Quand Arturo Gatti a été trouvé mort, cet été, le scénario était écrit d'avance. Un champion de boxe adulé étouffé par une courroie de sac à main. Une jeune et belle épouse aux allures de garce violente et arriviste. Et un héritage de millions de dollars à la clé.

Un meurtre déguisé en suicide : même la police brésilienne l'a cru pour commencer. Puis, deux semaines plus tard, la femme est relâchée: l'autopsie semble confirmer sa version. Gatti s'est probablement suicidé.

À Montréal, on est scandalisé. Oui, il prenait mal la retraite; oui, il a été un gros buveur. Mais dépressif? Alcoolique? Suicidaire? Impossible.

Et puis, bien sûr, les préjugés classiques sur la justice du Brésil: est-elle vraiment fiable? Qui nous dit qu'elle n'a pas été corrompue? Et ce testament, remanié en faveur de la veuve à la onzième heure...

Tout cela ne sentait-il pas le cover up?

Eh bien! Si on se fie aux résultats de l'autopsie dont André Noël a fait état samedi, rien ne permet de contredire la conclusion de la justice brésilienne.

Il reste à vérifier si les médicaments qui provoquent la somnolence que prenait Gatti (la liste est longue) se trouvaient en quantité suspecte dans son corps. Il n'est pas impossible qu'il ait été drogué et ensuite pendu pendant son sommeil.

Bien des choses sont «possibles» dans la vie, mais on n'accuse pas quelqu'un parce qu'il est peut-être le meurtrier. L'analyse de la scène fait plutôt penser à un suicide. Les proches refusent d'y croire mais, bien souvent, les proches sont les plus étonnés quand un suicide survient.

On comprend la famille d'avoir des doutes. Elle a embauché le médecin légiste le plus célèbre aux États-Unis, le Dr Michael Baden, qui anime une émission à HBO. Apparemment, la famille a communiqué directement avec le salon funéraire pour que Baden fasse son autopsie en privé. Le directeur du salon a plutôt appelé le bureau du coroner, et l'autopsie a eu lieu au Laboratoire de science judiciaire, en présence de Baden - qui n'a même pas le droit d'exercer au Québec.

Qu'importe, en sortant de la salle d'autopsie, Baden, qui n'était que spectateur, a déclaré aux journalistes que des faits nouveaux avaient été découverts, notamment que Gatti avait des blessures qui n'avaient pas été notées au Brésil. Il semble plutôt que ces ecchymoses soient banales et puissent s'expliquer par la querelle qui avait opposé Gatti à sa femme la veille de sa mort.

Dans nos médias, on a décrit Amanda Rodrigues comme une femme violente, et personne dans le milieu de la boxe ne semble douter qu'elle soit une meurtrière.

On a vite glissé sur le fait que le mort, aussi populaire fût-il, n'était pas commode lui non plus. Dans cette relation explosive, apparemment, elle n'était pas la seule à perdre les pédales.

Il devient douteux, sauf nouvelle preuve, que des accusations de meurtre soient portées. Maintenant s'engage une bataille pour l'héritage, et avec ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, ça ne sera pas joli, joli.

Bûcher des vanités

Il y a un rapprochement à faire avec l'affaire dont Toronto parle depuis trois semaines : l'ancien procureur général de l'Ontario, Michael Bryant, qui est accusé de négligence criminelle ayant causé la mort et de conduite dangereuse ayant causé la mort du courrier cycliste Darcy Allan Sheppard.

Encore là, l'histoire est écrite d'avance, c'était un Bûcher des vanités torontois: l'ex-politicien diplômé de Harvard heurte mortellement avec sa décapotable un pauvre courrier cycliste et prend la fuite. Il y a une femme dans la voiture...

Contrairement à l'antihéros du roman de Tom Wolfe, Bryant n'était pas avec sa maîtresse, mais avec sa femme. Ils venaient de célébrer leur 12e anniversaire de mariage en mangeant des sandwiches libanais. Il n'était pas saoul. Et ils ont appelé le 911 immédiatement.

Le lendemain du drame, une immense manifestation de solidarité cycliste a eu lieu au centre-ville de Toronto. Sheppard, à moitié autochtone, a été présenté comme la victime de l'arrogance des automobilistes, mais en fait de l'argent et du pouvoir.

On apprend ensuite que Sheppard était complètement ivre ce soir-là. La police était allée le cueillir peu de temps avant sa rencontre fatale avec Bryant, quand son ex s'était plainte de lui au 911. Il avait été relâché aussitôt. Il s'était aussi bagarré avec un clochard le soir même. Il avait quelques incidents violents à son passif et était recherché en Alberta depuis six ans pour répondre à 61 accusations de fraude.

Il semble que Bryant ait heurté Sheppard une première fois avec sa voiture, mais sans le blesser. Après coup, Sheppard aurait poursuivi la décapotable. Les images de surveillance vidéo (Toronto est une des villes les plus surveillées par vidéo au monde) le montrent accroché à la portière, côté conducteur. A-t-il une main sur le volant? À ce moment-là, la voiture de Bryant roule à contresens dans la rue Bloor, une des grandes rues du centre-ville. On imagine la panique générale. On voit ensuite que le cycliste heurte une boîte postale. Il meurt quelques minutes plus tard à l'hôpital.

Bref, ça fait un moins bon scénario que la déchéance méritée d'un maître du monde, mais ça pourrait bien se terminer en cas de légitime défense.

Mes excuses

Dans ma chronique de samedi, j'ai cité l'affaire Brashear: l'agresseur était Marty McSorley, Brashear la victime. Par ailleurs, le procès de Vincent Lacroix est présidé par le juge Richard Wagner, non pas Claude, comme je l'ai écrit.