Si vous insistez vraiment pour savoir qui, selon moi, a gagné le premier débat des candidats à la direction du PLQ, je vous dirai Raymond Bachand, l'aspirant qui a le mieux su parler directement autant aux militants libéraux qu'aux électeurs, avec une connaissance certaine des enjeux économiques et juste la bonne dose d'attaques contre le gouvernement Marois.

Les deux autres, Pierre Moreau et Philippe Couillard, n'auront pas fait honte à leurs partisans, mais le premier devra faire plus pour s'imposer et le second devra faire mieux pour confirmer son statut de meneur présumé dans cette course.

Pierre Moreau s'exprime avec l'aisance d'un bon plaideur mais, sur le fond, ses idées sont plutôt vagues. Il a avancé, par exemple, l'idée de débattre de l'existence des cégeps, se défendant toutefois de prôner leur disparition. «Une course à la direction est le bon moment de débattre», a-t-il dit en point de presse. Soit, mais débattre de quoi?

Même chose en matière d'immigration: M. Moreau laisse entendre qu'il ne ferait plus de la connaissance du français un préalable pour immigrer au Québec, mais il a lancé l'idée plutôt qu'il ne l'a défendue.

Philippe Couillard, fidèle à lui-même, était en pleine maîtrise des concepts théoriques, mais justement, on le sent plus dans les concepts que sur le plancher des vaches. M. Couillard a ce ton professoral qui respire la confiance, mais qui n'inspire pas nécessairement le rapprochement.

Raymond Bachand, le plus détendu des trois, «connecte» davantage avec les militants, avec humour, conviction et assurance, surtout dans les dossiers financiers et économiques.

Ce premier débat (il y en aura quatre autres d'ici au congrès de mars) aura été plutôt poli, les trois candidats se jaugeant prudemment et les divergences d'opinions profondes étant, pour le moment, assez rares. Il faut dire qu'il s'agit de la première course à la direction du PLQ en plus de 30 ans. Les libéraux ont vraisemblablement perdu l'habitude de débattre. Ils sont nombreux, d'ailleurs, militants comme députés, à admettre que leur parti est devenu depuis quelques années une machine à gagner des élections de laquelle on a évacué les débats.

On s'inquiète, en particulier, de la désaffection des jeunes. Ceux-ci étaient en effet bien peu nombreux hier pour ce premier débat à l'auditorium du Collège de Maisonneuve.

Sur la scène, il n'y a pas eu de fronde directe - à peine quelques chiquenaudes, notamment entre Pierre Moreau et Philippe Couillard sur la question des cégeps.

M. Moreau a reproché à son rival de refuser d'en débattre, simplement parce qu'il affirme que tout va bien avec les cégeps. En point de presse, il a par la suite dénoncé les «positions réductrices» et le refus de débattre, une référence directe à M. Couillard.

Ce dernier a critiqué la décision du gouvernement Charest d'encadrer les manifestations étudiantes (loi 78) et il a affirmé à plusieurs reprises qu'il faut écouter les étudiants. Voilà des points qui pourraient provoquer quelques étincelles entre les candidats dans les semaines à venir.

Le principal sujet de préoccupation reste toutefois la corruption et l'intégrité, si bien qu'on pouvait très bien sentir l'ombre de la commission Charbonneau, hier.

À ce sujet, Raymond Bachand a affirmé que son parti (et le gouvernement Charest) avait trop attendu pour sévir contre certaines personnes impliquées dans des affaires louches (il n'a toutefois nommé personne).

Philippe Couillard, lui, a plutôt défendu Line Beauchamp, «traitée injustement», a-t-il dit, à cause d'une visite au club privé 357 C.

M. Couillard a toutefois lui-même remercié un collaborateur de sa campagne, Alexandre Bibeau, parce que le nom de celui-ci est sorti à la commission Charbonneau.

En matière d'éthique, la marge de manoeuvre des libéraux est vraiment mince.

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