Pauline Marois a fait preuve d'audace et d'imagination, hier, en regroupant certains ministères et en confiant plusieurs postes importants à de vertes recrues, mais elle n'aura pas réussi à rassurer ceux qui pensent que l'économie n'est pas la principale force de son gouvernement.

La «gouvernance souverainiste», par contre, thème cher à la nouvelle première ministre, vient de faire son entrée officielle à Québec, avec l'arrivée des Jean-François Lisée, Bernard Drainville, Alexandre Cloutier et autres partisans de cette théorie au Conseil des ministres.

En présentant son nouveau ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Alexandre Cloutier, Pauline Marois lui a donné le mandat de récupérer de nouveaux pouvoirs à Ottawa, affirmant du même coup que «demeurer une province du Canada est un risque pour le Québec». Après une telle introduction, disons que M. Cloutier sera attendu de pied ferme à Ottawa.

Pauline Marois a aussi insisté à plusieurs reprises sur l'importance pour le Québec d'accéder à l'indépendance; elle a même pris soin, à la fin de la cérémonie, de rappeler qu'elle dirige un gouvernement souverainiste.

Mme Marois sait fort bien que ses projets de rapatriement de pouvoirs recevront une fin de non-recevoir à Ottawa et que les partis de l'opposition ne marcheront pas avec elle dans cette voie, mais elle fait le pari que les Québécois, eux, la suivront. Elle veut aussi, de toute évidence, rassurer sa base militante, inquiète de voir le PQ mettre l'option en veilleuse en raison de son statut de gouvernement minoritaire.

C'est aussi pour cette raison qu'elle a nommé Bernard Drainville à la tête d'un nouveau comité sur l'identité, qu'elle a demandé à Diane De Courcy d'écrire une nouvelle charte de la langue française et qu'elle a donné à Maka Kotto le mandat «exprès» de récupérer des pouvoirs en culture et en communications à Ottawa.

Quant à la nomination de Jean-François Lisée aux relations internationales, le message est très clair: il doit poursuivre le travail de réseautage et de reconnaissance de la cause souverainiste mené pendant des années par Louise Beaudoin à l'étranger.

Une équipe verte

Les fronts souverainiste, identitaire et social seront donc bien représentés, ce qui n'est pas une surprise avec un gouvernement du Parti québécois. Mais ailleurs, notamment en économie, là où les défis sont nettement plus importants et pressants, l'équipe de Pauline Marois est très verte.

Par ailleurs, le cumul par un seul ministre, Sylvain Gaudreau, des Affaires municipales ET des Transports est totalement inusité. Bonjour les arbitrages!

Aux Finances, Nicolas Marceau est un jeune (48 ans) économiste brillant, mais son expérience professionnelle est essentiellement scolaire. Il n'a jamais dirigé de ministère ou d'organisme public.

En le regardant hier, lors de la cérémonie, j'ai revu cet universitaire discret, timide et aimable avec qui j'ai partagé à l'occasion, il n'y a pas si longtemps, des plateaux de télévision où nous analysions les décisions du gouvernement. Le voilà propulsé dans d'énormes responsabilités.

Heureusement pour Nicolas Marceau, Pauline Marois a eu l'excellente idée de désigner, au Conseil du Trésor, Stéphane Bédard, le politicien le plus aguerri et le plus redoutable de sa génération. Celui-ci pourra jouer le rôle de portier pour repousser les demandes du caucus, laissant à M. Marceau la délicate mission de rétablir l'équilibre budgétaire dans un contexte extrêmement difficile.

Plutôt vert, le ministre des Finances peut au moins se targuer d'avoir un peu d'expérience parlementaire, ce qui n'est pas le cas de tous ses collègues.

Dans ce nouveau Conseil des ministres, cinq ministres seniors n'ont jamais siégé à l'Assemblée nationale: Pierre Duchesne (Éducation supérieure), Élaine Zakaïb (Politique industrielle et à la Banque de développement économique), Daniel Breton (Environnement), Diane De Courcy (Immigration) et Réjean Hébert (Santé).

Cela promet des périodes des questions intéressantes parce que, en face du gouvernement, dans l'opposition libérale, l'immense majorité des porte-parole a des années d'expérience parlementaire et gouvernementale.