La porte de l'aréna s'est ouverte et les hurlements de la foule nous ont submergés.

Viktor An a donné à la Russie sa première victoire en patin de vitesse courte piste.

La Russie, en échange, lui avait donné une nouvelle nationalité et beaucoup, beaucoup de roubles.

M. Ahn Hyun-Soo a en effet changé de nom et de pays. L'ex-triple médaillé de Turin (deux en or, une en bronze), fâché de n'être pas sélectionné par la Corée du Sud pour Vancouver, s'est fait offrir la Russie par Vladimir Poutine. Ça vaut de l'or, ça. La Corée ne lui en veut pas d'ailleurs : il a été le plus applaudi à la dernière Coupe du monde, à Séoul.

***

La porte s'est refermée.

Nous étions avec les patineurs de l'équipe canadienne dans la zone mixte et ce n'était pas la joie.

Déjà, jeudi, ils avaient dû se livrer à une petite séance de thérapie collective pour exorciser le désastre qu'ils venaient de vivre (le relais raté à cause d'une chute de François Hamelin, la déconvenue de St-Gelais...).

Chaque membre de l'équipe avait écrit sur un bout de papier une chose qui l'énervait dans l'équipe. Il paraît que ça n'a pas été trop difficile à trouver, mais tout ça est secret.

Ils ont pris les papiers pour s'en débarrasser. Quelqu'un a eu l'idée de les mettre dans la bouteille de vin que les entraîneurs avaient bue.

Ils ont appelé cette cuvée amère «Château La Marde» et ils ont jeté la bouteille à la mer Noire.

Un Turc, un jour, de l'autre bord de la mer, recevra de sales messages de Russie...

Ouais, ben, ça va prendre une autre bouteille, les amis.

Au 1500 m femmes et au 1000 m hommes, aucun des six patineurs canadiens n'a atteint la finale.

Après la déconvenue de jeudi, ils croyaient aux chances de Charles Hamelin, à tout le moins. Il est tombé. Charle Cournoyer et Olivier Jean n'ont pas franchi les quarts de finale. Jean était trop furieux pour parler aux journalistes. Il a passé de longues minutes à dépomper dans le corridor.

«C'est une grosse déception, a dit Hamelin. C'est la distance que je voulais réussir, celle que j'aime le plus...» Sa lame s'est accrochée après deux tours... il s'est immédiatement retrouvé dans le matelas avec l'Américain qui le suivait.

«C'est un sport qui peut être traître, c'est des montagnes russes...»

Méchant Caucase émotif, en effet.

***

Les filles étaient moins déçues. Marianne St-Gelais est arrivée avec son inaltérable sourire qui ferait fondre Rosa Khutor au complet s'il ne faisait pas déjà 12 degrés.

Pas de drame ici : elle ne s'attendait même pas à se qualifier pour la distance. «C'est un bonus.»

Marie-Ève Drolet est déjà deux fois bénie d'être à Sotchi : ce sont ses deuxièmes Jeux... après ceux de Salt Lake City en 2002 ! Elle a eu le temps de faire un bac en psycho et d'autres études avant de revenir au patin, après six ans d'absence.

En pleines qualifications olympiques, en août 2013, fracture du bassin. «Une fracture longue de même, il a fallu que je réapprenne à marcher l'automne dernier...» Elle était sereine et elle va en consoler quelques-uns, la doyenne...

Valérie Maltais a remporté facilement la finale B, ce qui lui donne le 6e rang ; mince consolation, mais bel encouragement en vue du relais féminin. «J'ai appelé mon chum dans les estrades quand je ne me suis pas qualifiée, j'étais tellement déçue ; il m'a dit de montrer que j'avais de la vitesse... Je l'ai fait.»

Il reste encore quelques chances de médailles dans cette discipline où le Canada a peut-être un peu trop cru «détenir» le podium.

Ce temps-là est révolu. Les victoires sont plus incertaines que jamais. On en voit même, au clair de lune au bout du quai d'Adler, jeter des bouteilles à la mer...