes plans mort-nés, qu'on nous a refilés sur papier glacé depuis 25 ans, mais qui n'étaient que ça : des dessins sur papier. Vu qu'on n'y reliait jamais de plan de financement crédible. Seulement une main désespérée tendue vers les gouvernements...

Pour une fois, on y croit. Espérons que cette fois, on ne va pas tout bloquer pour redessiner jusqu'à ce que tout le monde, partout, et le bon maire Ferrandez et les maires de l'Est aient toutes, toutes, toutes leurs stations... ou que tout le monde soit traité parfaitement également par un autre abandon de projet...

Personnellement, j'embarque dans le train de M. Sabia.