En 2012, le Parti québécois avait mis en ligne une vidéo réalisée par un militant dans laquelle on voyait des péquistes scander : « PQ majoritaire, pas l'temps de niaiser », parodie d'une vidéo virale montrant un jeune homme dans un bar qui enfilait prestement tequila et Heineken sur la piste de danse en scandant ce drôle de slogan.

En 2016, comme en 2015, Martine Ouellet aurait pu faire sien ce slogan dans sa course à la direction du PQ pour expliquer sa stratégie référendaire. Pas l'temps de niaiser, à go, on part : si elle est élue chef du Parti québécois le 7 octobre, elle fera campagne, à l'automne 2018, en promettant un référendum sur la souveraineté du Québec dans son premier mandat.

Cette position ne fait pas l'unanimité au PQ, mais elle a l'avantage d'être claire. Martine Ouellet, c'est la candidate de la clarté référendaire dans cette course à la succession de Pierre Karl Péladeau. Elle l'était déjà dans la course de 2015, mais elle est encore plus déterminée cette fois-ci. Et toujours aussi critique envers son parti et ses adversaires.

« Tant que le Parti québécois va maintenir l'ambiguïté, il va répéter la défaite de 2014, me dit-elle en entrevue dans un restaurant de Longueuil, près de chez elle. Si le PQ poursuit cette stratégie, il va continuer de se fragmenter. Il faut dire : "Ben oui, on va en faire, un référendum, parce que le Québec va s'enrichir avec l'indépendance" au lieu de dire : "Ben non, pas vraiment." Tasser l'indépendance pour prendre le pouvoir, justement, c'est comme ça qu'on perd le pouvoir parce que les indépendantistes ne sortent pas voter. »

Dans chaque débat, elle répète que les anciens chefs péquistes René Lévesque et Jacques Parizeau ont réussi dans le passé à chasser les libéraux du pouvoir en promettant ouvertement un référendum dans leur premier mandat. Elle rejette aussi les sondages qui montrent que 85 % des Québécois ne veulent pas d'un référendum.

« C'est comme si vous demandiez à des étudiants s'ils veulent un examen. Évidemment, 100 % diront non. Mais si vous leur demandez s'ils veulent leur diplôme, ils diront tous oui. »

On a qualifié Mme Ouellet, déjà l'an dernier, de souverainiste « pressée », un terme qui exaspère la très énergique députée de Vachon.

« "Pressée ?" Drôle de qualificatif. Ce sont plutôt les autres qui sont attentistes. Je suis la seule à m'engager à faire l'indépendance dans le premier mandat », réplique-t-elle, en reprenant les critiques qu'elle adresse à ses adversaires à chaque débat. Devant les militants, elle commence ainsi : « Vous avez le choix entre moi et les candidats de l'ambiguïté, si c'est l'ambiguïté que vous voulez, je vous le dis tout de suite, ne votez pas pour moi ! »

Elle salue la « clarté » de Jean-François Lisée, qui dit ouvertement qu'il n'y aura pas de référendum sous sa direction lors du premier mandat, mais elle rejette néanmoins cette approche.

« La proposition de Jean-François de repousser le référendum ne réussira pas à réunir les indépendantistes. C'est une proposition perdante », tranche-t-elle.

Elle a des mots encore plus durs envers le meneur présumé de cette course, Alexandre Cloutier, qui ne dira que six mois avant le prochain scrutin d'octobre 2018 s'il s'engagera ou non à tenir un référendum dans un premier mandat. L'an dernier, M. Cloutier prônait l'ouverture d'un registre pour inciter les Québécois à réclamer une consultation référendaire sur l'avenir constitutionnel du Québec. Cette fois, il propose plutôt de prendre cette décision après consultation avec les instances de son parti.

« Alexandre a remplacé son registre par son flair, c'est pas sérieux », laisse tomber Mme Ouellet.

Prenant de l'avance en vue d'un premier mandat référendaire, Martine Ouellet a présenté son projet de Constitution écrit, notamment, par Louis Bernard. Sa démarche postréférendaire, si le Oui devait l'emporter, se veut plus expéditive.

« Contrairement à 80 et 95, il n'y aura pas de délai d'un an avec la Constitution canadienne et pas de mandat de négocier [avec le fédéral]. Cette fois : l'indépendance sera effective maintenant », affirme-t-elle.

Quel avenir pour Martine Ouellet ?

En mai 2015, Martine Ouellet a terminé troisième (derrière Pierre Karl Péladeau et Alexandre Cloutier) avec 13 % des voix. Malgré ce score peu élevé, et le fait qu'aucun collègue député ne l'appuie cette fois encore, elle croit en ses chances.

« Pierre Karl, c'est un personnage plus grand que nature. Cette fois, personne n'a une telle longueur d'avance », dit-elle, en comparant la dernière course et celle-ci.

Selon elle, 70 % des militants ont voté pour un référendum dans le premier mandat (57 % pour PKP + 13 % pour elle) en 2015, ce qui est jouable pour cette fois-ci. (Mme Ouellet présume ainsi que M. Péladeau allait assurément tenir un référendum dans un premier mandat, ce qu'il n'a jamais dit publiquement, toutefois.)

« Les engagements du Parti québécois ne sont pas clairs, c'est pour ça qu'on ne rassemble pas. Si on fait la même chose qu'en 2014, on va subir la même défaite, et peut-être même encore pire. »

Quant à l'absence d'appuis au sein du caucus, elle ne s'en formalise pas trop et ne se gêne pas pour critiquer ses collègues.

« Ils sont dans le paradigme de la peur de la perte du pouvoir. Ils sont dans une dynamique d'alternance, ils veulent le pouvoir pour le pouvoir et ils agissent en provincialistes », lance-t-elle.

Dimanche dernier, après le débat de Sherbrooke au cours duquel elle s'est fait huer après avoir critiqué la décision de Pauline Marois de se lancer dans l'aventure pétrolière à Anticosti, Martine Ouellet a reproché à « des députés assis dans la première rangée » de mener le chahut contre elle.

En entrevue, l'ex-ministre des Ressources naturelles affirme avoir toujours été contre l'exploitation pétrolière à Anticosti (qu'elle a toutefois ratifiée, comme le lui a rappelé sèchement Alexandre Cloutier au débat de Sherbrooke) et jette le blâme sur ses collègues. « Il y a une certaine croyance, chez certaines personnes influentes au PQ, selon laquelle il y a beaucoup d'argent à faire à Anticosti alors que la preuve a été faite qu'il n'y a pas d'argent à faire là », dit-elle.

Ces nombreux accrochages avec ses collègues soulèvent évidemment des doutes sur son avenir au sein du caucus du Parti québécois. Certains la voient quitter le PQ à l'issue de cette course pour devenir la première députée d'Option nationale à l'Assemblée nationale ; d'autres la voient plutôt briguer la direction du Bloc québécois, parti dont elle est proche et qui élira son nouveau chef en 2017 (son ancien organisateur, Stevens Héroux, est maintenant directeur général du Bloc).

La principale intéressée affirme qu'elle restera au PQ après la présente course et qu'elle entend se représenter en 2018.

Martine Ouellet

Née le 8 avril 1969 à Longueuil

Dans son CV

Politique

• Députée (PQ) de Vachon depuis juillet 2010 (réélue en 2012 et en 2014)

• Ministre des Ressources naturelles de septembre 2012 à avril 2014

Professionnel

• 20 ans chez Hydro-Québec, notamment comme chef des projets spéciaux

Formation

• ingénieure

• Maîtrise en administration des affaires (M.B.A.), HEC Montréal (1998)

• Baccalauréat en génie mécanique, Université McGill (1992)

Dans son programme

• Électrification : retrait du mazout dans les résidences

• Éducation : fournitures et manuels gratuits au primaire et au secondaire public, tendre vers la gratuité scolaire à l'université

• Santé : clinique d'infirmières 24/7 dans tous les CLSC du Québec (150 millions)

• Immigration : cérémonie d'accueil québécoise

• Télé-Québec : bureaux d'information régionaux, bulletin quotidien et nouvelles en continu