Yves Bolduc devrait-il, comme le réclame Claude Castonguay, démissionner du cabinet Couillard pour avoir empoché des primes salariales légales, certes, mais moralement douteuses dans les circonstances?

La démission me paraît excessive, mais la banalisation de cette affaire par le premier ministre Couillard l'est tout autant. Voilà, encore une fois, la preuve que nos dirigeants politiques ont bien du mal à saisir l'humeur de l'électorat en cette ère de commission Charbonneau.

Toute cette histoire est une bien grande tempête dans un bien petit verre d'eau, a nonchalamment tranché M. Couillard. Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, passe l'éponge puisque toutes les règles ont été respectées par Yves Bolduc, qui, lui, se défend bien d'avoir profité d'un système de primes qu'il a lui-même mis en place à l'époque où il était titulaire de la Santé. C'est à souhaiter que les Drs Couillard, Barrette et Bolduc étaient plus rigoureux lorsqu'ils pratiquaient dans leur champ médical respectif parce que, dans la présente affaire, ils posent un très mauvais diagnostic.

En fait, Philippe Couillard se trompe. Triplement, même.

D'abord, ne voit-il pas que nous sommes ici devant un cas (un autre!) de goinfrerie de la part d'un privilégié du système, précisément le genre de choses qui écoeurent la plèbe?

Qui, dans notre société, a droit à de pareils avantages? Quel pourcentage de la population québécoise gagne 450 000$ et plus par année? Et puis, comme le demandait si justement mon collègue Antoine Robitaille, du Devoir, comment se fait-il que nous devions récompenser, en extra, les médecins pour que ceux-ci fassent leur travail? La question se pose. Une enseignante consciencieuse et dévouée (j'en connais!) qui décide de faire des recherches sur l'internet dans son temps libre pour aider les parents à trouver des services professionnels pour leur enfant ou qui reste 30 minutes (toujours sur SON temps) de plus tous les soirs, pour s'assurer que certains élèves n'accumulent pas trop de retard, recevra-t-elle une prime salariale?

Ah, bien sûr, Yves Bolduc n'a rien fait d'illégal, mais nos barèmes moraux sont rendus bien bas quand on se félicite qu'un élu respecte les lois! Évidemment qu'il n'y a pas eu fraude! La question est ailleurs, du côté de la morale, oui, mais aussi du côté de l'éthique.

Le fait que MM. Couillard, Barrette et Bolduc soient tous trois médecins n'arrangera pas les affaires pour le gouvernement. Entre médecins, on s'épaule, on se protège. Rappelons que le chef libéral avait jugé normale (une autre tempête dans un verre d'eau) l'indemnité de départ de 1 million de dollars qu'a touchée Gaétan Barrette, le printemps dernier, lorsqu'il a démissionné de son poste de président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec pour se (re)lancer en politique.

L'absolution (conditionnelle, puisqu'il a tout de même dit qu'il réévaluerait ce type de programmes) du ministre Barrette est d'autant plus ironique qu'il s'est lancé en politique, en 2012, avec la CAQ de François Legault pour forcer les médecins omnipraticiens à prendre plus de patients. Son collègue Bolduc a, effectivement, pris plus de patients, mais il les a laissé tomber 19 mois plus tard! Retour à la case départ pour ces patients, donc.

Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, lui aussi médecin, qui fait des tours de garde aux urgences d'un hôpital montréalais, a noté, avec raison, qu'il ne s'agit pas que de prendre de nouveaux patients pour faire du volume. Il faut aussi que le médecin s'engage à les suivre.

L'ancien ministre péquiste de la Santé Réjean Hébert pose, par ailleurs, une bonne question. Comment peut-on accepter 1500 nouveaux patients en 19 mois et leur accorder le temps et les soins adéquats? Faites le calcul: 1500 divisé par 19, soit près de 80 nouveaux patients par mois, soit une vingtaine de plus par semaine. Ce n'est plus une clinique, c'est une usine!

Yves Bolduc affirme qu'il pratiquait les soirs et les fins de semaine. Avec autant de patients, plus son job de député, il devait travailler 18 heures par jour!

Philippe Couillard commet une autre erreur dans l'affaire Bolduc: il envoie un bien mauvais message au moment où il demande à plusieurs groupes de faire des sacrifices pour le bien de l'État. Comment, s'il tolère de telles largesses pour un de ses ministres, peut-il demander aux employés municipaux et aux autres, comme les médecins, de se serrer la ceinture?

Troisième erreur de M. Couillard: il contribue à dévaloriser le travail de député, surtout de député de l'opposition, qui a apparemment beaucoup de temps libre pour faire autre chose. Député, c'est pas un job à temps complet? Qu'un élu donne un cours par session à l'université ou qu'il consacre quelques heures à une pratique professionnelle, soit, mais prendre en charge 1500 patients?

Pour revenir à Yves Bolduc, il devrait rembourser cette prime. Je suis sûr que Revenu Québec peut lui proposer un plan de remboursement raisonnable...

Quand qu'on pis ça l'a...

Les ministres québécois devraient donner l'exemple. Pas seulement pour l'éthique, mais pour le respect de la langue aussi. Hier matin, la ministre de la Famille, Francine Charbonneau, a violemment écorché les oreilles des auditeurs de l'émission C'est pas trop tôt avec des «quand qu'on» et des «ça l'a» pendant de longues minutes.

Mme la ministre, puis-je vous suggérer, humblement, de prendre exemple sur votre chef, qui parle un français impeccable? Un Sam Hamad par cabinet, c'est largement suffisant.

Abolir la prostitution

Le ministre de la Justice Peter MacKay a peut-être vécu des moments difficiles récemment, mais on ne pourra pas l'accuser de manquer d'ambition. Hier, en se présentant devant le comité parlementaire de la Justice, il a déclaré que son gouvernement veut abolir la prostitution!

Il a toutefois ajouté qu'il faudra un certain temps pour y arriver. Sans blague!

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