En enquêtant sur le crime organisé, la GRC a filmé un des plus importants constructeurs au Québec à table avec le parrain de la mafia sicilienne, Nick Rizzuto.

Frank Catania, dont l'entreprise a fait l'objet de perquisitions la semaine dernière, était devant feu Rizzuto pendant que ce dernier plaçait des liasses de billets de banque dans ses chaussettes, dans les années 2000.

De l'argent qui ne provenait pas d'un placement à la Banque Nationale, comme vous vous en doutez, mais plutôt d'activités illégales.

Des gens proches de la mafia se sont également cotisés pour offrir un cadeau de retraite à M. Catania.

Tout cela n'est pas criminel. Mais ça montre certains liens d'amitié qui unissent le constructeur à des gens peu recommandables.

Tout cela, mais bien plus, ressort de la vaste enquête Colisée, menée par la GRC entre 2002 et 2006. Et tout cela intéresse grandement la commission Charbonneau.

Plus de 1,5 million de conversations ont été enregistrées, 1500 vidéos filmées, des photos prises, etc.

Une partie de ce matériel est fort pertinent pour la commission. Mais la GRC refuse de le communiquer, invoquant différents arguments juridiques: crainte pour les informateurs, interdiction d'une commission provinciale d'enquêter sur un organisme fédéral, demandes imprécises et trop vastes, etc.

Vendredi, la juge Guylène Beaugé de la Cour supérieure les a tous rejetés en 14 petites pages bien tassées.

Pourquoi par exemple a-t-on pu communiquer 8000 conversations aux avocats de la défense dans ces procès anti-mafia et... rien à la commission cinq ans plus tard?

Il n'est nullement question ici d'enquêter «sur la GRC»; uniquement d'obtenir des informations sur le milieu criminel et ses liens avec celui de la construction.

Les avocats du gouvernement fédéral allaient jusqu'à dire que la GRC se rendrait coupable d'un crime si elle divulguait des conversations enregistrées. C'est en effet interdit pour vous et moi. Mais il existe une très claire exemption dans le Code criminel pour permettre la collaboration avec la justice.

Il n'y a en somme aucune raison valable pour que la GRC refuse aussi catégoriquement de collaborer avec la commission, qui l'a contactée... au mois de novembre.

Quand on apprend en plus, selon mon collègue André Noël, que la police fédérale détiendrait des photos d'un important entrepreneur en compagnie de Vito Rizzuto, et qu'elle refuse de transmettre ces photos, on est un peu intrigué.

La police fédérale a ici une «obligation civique fondamentale» de collaborer, comme dit la juge Beaugé.

Les arguments légalistes ressemblent à des prétextes pour ne pas collaborer à cette enquête qui a une importance historique pour la démocratie québécoise.

La GRC craint-elle qu'on découvre des ratés dans certaines enquêtes?

Selon ce qu'on a dit ou laissé entendre après l'assassinat d'un mafieux l'automne dernier, d'autres vastes enquêtes sont en cours. Mais il s'agit pourtant uniquement de renseignements au sujet d'une enquête terminée en... 2006! Cela pour trouver des pistes, des témoins.

L'intérêt public commande qu'il n'y ait pas d'appel dans ce dossier, tant l'enjeu est important, et tant les arguments juridiques de la GRC sont faibles. Ça commencerait autrement à sentir carrément la mauvaise foi.

C'est le temps de se mettre à table et de collaborer de manière intelligente. Il est déjà très tard.

Précision sur les droits de scolarité - Études en médecine

Des étudiants et des parents d'étudiants en médecine me font remarquer qu'il en coûte plus de 2200$ par trimestre pour étudier en médecine au Québec, contrairement à ce que j'écrivais dans notre édition de samedi. De fait, pour chaque crédit, le coût des études universitaires est le même, qu'on étudie en philo ou en médecine. Mais il se trouve qu'on fait plus de crédits en médecine, d'où un coût total plus élevé, malgré une «parité» de principe. J'espère qu'il ne s'en trouve pas pour se plaindre? Un coup d'oeil à la situation ontarienne risque fort d'apaiser le sentiment d'injustice de quelques étudiants... (Il y coûte souvent 20 000$ par année pour étudier en médecine, et les droits sont modulés selon les facultés, comme d'ailleurs partout au Canada, sauf au Québec). Favorise-t-on l'accès à la médecine aux plus démunis au Québec? Pas du tout. La très, très grande majorité des étudiants en médecine proviennent des couches les plus aisées de la société québécoise, généreusement subventionnés par la classe moyenne - mais ne le dites surtout pas.

Pour joindre notre chroniqueur : yves.boisvert@lapresse.ca