Son unilinguisme n'a pas empêché Vic Toews d'être ministre de la Justice, mais il pourrait lui coûter quelques milliers de dollars.

«Sorry, I don't speak French» n'est pas une excuse valable pour ne pas payer ses dettes.

La semaine dernière, la Régie du logement a refusé de rétracter un jugement rendu contre l'ancien ministre pour 3900$ de loyer impayé.

M. Toews, député conservateur fédéral de 2000 à 2013 et titulaire de plusieurs ministères importants, a quitté la politique et est retourné dans son Manitoba natal à la fin de l'été 2013.

Seul hic: il avait un bail de 1300$ par mois à Gatineau. Selon lui, c'était un bail mensuel. Selon le locateur, c'était un bail annuel. Après une dispute dont ni l'un ni l'autre ne veut nous parler, M. Toews a finalement envoyé une lettre soulevant des problèmes dans l'immeuble. Il y joignait un chèque de 1300$ (le loyer du mois d'août) avec la mention «paiement final».

Le locateur, Immeubles Desmarais, a encaissé le chèque. Mais pour Raymond Desmarais, ce n'était manifestement pas un «paiement final». Le locateur a donc poursuivi Victor Toews devant la Régie du logement.

Vic Toews ne s'est pas défendu - il n'a pas reçu la signification de la poursuite, dit-il. Si bien que le 11 novembre 2013, le juge Pierre Gagnon l'a condamné à verser les trois mois de loyer suivants, toujours soumis au bail annuel, selon Immeubles Desmarais: 3900$.

Un an plus tard, M. Toews n'avait toujours rien payé. Depuis, son ancien gouvernement l'avait nommé juge à la Cour du banc de la reine du Manitoba - l'équivalent de la Cour supérieure ici.

Le 11 décembre 2014, le juge Toews a reçu une lettre d'une agence de recouvrement. Il avait 48 heures pour payer sa dette, qui s'élevait désormais à 17 490,34$ - en additionnant les mois supplémentaires et les frais.

Le juge Toews n'a pas répondu.

Le 26 janvier, quelle ne fut pas la surprise du magistrat quand on lui a appris que son salaire de juge allait être saisi.

Le juge Toews explique dans un document judiciaire qu'il n'a jamais été mis au courant de la première poursuite, qui a été signifiée à son ancienne adresse. Il croyait l'affaire réglée une fois son chèque encaissé, dit-il. Il n'a pas non plus eu connaissance du jugement, également signifié au mauvais endroit.

Oui, mais l'avis de l'agence de recouvrement? Il ne savait pas qui était Raymond Desmarais et croyait avoir affaire à une erreur ou à une fraude, dit-il.

Mais n'y avait-il pas, avec cet avis, le jugement de la Régie du logement portant son nom?

Oui, mais ce document était en français... Or, monsieur le juge Toews n'est pas bilingue, dit-il. Si bien qu'il a ignoré le document...

Pour se dépêtrer, plutôt que de payer, le juge Toews a fait une nouvelle requête à la Régie du logement. Il a demandé au juge Pierre Gagnon de rétracter son jugement.

Le juge Gagnon reconnaît que la lettre de recouvrement contenait des ambiguïtés et que des documents précédents ont été envoyés au mauvais endroit.

Mais ses excuses pour faire annuler le jugement ne tiennent pas la route.

Le juge Toews, ancien procureur, ancien ministre provincial et fédéral, est un juriste chevronné, note le juge.

À moins d'être allergique aux accents aigus, pas besoin de parler français pour comprendre qu'un document intitulé «DÉCISION» et qui porte votre nom...

Le juge Gagnon a rejeté la requête le 18 mars, parce que tardive. Le juge Toews devra payer sa dette.

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Impossible hier d'obtenir quelque commentaire que ce soit du juge ou de M. Desmarais.

Ce n'est jamais une bonne idée de quitter son logement sans régler la note, mais pour un ministre et futur juge, c'est un peu plus sérieux. À la lecture du dossier, on comprend qu'il n'y a eu aucune entente et que Vic Toews a carrément envoyé promener son locateur en lui balançant un chèque «final».

Plus odieux encore: un juge qui prétexte ne pas parler français pour ignorer un jugement qui porte son nom. Et, sans avoir honte, aller plaider cette version farfelue en cour ensuite... Pas chic.

Régie du logement... Juge... Décision... Gatineau... Y avait quelques indices assez énormes.

Comme il n'y a pas de vaccin contre le manque de jugement, peut-être un ami devrait-il lui dire de faire la bonne chose avant de se ridiculiser davantage.

Un ami bilingue, ça doit se trouver, même au Parti conservateur.