Claude Dubois a été très, très con deux jours de suite, cet été.

Le 20 juillet, bien soûl, avec ses enfants sur la banquette arrière, il a conduit sa voiture. Assez soûl pour que des passants appellent la police devant sa conduite désordonnée. Presque deux fois la limite permise, a dit la police.

Le lendemain, 21 juillet, il est allé à l'émission de télé la plus regardée le matin pour dire essentiellement que ce n'est pas grave, qu'en fait il suffit d'une «goutte d'alcool» pour être considéré comme hors la loi.

«Si tu prends un verre de vin de façon convenable et que quelqu'un est là qui t'aime pas la face et te stoole, tu finis par avoir un dossier.»

Salut, Bonjour! un dimanche d'été n'est pas exactement un endroit pour se faire passer au gril, et l'artiste a réussi à presque passer pour la victime d'un quidam mesquin, d'une loi tatillonne et, bientôt, des médias qui lui tomberaient dessus.

Pauv' Claude Dubois!

Hier, son avocat a annoncé qu'il s'avouerait coupable. Une manière de reconnaître au moins techniquement que sa première connerie est un crime.

S'il voulait faire un truc utile, décent et gratuit, il prendrait la parole publiquement pour réparer la deuxième connerie.

Pour dire: c'est pas vrai, ce que je vous ai dit.

Pas que les personnalités publiques aient une obligation de confession. Mais quand on s'en va mentir aussi grossièrement, quand on s'en va cultiver des faussetés qui chaque année coûtent des vies, là, on a la responsabilité de détricoter tout ça.

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Le bilan routier s'améliore de manière spectaculaire au Québec (339 morts en 2013 contre 2209 en 1973). Le nombre de morts sur les routes dues à un conducteur ayant une alcoolémie de 80 mg par 100 ml de sang (la limite permise) était de 66 en 2012 contre 195 en 1989.

On pourrait être tenté de croire que le problème est en voie de disparition et que le dernier groupe vraiment à risque est celui des ivrognes totalement réfractaires à toute forme de contrôle.

Ce n'est évidemment pas le cas. Il y a encore par milliers des gens à la conscience tranquille comme Claude Dubois, des gens montrables à la télé, qui se disent: je m'en vais tout près, je fais attention, j'suis loooooin d'être chaud.

Et bang ils se tuent. Ils tuent votre soeur. Ils tuent leurs enfants.

Les cons.

Comme ce sont des cons présentables, ils utilisent le ton badin d'un Claude Dubois, ils ne se voient pas avec l'habit du criminel.

Hey! Y a pus moyen de prendre une goutte...

Tout le monde ou presque sait que c'est faux. Mais c'est un mensonge agréable et particulièrement répandu à ce temps-ci de l'année.

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Il y a quelques années, avec la collègue Rima Elkouri, nous avions passé un petit test de conduite sur simulateur avec des policiers de la SQ qui nous faisaient boire progressivement. J'en tire deux enseignements: même avec un taux légalement acceptable, l'acuité diminue, on devient plus dangereux sur la route.

Et puis... j'ai dû caler pas mal d'alcool avant d'atteindre les 80 mg, et pour atteindre 150, je peux vous garantir qu'à mon poids, il faudrait boire plus que «convenablement».

L'histoire de Dubois est scientifiquement indéfendable et socialement foutûment irresponsable.

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Les médias de Québec nous rapportent que le ministère public entend recommander une peine de 90 jours de prison en échange de cet aveu de culpabilité à venir. On tiendra compte de ses condamnations passées et... du fait qu'il avait embarqué ses enfants.

Claude Dubois a bien de la chance s'il s'en tire avec 90 jours de prison. Le Code criminel prévoit qu'une troisième condamnation pour ivresse au volant vaut automatiquement une peine minimale de 120 jours d'emprisonnement.

Selon ce qu'on rapporte, le chanteur a été condamné en 1984 et 1996 avant d'être arrêté le 20 juillet à Québec.

Troisième prise, même sans la moindre circonstance aggravante, sans accident ni rien: vous allez cuver votre vin en prison pendant quatre mois.

Sauf que le Directeur des poursuites criminelles et pénales n'envoie son avis de récidive que si les deux condamnations précédentes sont survenues dans les 10 dernières années. Comme Claude Dubois a espacé ses condamnations sur 30 ans, il évitera la peine automatique le jour où il plaidera coupable.

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S'il voulait faire un truc utile socialement qui ne coûte rien, Claude Dubois ferait un petit acte d'humilité. Après trois condamnations, il devrait aller faire un tour dans un institut de réadaptation, histoire de voir ce qui a pu arriver sur nos routes avec des gens qui avaient bu «de façon convenable».

Il n'a jamais été très bon là-dedans, l'humilité. Mais des fois... Noël... les enfants... la peur de la prison...

On a le droit de rêver...