Avez-vous remarqué? Ces jours-ci, à Montréal, plusieurs phrases commencent par «c'est rare que je sois d'accord avec Stephen Harper, mais...».

Mais quoi? Mais il a raison. Un pays n'est pas «islamophobe» parce qu'il dit à ses nouveaux arrivants: le jour très solennel où vous deviendrez citoyens du Canada, vous montrerez votre visage.

Il a aussi raison de dire que le niqab est issu d'une culture «antifemmes». Contrairement à ce que dit Thomas Mulcair, ce n'est pas juger tous les musulmans que de dire ça. Le niqab est un vêtement qui recouvre non seulement tout le corps de la femme, mais son visage au complet. Il abolit son identité publique. Il est issu du fond des âges et promu par la frange combattante de l'islam radical.

Oui, me direz-vous, mais n'avez-vous pas défendu le port de signes religieux pour les employés de la fonction publique? Tout à fait. J'étais et je suis encore radicalement opposé à la «charte des valeurs» de Bernard Drainville. Un foulard sur la tête, une kippa, un turban, c'est un signe religieux que, dans une démocratie constitutionnelle, on devrait pouvoir porter sans entrave étatique - sauf motifs sécuritaires ou fonction judiciaire.

Je vais plus loin: je vois mal comment l'État peut dicter une tenue vestimentaire à un citoyen dans la rue. Aussi choquant que puisse être le niqab à des yeux occidentaux (et à la majorité des musulmans), je ne vois pas comment on pourrait légiférer contre ce vêtement dans la vie civile.

Mais pour témoigner à la cour ou dans une cérémonie de prestation de serment, pour être fonctionnaire, pour demander des services de l'État, on a le droit d'appliquer le «test de l'aéroport». Montrez-vous, s'il vous plaît.

Ce n'est pas un signe religieux comme les autres: il me semble qu'on peut faire ce constat sans être islamophobe. Ou sans se faire comparer à ceux qui faisaient des lois antisémites dans les années 30, comme le suggère Justin Trudeau...

S'inviter dans un pays sans se montrer au jour de l'arrivée... Comment dire?

C'est pas poli.

Quand vous serez canadienne, madame, vous porterez les vêtements que vous voulez. Mais aujourd'hui, vous êtes encore notre invitée, nous exigeons que vous montriez votre visage.

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Ce qui est extraordinaire en ce moment, c'est de lire les commentateurs de Toronto écrire que Stephen Harper prend position contre le niqab... pour séduire l'électorat québécois.

Il n'y a pas de doute que sur cette question, il aura avec lui la très vaste majorité des Québécois. Mais aussi des Canadiens! Pas besoin d'aller très loin du centre-ville de Toronto pour s'en rendre compte...

Le fait-il pour des raisons stratégiques? Peut-être. Mais pas nécessairement. Rappelons-nous les nouvelles versions des dépliants de bienvenue au Canada donnés aux nouveaux arrivants, une fois modifiés par le gouvernement conservateur. Il y avait un accent militariste qui en a défrisé plus d'un. Il y avait aussi l'affirmation très claire et même brutale, aux yeux de beaucoup, d'un certain nombre d'évidences sur les rapports hommes-femmes, les «crimes d'honneur» et les «pratiques barbares». Le refus du niqab lors des cérémonies de prestation de serment s'inscrit dans le droit fil de cette ligne fermement et légitimement tracée.

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C'est en 2011 que le gouvernement a édicté une nouvelle directive interdisant le port du niqab pour le jour où les nouvelles citoyennes canadiennes prêtent serment.

Si l'affaire est revenue dans l'actualité, c'est à cause d'un jugement rendu par la Cour fédérale le 6 février. Le juge Keith Boswell n'a nullement conclu que l'obligation de se découvrir viole la liberté de religion. Il n'y a aucune conclusion d'ordre constitutionnel ou invoquant la Charte des droits. Le juge a simplement dit que la nouvelle directive entre en contradiction avec les règlements qui imposent au juge de citoyenneté de permettre «la plus grande liberté possible» au moment du serment. Ce qui inclut le choix du livre sacré sur lequel prêter serment (ou pas de livre du tout) et la façon de s'habiller. L'identité de la nouvelle citoyenne est évidemment vérifiée avant la prestation de serment.

Une simple directive pour contrer le niqab rédigée en 2011 ne peut pas abolir ce règlement. D'ailleurs, bizarrement, l'avocat du gouvernement a plaidé que la directive sur le niqab n'était pas obligatoire!

Bref, ce jugement n'est pas nécessairement mal fondé: le juge doit trancher selon les textes juridiques qui existent. Au lieu de porter l'affaire en appel, le gouvernement devrait peut-être réécrire le règlement ou carrément la loi.

Il n'en reste pas moins que sur le fond, j'estime que le gouvernement a toute légitimité pour dire: on ne devient pas citoyen de ce pays le visage voilé.

Point.

Pour joindre notre chroniqueur: yboisvert@lapresse.ca