On ne peut pas dire que ce fut une journée particulièrement luminescente.

Un expert en datation d'encre vient nous dire qu'il n'est pas capable de dater l'écriture sur un document. Bon. Problème de luminescence, mesdames et messieurs.

Car, voyez-vous, il en est des encres comme des êtres humains. Ils ne brillent pas tous dans la nuit. Or, avec de l'encre qui ne «luminesce» pas, pas moyen de trouver la date.

Les encres utilisées par Marc Bellemare sur son carton de notes de 2004 ne luminescent pas.

Merci pour l'éclairage, Commission. C'est tout?

Non! On apprend en même temps que les notes n'ont pas toutes été écrites avec le même stylo. Le témoin Bellemare nous l'avait dit lui-même: certaines l'ont été entre deux périodes d'un match de hockey, le soir de sa démission. Les autres dans la même semaine d'avril 2004.

Donc, tout cela ne contredit nullement le témoignage de Marc Bellemare. On aura remarqué que ces notes ont une apparence un peu étrange, mais je ne voudrais pas remettre les miennes à une commission d'enquête. On observe également que seuls les fragments qui concernent les allégations rendues publiques cette année par Marc Bellemare sont d'une encre différente. On en fera sûrement un argument pour tenter d'affaiblir sa théorie.

Mais l'exercice a donné l'impression que la Commission voulait chercher des poux avec une preuve inutile et non concluante.

En fait, tous les avocats, y compris celui de Marc Bellemare, avaient convenu que le document serait expertisé et que l'expert viendrait témoigner quel que soit le résultat. Comme cet expert est pris ailleurs le reste du temps, on a interrompu la séquence des témoignages pour le recevoir. Mais à l'annonce de l'arrivée inopinée de l'expert, suivie du re-témoignage de Marc Bellemare, tout le monde en a conclu - un peu vite - qu'il devait y avoir quelque chose d'énorme.

Ajoutons à cela que le porte-parole de la Commission a déclaré que le re-témoignage de Marc Bellemare (ce matin) devra servir à concilier sa version avec ce que dirait l'expert. Or, il n'y a rien à concilier. Hier, le procureur en chef, Giuseppe Battista, a dû dire que l'expression était inappropriée et que Me Bellemare revient par pure mesure de justice, vu qu'il a été question de ses notes.

Oups...

On dira que ce sont les médias qui ont gonflé le ballon de cette histoire d'expertise en écriture en concluant que ce devait nécessairement être terriblement dommageable pour Marc Bellemare. Une fois le ballon dégonflé, les mêmes médias, qui remplissent les ondes heure après heure quelle que soit la luminescence du moment, se sont naturellement mis à blâmer la Commission. Quoi? Tout ça pour ça?!

Sauf qu'une commission d'enquête est un machin qui existe dans l'espace public et qui doit en tenir compte. Autrement dit, pour être crédible, elle doit tenir compte de l'impression qu'elle laisse dans le public. Elle doit gérer les réactions médiatiques avec habileté.

Or, à ce chapitre, la Commission ne brille pas particulièrement. Bien des gens ont l'impression que c'est le procès de Marc Bellemare. C'est un peu inévitable, vu qu'il est l'homme par qui les allégations sont arrivées. À cause du choix du mandat par le gouvernement. À cause des forces en présence. Et à cause de l'hostilité publique qu'il a manifestée envers toute la Commission et ses membres.

Hier, l'avocate du gouvernement, Suzanne Côté, a tenté de différentes manières de faire parler le témoin-expert du contenu du document. Moi, je regarde l'encre, je suis chimiste, je ne le lis pas, le document, a répété en vain l'expert, pauvre caillou duquel elle voulait obtenir de l'eau.

Ça n'a fait que renforcer cette impression d'acharnement. Comme toutes ces objections aux questions de l'avocat de Marc Bellemare, lors du contre-interrogatoire de son ancien attaché de presse, lundi. Contre-interrogatoire très robuste, certes, mais qu'il convenait de laisser passer.

L'avocat Pierre Bourque, qui représente le Barreau et qui peut jouer le rôle du sage après 57 ans de carrière, a passé avec des formules plus fleuries ce message à Me Côté, qui représente le gouvernement: arrêtez donc de vous lever à chaque question. Et vous, monsieur le commissaire, donnez donc de la latitude à l'avocat de Marc Bellemare. C'est la vérité qu'on recherche, n'est-ce pas, la luminescence, non? Il ne suffit pas qu'on l'écrive dans un rapport à la fin de l'automne. Il faut que tout le monde comprenne qu'on la recherche ardemment.

Pas sûr que le message a bien passé.

yves.boisvert @lapresse.ca