Comme le temps passe vite. Vous vous souvenez? Fin avril, l'an dernier, dernier match de la série Canadien-Bruins? L'émeute, les voitures incendiées?

Si je me souviens bien, les médias et un peu tout le monde étaient prêts à descendre dans la rue pour faire une manifestation contre la moumounerie policière.

 

Gang de peureux, mauvais ordres, police toujours sur la retenue...

Puis, la manif qui a suivi la mort de Fredy Villanueva, à Montréal-Nord. On a encore reproché aux policiers de trop laisser faire.

Eh bien, ils nous ont écoutés, on dirait... Dimanche, ils n'ont pas attendu, ils ont déclaré l'attroupement illégal et hop, on embarque tout le monde.

Évidemment, dans ces manoeuvres, par définition, on fait des erreurs. Ainsi, ce monsieur dont parlait Rima Elkouri hier: débarqué près de la Place des Arts qui s'est retrouvé dans la foule sans du tout comprendre de quoi il s'agissait. On l'arrête sans ménagement, on lui passe des menottes et on le garde en prison jusqu'à 23h30. En partant, on l'apostrophe en le tutoyant.

Pour des gens qui veulent donner des contraventions pour impolitesse et qui veulent bannir les masques, ça fait dur.

Pourquoi la police a tellement de difficulté à simplement présenter ses excuses? Ça lui ferait trop mal de simplement reconnaître que dimanche, des gens ont été arrêtés qui n'auraient pas dû l'être.

Quand on prive de sa liberté une personne, c'est sérieux, et la moindre des civilités est de le reconnaître et de présenter ses moins plates excuses. Idem pour nos élus. Ils attendent toutes les informations avant de présenter leurs excuses.

Le maire s'empresse d'ajouter que «des correctifs seront apportés» aux méthodes policières d'intervention «tant en amont qu'en aval». N'attendez pas trop de l'hydrométrie policière du maire Tremblay.

Tant mieux si on raffine jusqu'à son dernier degré de subtilité l'intervention policière lors d'émeutes. Mais il n'y aura jamais de paradis du contrôle des foules délinquantes.

Les policiers, devant 500 ou 2000 personnes qui jettent des projectiles et qui commencent à faire de la casse, sont condamnés à se tromper.

La plupart des gens présents ne font rien de mal. Mais il n'est pas question de faire des interrogatoires avec chaque badaud pour trier en séparant les méchants manifestants, les bons et les égarés.

Il s'agit de choisir la zone d'erreur. On peut délibérément laisser les émeutiers faire de la casse plutôt que de les affronter physiquement immédiatement: c'est ce qu'avait fait la police après l'émeute qui avait suivi l'annulation d'un concert punk, au Medley, il y a trois ans. C'est aussi ce qu'a fait la police après le match de hockey. La charge a tardé et c'est après, notamment avec des photos sur l'internet, qu'on a pu faire arrêter plusieurs dizaines de personnes.

Cette tactique a l'avantage d'éviter les blessures, tant aux policiers qu'aux émeutiers. Elle a le désavantage de laisser faire des dommages et de donner l'impression que la police permet l'émeute, ce qui risque l'escalade. Mais selon les effectifs et les circonstances, ce peut être la moins mauvaise option.

L'autre façon de faire est celle de dimanche. Les policiers savaient qu'il y aurait de la casse: c'est une tradition de cette manif depuis le début. Qu'ils l'aient annoncé à l'avance n'est nullement une «provocation». On peut annoncer dès ce matin qu'il y aura de la casse l'année prochaine à pareille date. Mais cette annonce indique que les policiers, prévenus, n'avaient pas l'intention de laisser faire. Ils ont donc mis fin à la fête très rapidement.

Que ceux qui les trouvent brutaux se rappellent leur position l'an dernier quand le centre-ville flambait.

Ils avaient raison d'utiliser la force rapidement, ça me semble évident. Ah, je sais, moi non plus je ne veux pas être forcé de choisir entre une police brute et une police moumoune.

Mais si vous avez déjà vu évoluer une manif vers un «attroupement illégal» et vers une émeute, vous savez que la répression ne sera pas tout en délicatesse. Utiliser la force dans un tel contexte, cela veut dire arrêter des gens indistinctement, du simple fait qu'ils sont présents. L'autre option est de laisser courir l'émeute. Ça n'aurait pas été une bonne idée.

Mais si on ne demande pas aux policiers antiémeutes de se déguiser en travailleurs sociaux, on doit exiger ce minimum: respecter la dignité des citoyens qu'ils arrêtent. Au lieu de dire: t'as pas l'air d'un manifestant! Essayez quelque chose comme: on est désolé, monsieur.

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