Une grève étudiante... des milliers de jeunes dans la rue... C'était comme un petit bout de 2012 qui nous revenait hier à Montréal.

C'est si loin tout ça, n'est-ce pas?

Pas une phrase dans les débats sur l'éducation supérieure. Pas grand-chose dans les plateformes électorales.

Ah, pour aimer les universités, ils les aiment! Ils les adoooorent! Nos politiciens les intègrent dans leurs stratégies économiques, ils vantent leur importance dans le développement du Québec, dans nos villes...

Quand vient le temps de discuter de la délicate question du financement, par contre, tout devient subitement plus flou.

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Le programme de la CAQ vante nos universités «de calibre mondial». Il déplore le manque de collaboration entre l'entreprise et l'université et dit qu'il faut rattraper le reste du Canada quant au nombre de diplômes décernés. On nous parle (encore!) d'une «Silicon Valley du Nord».

Mais comment rattraper le reste du Canada quand nos institutions sont de plus en plus pauvres relativement?

Comment faire en sorte que l'on puisse embaucher plus de profs, avoir de meilleurs équipements scientifiques, améliorer la recherche?

Ça prend de l'argent. La CAQ prône des droits de scolarité modulés selon les programmes.

Les libéraux, encore traumatisés par le printemps 2012, se gardent bien de revenir à la charge avec des hausses des droits de scolarité.

Ils proposent d'abord de «rendre plus efficiente» la gestion des universités. Comme si la mauvaise administration recelait des trésors fabuleux qu'il suffisait d'aller chercher avec un peu de rigueur. On sait tous que c'est marginal.

Les libéraux parlent d'augmenter les «revenus autonomes» des universités, comme si elles ne faisaient pas déjà des efforts colossaux de financement privé.

Il est timidement question d'indexer les droits de scolarité - on aura noté la prudence. Et finalement de réduire les droits payés par les étudiants de la francophonie, pour qu'ils paient le tarif canadien... Ce qui veut dire la fin de l'avantage indu accordé aux étudiants français, dont plusieurs vont à McGill au tarif québécois.

On n'ira pas chercher beaucoup d'argent avec tout ça. Et comme le Québec a presque le record canadien de dépenses publiques pour l'université, personne n'ose demander aux Québécois de casquer encore plus.

Devant cette impasse, Philippe Couillard en est rendu à mettre en doute lui aussi le sous-financement des universités. Il n'accepte pas les données des recteurs, a-t-il dit.

Le ministre de l'Éducation supérieure, de la Recherche, de la Science et de la Technologie, Pierre Duchesne, n'y croit guère plus, comme il l'a dit plusieurs fois.

Le PQ veut tout de même augmenter la contribution des étudiants étrangers, qui coûtent 318 millions à l'État québécois.

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C'est un immense mystère: il y a trois ans seulement, les trois partis s'entendaient sur le sous-financement des universités québécoises. Tout ça s'est évaporé!

En entrevue à Deux hommes en or, il y a deux semaines, le ministre Duchesne était invité à répliquer à la publicité publiée par 15 recteurs au début de la campagne électorale.

La pub faisait état d'un écart de 30% dans le financement des étudiants au Québec par rapport à la moyenne canadienne. Les universités québécoises disposent à peu près de 11 000$ par étudiant, contre environ 16 000$ ailleurs au Canada. Un écart dû essentiellement aux droits de scolarité beaucoup plus bas ici. La différence totalise un «manque» de 850 millions pour nos universités. Les étudiants canadiens financent les universités à hauteur de 31%, contre 16% pour ceux du Québec.

Alors, monsieur le ministre, qu'en dites-vous?

Il a commencé par noter que les recteurs touchent un salaire bien plus élevé que la première ministre.

Quel rapport? Le président d'Hydro-Québec aussi. Touchent-ils plus que les autres recteurs au Canada? La réponse est non. Le but est uniquement de discréditer les recteurs, comme s'il s'agissait de profiteurs qui se plaignent pour rien. Les chiffres sont pourtant implacables.

Le ministre Duchesne a ensuite vanté l'augmentation des bourses pour les étudiants.

Euh... Quel lien? La question, c'est: va-t-on laisser l'université québécoise devenir de plus en plus médiocre?

Ou, pour le dire avec une touche identitaire, vu que c'est de saison: trouve-t-on vraiment que la science en français ne vaut pas la peine d'être financée aussi bien que celle qui se fabrique ailleurs en Amérique du Nord?

C'est ce qu'on est en train de préparer pour le Québec de demain.