George St-Pierre a écrit deux lettres étonnantes, la semaine dernière.

La première à un juge, pour soutenir son ami Jimmy Cournoyer. L'homme risque une peine minimale de 20 ans de pénitencier américain pour avoir exporté des tonnes de marijuana du Canada vers les États-Unis. La lettre fait partie du dossier que monte la défense pour éviter une peine plus sévère à Cournoyer.

Même s'ils ne se sont connus qu'en 2009, Cournoyer est pour lui comme un «frère». Tous deux allaient au restaurant, s'entraînaient et «avaient beaucoup de plaisir», écrit St-Pierre au juge. Un homme «positif», qui «apprendra de cette leçon», dit St-Pierre, qui lui a rendu visite deux fois en prison.

Quand cette lettre a été dévoilée dans les médias, St-Pierre en a écrit une seconde, adressée à ses fans. Pour présenter ses excuses.

La lettre en soutien de Cournoyer a été «une erreur», dit St-Pierre. Pourtant, dans cette lettre d'excuses, il dit croire à la rédemption et à la loyauté. Et, comme il le dit, «un bon ami doit fournir son appui dans les bons et les mauvais moments».

Alors, pourquoi donc était-ce une erreur que de rédiger une lettre d'appui? Il me semble au contraire que c'est un acte courageux que de se montrer aux côtés d'un ami, même quand il a mauvaise réputation. Pas pour défendre ses actes - ce que St-Pierre ne fait pas. Simplement pour... l'amitié. Pour dire: je suis là aux mauvais jours aussi, mon ami.

Si c'est une «erreur», c'est une erreur de relations publiques, j'imagine. C'est une chose qui ne doit pas se savoir, c'est ça?

Il me semble que cette deuxième lettre est bien pire que la première. Si Cournoyer est vraiment un ami, évidemment, je veux dire autre chose qu'un copain de party avec un gros budget, qu'y a-t-il à se faire pardonner?

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St-Pierre est devenu une immense vedette internationale, c'est un athlète éminemment présentable. Les commanditaires ne doivent pas aimer le voir se présenter comme l'ami d'un super trafiquant.

N'oublions pas qu'il a fallu un certain temps avant que l'Ultimate Fighting obtienne un vernis de légitimité.

Encore interdit dans certains pays, c'est une sorte de combat où les adversaires sont enfermés dans une cage et où les coups de pied et de genou sont permis. Ils ont des gants plus petits et ça finit régulièrement dans le sang. À son dernier combat, en décembre, St-Pierre a dit qu'il avait le cerveau en Jell-O, tant il avait reçu de coups.

Toutes sortes de gens pas trop recommandables rôdaient autour des «combats ultimes» - comme de la boxe, bien sûr, qui elle aussi a réussi son opération de marketing-respectabilité depuis 20 ans.

Les publicitaires ont trouvé en St-Pierre un porte-parole rêvé pour le UFC. Garçon brillant qui tâte de la philosophie autant que du karaté, le champion fait la promotion de la maîtrise de soi et du sport propre, et il s'est querellé avec son organisation qu'il juge trop permissive en matière de drogues de performance.

Tout ça pour dire que ces combats «extrêmes» ne sont plus officiellement une activité plus ou moins glauque, semi-clandestine, mais un sport de combat qui a sa place comme la boxe dans les amphithéâtres des grandes villes nord-américaines et dans les médias de masse - avec tous les revenus que cela suppose.

Être associé, même de loin, à un négociant de pot en gros, qui transigeait avec différents groupes criminels organisés, ça ne fait pas très chic.

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Ce qui ajoute à l'embarras de St-Pierre, c'est peut-être qu'il s'est trouvé dans une sorte de combat qui déborde l'amitié.

«D'ici à ce que M. Cournoyer sorte de prison, même si la cour impose la sentence minimum, il est très probable que la marijuana sera légale aux États-Unis. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette réalité», écrit l'avocat du trafiquant.

La lutte contre la drogue aux États-Unis a empli les prisons de gens condamnés à des sentences ridiculement longues. La peine minimale pour un homicide est de 15 ans, contre 20 ans pour trafic, fait valoir l'avocat américain de Cournoyer.

Bien vrai, tout ça, et voilà bien le noeud politique de l'affaire. Mais un juge n'ira pas récrire les lois antidrogue américaines, aussi absurdes soient-elles, surtout pas pour un type qui a importé... pour 1 milliard de pot.

La peur d'une égratignure à sa réputation ne devrait rien changer non plus à une amitié sincère, remarquez. Mais les lois du marketing sont aussi implacables que les autres, apparemment...