Et si le nouveau nationalisme québécois du NPD était une des causes de son incapacité à conquérir le pouvoir ?

Le Nouveau Parti démocratique a bien changé depuis le rapatriement de la Constitution, en 1982. Longtemps considéré comme centralisateur, très près des positions constitutionnelles libérales, le parti peinait au Québec à recruter en dehors de quelques cercles restreints - progressistes urbains scolarisés, gauche anglo...

Le NPD a été à peu près étranger, sinon mal à l'aise face au courant fondamental qui a animé la politique au Québec depuis 50 ans : le nationalisme.

Jack Layton allait amorcer un virage dans son fameux discours de Sherbrooke. Il reniait la « loi sur la clarté référendaire », adoptée en 2000 par Ottawa dans la panique qui a suivi le référendum presque perdu par le camp fédéraliste en 1995.

La loi, qui prétend codifier le jugement de la Cour suprême sur la sécession du Québec (1998), exige non seulement une question claire approuvée par le Parlement fédéral, mais une « majorité claire », qui n'est pas définie, et qui dépend de critères subjectifs décidés également par Ottawa. La vieille garde du NPD l'appuyait.

Jack Layton a fait changer la position de son parti : une majorité simple de 50 % plus 1 électeur suffirait pour faire la sécession. Ce fut d'ailleurs la règle lors du référendum écossais l'an dernier : une question acceptée par Londres et Édimbourg, mais la règle classique de la majorité.

Mine de rien, avec cette position de principe et d'autres, le NPD se rendait plus acceptable pour les nationalistes et pouvait même réfuter les objections classiques des électeurs souverainistes.

Le flirt a donné le résultat historique que l'on sait en 2011 : le Québec, avec 59 députés, est devenu le coeur de la députation néo-démocrate. C'est essentiellement l'électorat bloquiste qui a déménagé au NPD.

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Lors du premier débat des chefs, en anglais, Justin Trudeau a attaqué Thomas Mulcair sur ce sujet précis. Il est revenu à la charge en français, surtout pour prétendre que le NPD ne parle de cette question qu'au Québec.

Le sujet semblait franchement irrecevable : où s'en va Trudeau avec ce vieux débat, enterré, sur une question qui n'intéresse personne, alors qu'aucun référendum ne se profile à l'horizon ?

Où ? Il s'en allait évidemment vers ses racines, son identité et l'essence de la « marque » Trudeau, comme disent les publicitaires : l'unité nationale.

Non pas qu'il ait invoqué son père directement. Justin Trudeau a fait sa propre campagne - il a même eu des accents autonomistes au débat français. Mais inutile d'invoquer son père : son nom à lui seul est un code puissant, compris de tous.

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Difficile d'accuser Thomas Mulcair de manque de fidélité fédéraliste.

Pas grave. Le message au reste du pays : Mulcair est prêt à tous les flirts pour prendre le pouvoir ; en plus des syndicats, il a une dette envers les souverainistes, avec qui il a pactisé. Va-t-il leur simplifier la vie ? Peut-on lui faire confiance ?

Et puis, Gilles Duceppe, redoutable Bonhomme Sept Heures de l'unité nationale, était de retour du pays des morts politiques... Le niqab ensuite semblait lui donner de l'allant... Le PQ a un nouveau chef flamboyant...

Le reste du Canada pense à peu près la même chose que le Québec sur le niqab - à peine moins intensément. Mais si l'enjeu est perçu comme facteur de division, et même comme facteur de renforcement du nationalisme québécois, ce Trudeau a soudainement une valeur ajoutée. Il est rassurant.

Ironiquement, plus le NPD baissait ailleurs au Canada, plus il perdait d'attrait comme solution de rechange à Stephen Harper au Québec, et plus ça rendait les libéraux attrayants...

La boucle invisible de l'unité nationale, un sujet à peine chuchoté, était fermée.